Il y a des semaines comme ça qui marquent plus que d’autres. Celle qui allait du 15 au 21 mars 2021 restera certainement un petit temps dans la tête de Jean-Louis Schuller, le réalisateur luxembourgeois de 41 ans. est en effet sorti le 17 mars sur les écrans de cinéma du pays. Soit quelques heures seulement avant l’arrivée sur Netflix (le 19) de la troisième saison de «Formula 1: Drive to Survive». Une série documentaire sur les coulisses de la F1 pour laquelle le natif du quartier de Cents à Luxembourg est chef opérateur.
«Quand mon film est sorti, je n’avais pas en tête que la série arrivait juste après…», sourit Jean-Louis Schuller. «Après deux documentaires, ‘Hytte’ est mon premier long métrage de fiction. J’étais vraiment focus sur lui. Je me demandais comment il allait être reçu. Cela n’a pas été facile à vivre. Je n’ai pas pu être présent pour la grande première qui avait lieu au Luxembourg City Film Festival. Du fait que je vis à Londres et que le festival ne pouvait pas accueillir d’invités venant de l’étranger. C’était un peu surréel… Au final, les critiques sont bonnes. Mais tout ça m’a fait un peu oublier la série.»
N°1 sur Netflix
On ne connaît guère la souplesse (sur le plan physique) du réalisateur luxembourgeois, mais, cinématographiquement, il réalise tout de même un sacré grand écart entre ces deux productions. «‘Hytte’ est un film de niche. C’est de ‘l’art’. Alors que ‘Formula 1: Drive to Survive’ est une bonne série TV adressée au grand public et programmée pour attirer des millions de spectateurs», glisse-t-il. Ce qu’elle réussit d’ailleurs à merveille. Depuis son lancement, elle se maintient ainsi dans le top 3 des séries les plus regardées au monde sur Netflix, ayant même occupé certains jours la place de n°1.
Les frères Schleck comme porte d’entrée
Mais comment un Luxembourgeois atterrit-il ainsi sur un tel programme? «Forcément un peu par hasard», continue à sourire Jean-Louis Schuller. «Après avoir étudié à l’IAD (l’Institut des arts de diffusion, ndlr) à Bruxelles, je me suis envolé pour Londres et la NFTS (National Film & Television School), une des écoles les plus réputées au monde dans son domaine. Je n’ai jamais vraiment envisagé de quitter la capitale anglaise par la suite. Et un ancien camarade de classe travaillait sur une autre production Netflix. Il a montré aux producteurs le documentaire que j’avais réalisé pour le cinéma en 2011, sur la participation des frères Schleck au Tour de France: . Cela leur a beaucoup plu et j’ai eu des rendez-vous avec le producteur et la showrunner de la série.»
En charge de l’identité visuelle
C’est ainsi qu’il a été engagé sur la saison 1, avant d’enchaîner avec les deux suivantes. Et on s’en voudrait de ne pas souligner que le style qu’il avait développé pour le film sur les frères Schleck, voici 10 ans, n’est pas complètement étranger à celui qu’on voit aujourd’hui sur Netflix. Il faut dire que Jean-Louis Schuller occupe le poste de directeur photo (ou chef opérateur) sur «Formula 1». Il est donc en charge de l’identité visuelle du programme. Et c’est peu dire que celle-ci a une place importante dans le succès remporté par une série qui a permis à la Formule 1 de gagner un nouveau public. En même temps qu’elle a aidé à reconquérir le cœur de nombreux fans qui avaient rangé la F1 au garage depuis un certain temps.
«Certains en deviennent jaloux»
C’était le cas d’ailleurs d’un Jean-Louis Schuller qui avait suivi passionnément les «années Michael Schumacher», avant de se lasser de ces bolides colorés fonçant à plus de 300km/h. «Mais là, j’ai vraiment replongé dedans. Il faut dire que, généralement, je suis présent sur 15 à 17 Grand Prix sur la grosse vingtaine que compte la saison», sourit un Schuller qui a aujourd’hui visité une trentaine de pays différents grâce à la F1. «Je me sens privilégié de pouvoir ainsi déambuler avec mes caméras dans les paddocks, visitant les stands réservés aux écuries. Certains journalistes en deviennent presque jaloux. Même si, au final, on ne nous laisse évidemment pas tout voir.»
Certaines équipes cadenassent les choses, d’autres moins. «Ferrari, par exemple, a mis longtemps à nous ouvrir ses portes. On n’y avait pas eu accès lors de la saison 1. Puis, ils sont devenus plus accessibles…» La Scuderia, la marque au «cheval cabré», s’est forcément rendu compte, comme les autres, qu’en levant un coin du voile sur les coulisses du championnat, en mettant en avant différentes personnalités dans les écuries, tout le monde avait à y gagner.
Les fesses de Bottas, les pâtes de Ricciardo et Carlos Sainz Sr
Jean-Louis Schuller, de son côté, y a gagné quelques nouvelles connaissances… parmi les pilotes. «Forcément, on crée des relations avec certains. Les Lewis Hamilton, Sebastian Vettel, Valtteri Bottas ou Charles Leclerc vous saluent, mais sont globalement un peu plus fermés. Il y a une certaine logique, forcément. Vu leur notoriété, ils font attention. Mais des gars comme Carlos Sainz Jr ou Daniel Ricciardo sont toujours là pour te faire une petite blague.»
Avec forcément quelques anecdotes à la clé. «Comme lorsqu’on a été tourner à Perth, en Australie, chez Ricciardo. On s’est tous attablés avec sa famille pour manger les pâtes préparées par sa mère. Ou bien quand on s’est retrouvés avec un Valtteri Bottas nu dans son sauna lorsque nous avions été le voir en Finlande. Il fallait faire attention à ce qu’on n’en voit pas trop… Mais ce qui m’a sans doute le plus marqué, c’est un voyage à Majorque où Carlos Sainz Sr, le papa du pilote de F1 et ancien champion du monde des rallyes, m’a fait goûter ses vins, avant de nous emmener faire du jet-ski. Quand je pense qu’il était un de mes héros d’adolescence…» Le genre de moment qui ne s’oublie pas, forcément…