Êtes-vous satisfait de ce jugement?
Me Pol Urbany. – «Tout à fait. Nous avons . Nous avons plaidé que le Premier ministre avait autorisé l’écoute de Loris Mariotto, et le juge a retenu comme établi qu’il y a bien eu une autorisation pour la procédure d’urgence. C’est le cœur de l’affaire.
Lors des interrogatoires par la police judiciaire et de ses déclarations à la barre, Jean-Claude Juncker ne se rappelait plus vraiment l’avoir donnée mais ne pouvait pas l’exclure. Pourtant, il s’agissait de l’un de ces évènements dont on se souvient, non seulement parce qu’il a mené en fin de compte au terme anticipé de l’ère Juncker, mais encore parce que le fait était d’une gravité exceptionnelle: tout tournait autour d’un enregistrement illégal d’un entretien secret entre le Premier ministre et le Grand-Duc au sujet des attentats à la bombe suite à la révélation d’un témoin selon lequel le Prince Jean aurait fait partie des poseurs de bombe.
Vu la nature exceptionnelle de l’affaire, je n’ai jamais cru à sur la question de son autorisation. Ce d’autant plus qu’il a pu être retracé au moyen d’enquêtes techniques que Jean-Claude Juncker s’est entretenu par téléphone avec le directeur du Srel à deux reprises avant que les écoutes ne commencent et que lors de la fameuse réunion Juncker-Mille, enregistrée en catimini par M. Mille sur la montre du Srel quelques jours plus tard, les paroles de Jean-Claude Juncker, chef suprême de Srel, était claires et univoques: il était bien au courant des écoutes et s’intéressait à leur résultat.
Il aurait donc pu venir à la barre et dire qu’il se souvenait avoir autorisé l’écoute, mais il a manqué de courage politique pour faire cela. Le tribunal s’est appuyé sur l’enregistrement de la montre (réalisé deux jours après l’écoute, ndlr), qui démontre bien que .
C’est pour cela que nous avons exigé que l’enregistrement soit diffusé en audience publique. Le Parquet ne s’y est pas opposé, mais par après, lors de son réquisitoire, il a suggéré qu’il s’agirait d’un enregistrement illicite qui ne pouvait servir comme preuve et ce malgré le fait que cet enregistrement faisait partie du dossier pénale et fut exploité tout au long de l’enquête. Le tribunal n’a pas accepté cette argumentation et a décrété que l’enregistrement pouvait être utilisé comme preuve.
Votre client est-il soulagé, ou craint-il un appel?
«C’est évidemment un grand soulagement pour M. Kemmer, parce qu’une procédure pareille pèse. Je pense qu’il n’y aura pas d’appel, puisqu’on ne peut éternellement continuer . Il faut accepter cette décision.
J’aurais bien voulu voir Loris Mariotto à la barre.
Ce procès vous laisse-t-il des regrets?
«J’ai un premier regret ‘académique’: j’aurais bien voulu voir Loris Mariotto à la barre, qu’il témoigne sous la foi du serment. Or, il s’est constitué partie civile pour y échapper.
Ensuite, deuxième regret ‘académique’: je trouve également dommage que l’on n’ait pas vraiment vérifié l’histoire derrière cette écoute. On aurait bien voulu en savoir un peu plus sur l’enregistrement de la conversation entre S.A.R. le Grand-Duc et M. Juncker. Qui a apporté le CD à M. Mariotto? Que se sont dit le Grand-Duc et le Premier ministre, alors que l’entretien a eu lieu immédiatement après qu’un nouveau témoin a indiqué à M. Juncker que le Prince Jean était l’un des poseurs de bombe?
Tout cela est important dans l’intérêt de l’, mais ne l’est évidemment pas dans notre affaire, puisque les anciens agents étaient accusés d’avoir mis sous écoute non pas le Grand-Duc, mais Loris Mariotto.
Toutefois, le CD reste indéchiffrable à ce jour…
«M. Mariotto avait dit à M. Kemmer que l’entretien était ‘explosif’. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait écouter à mon client ou ne lui a-t-il pas donné une version audible? Cela restera le secret de M. Mariotto. En tout cas, le Srel a agi parce qu’un tel enregistrement était déjà très grave en soi et parce que, s’il venait à circuler, il pouvait constituer un danger pour les personnes et autorités concernées.»