Jean Asselborn ne s’attend pas à ce que Donald Trump reconnaisse une éventuelle défaite. Un état d’esprit qu’il juge dangereux. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Jean Asselborn ne s’attend pas à ce que Donald Trump reconnaisse une éventuelle défaite. Un état d’esprit qu’il juge dangereux. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

En tant que ministre des Affaires étrangères du Luxembourg de juillet 2004 à 2023, Jean Asselborn a été le témoin de cinq élections présidentielles américaines: 2004, 2008, 2012, 2016 et 2020. Il revient pour Paperjam sur ces échéances et fait part de ses inquiétudes pour l’élection à venir.

Dans le cadre de notre série consacrée à l’élection présidentielle américaine, la rédaction de Paperjam a demandé à Jean Asselborn de partager sa vision à l’aune de son expérience de cet événement politique majeur à l’échelle de la planète.

«C’est l’élection la plus importante de l’année, bien plus importante que les dernières élections européennes», introduit . Un Jean Asselborn qui s’exprime en tant qu’observateur sans parti pris politique. «Cette élection, même si ce sont les électeurs américains qui votent, ne concerne par uniquement les États-Unis. Les répercussions seront mondiales et toucheront évidemment aussi l’Union européenne.» Et s’il est conscient que les questions de politique étrangère ne seront pas déterminantes dans le choix des électeurs, «le sujet reste primordial». «Imaginez un président américain – et Trump était quand même sur la bonne voie pour le faire – qui laisserait tomber l’Otan, qui laisserait tomber l’Ukraine et qui n’essayerait pas, au Moyen-Orient, de trouver des solutions diplomatiques. Cela ne peut pas être à l’avantage de la planète.»

Pour Jean Asselborn, personne en Europe, «mis à part la Hongrie et peut-être aussi la Slovaquie, ne souhaite le retour de Trump. «Ce que l’on veut en Europe, et il faut le dire aux Américains, c’est un président civilisé, capable de résoudre avec rationalité les problèmes de ce monde. Il y a suffisamment de criminels aux affaires de par le monde. Nous n’avons pas besoin d’un président américain qui le soit aussi.»

L’élection de Barack Obama: un soulagement

À la question de savoir quel est son meilleur souvenir électoral présidentiel américain, il répond sans hésiter l’élection de Barack Obama en 2008. Barack Obama l’avait alors emporté face au républicain John McCain et succédait à Georges Bush Junior, au pouvoir depuis 2001. «À l’annonce du résultat, nous avons été plusieurs à mieux respirer», confie-t-il. Du soulagement, il confesse en avoir également éprouvé lors de l’élection de Joe Biden il y a quatre ans.

Son pire souvenir en tant que ministre des Affaires étrangères, c’est moins l’élection de Donald Trump en 2016 «avec trois millions de voix de moins que son adversaire, Hillary Clinton» que les quatre années qui s’ensuivirent. «Moi qui ai vécu quatre années de présidence Trump, je peux vous dire qu’il se fout totalement du multilatéralisme et de la coopération internationale. Il a toujours prêché un patriotisme pur et dur. Et nous savons en Europe où cela peut mener…»

La journée du 6 janvier 2021 et l’assaut du Capitole par les partisans de Trump voulant contester les résultats de l’élection de novembre 2020 alors que le Congrès est réuni pour achever le processus électoral a également fortement marqué Jean Asselborn. En déplacement à l’étranger, il a assisté à l’événement devant la télévision. «Clairement, Trump était l’instigateur de ces troubles. C’est lui qui poussait les gens à l’action violente. C’était un moment très fort, irrationnel. Et même si cela s’est bien terminé, on a quand même compté cinq morts, et surtout, les gens s’en sont pris à la Constitution. Un exemple qui pourrait bien inspirer d’autres personnes à l’avenir.»

Un scrutin serré

Un exemple qui pourrait même se répéter. Et cela inquiète l’ancien diplomate. «Trump l’a dit et le répète: s’il perd, c’est parce que l’élection aura été truquée. Tenir de tels discours, c’est détruire la démocratie. Il faut imaginer cela: la plus grande démocratie de la planète ayant un candidat qui dise cela… C’est quelque chose qui est extrêmement dangereux. Joe Biden a dit penser que tout ne se passerait pas très bien… J’espère qu’il aura tort et que l’avantage de Kamala Harris sera clair, évident devant les électeurs et devant les tribunaux.» Mais même si les résultats sont clairs et ne souffrent aucune contestation, Jean Asselborn ne s’attend pas à ce que Trump reconnaisse sa défaite. «Mais comme la plupart des Européens, j’ai quand même l’espoir que Kamala Harris remporte l’élection. Je pense qu’il y a quand même des gens extrêmement intelligents dans les milieux culturel, économique, sportif qui aideront à ce qu’on ne donne pas de nouveau une chance à un type qui a détruit tellement de choses et qui a agi comme un criminel. Il ne faut pas qu’un criminel devienne président des États-Unis.»

Jean Asselborn s’attend à un scrutin serré, les deux candidats oscillant chacun entre 47% et 49% des intentions de vote. Pour lui, tout se joue dans les Swing States – les États charnières ou pivots comme on les appelle de ce côté de l’Atlantique –, et notamment en Pennsylvanie. Ces États sont des États dans lesquels aucun des deux grands partis américains ne gagne systématiquement. Dans le système électoral, à l’exception du Nebraska et du Maine, le vainqueur rafle tous les grands électeurs qui seront chargés de désigner le président. Avoir le plus de suffrage populaire ne garantit pas d’avoir la majorité de ces grands électeurs. Al Gore en 2000 et Hillary Clinton en 2016 en ont fait l’amère expérience.