Pendant le confinement, Anne Van Wetteren a rejoint sa famille à Oberpallen depuis Hambourg, à vélo. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Pendant le confinement, Anne Van Wetteren a rejoint sa famille à Oberpallen depuis Hambourg, à vélo. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

La Banque de Luxembourg durant le confinement pour comprendre son vécu de la crise, mais aussi ce qu’elle espère pour le monde de demain. Tout au long de la semaine, Paperjam donne la parole à ces jeunes qui évoluent dans un contexte où entreprise et famille ne font qu’un. Rencontre aujourd’hui avec Anne Van Wetteren, fille de Christianne Wickler, administratrice déléguée de Pall Center.

Anne Van Wetteren est anthropologue et développe des concepts dans le secteur de l’hôtellerie. Un domaine où la notion d’hospitalité prime, à l’image de l’entreprise de sa maman, , qui pilote les magasins au Luxembourg. «Reprendre l’entreprise? Je ne sais pas encore», dit la jeune femme de 30 ans qui a rallié Oberpallen depuis Hambourg en vélo en plein confinement. Rencontre.

Que retenez-vous, en trois mots, du confinement?

Anne Van Wetteren. – «Ce que je retiens, c’est la peur, l’opportunité et la capitaine. La peur, c’est celle de la maladie et surtout celle qui a été créée par une mauvaise communication parce que les médias et les politiques n’ont pas vraiment été clairs et ont joué avec la peur des gens. Les chiffres diffusés ont été négatifs au lieu de communiquer sur le nombre de patients guéris, par exemple.

L’opportunité, c’est celle de faire un certain ‘reset’ pour savoir ce qui compte vraiment, ce à quoi on tient, quelles sont les valeurs qui nous tiennent à cœur, donner de la responsabilité aux gens.

Et puis la capitaine, c’est comme cela que j’ai vu ma mère, qui était là pour tenir la barre et rassurer ses salariés qui avaient peur pour leur santé, pour leur travail. Ils avaient besoin de quelqu’un qui dise: ‘On va réussir tous ensemble.’ Je suis très admirative de ma mère. Comme on dirait en anglais: ‘She fucking cares’, pas seulement pour l’entreprise qu’elle a construite, mais aussi pour les gens qui y travaillent. Qu’est-ce que la crise a changé en vous?

«Cela m’a un peu enlevé le respect que j’avais envers la politique dans le sens où j’ai remarqué qu’on se croit guidé par des gens qui savent tout et que nous, on ne sait pas assez pour être entendu. Je pense qu’avec la crise et l’action que j’ai faite avec ma balade en vélo, mes actions et mes valeurs ont une voix. Je peux et je dois prendre part à la société pour moi, mes amis, ma famille, et les gens que j’inspire peut-être par mes actions. Et mes actions sont guidées par mes valeurs. Cela m’a aussi confirmé qu’il ne faut pas se laisser guider par la peur.

La communication a-t-elle été «facilitée» grâce à la crise qui a réuni les différentes générations autour de la table?

«Oui: pendant la crise, on s’est téléphoné quotidiennement au moins deux ou trois fois par jour, on s’est soutenus, et comme je vis dans un autre pays que le Luxembourg, c’était très intéressant d’échanger nos points de vue, de conseiller ma mère, de l’épauler. On a discuté de la situation: comment on fait avec le personnel? Comment ça se passe en Allemagne? Je trouve que ça nous a vraiment réunis, tant au niveau du conseil de l’entreprise qu’au niveau du soutien familial.

Comme je vis dans un autre pays que le Luxembourg, c’était très intéressant d’échanger nos points de vue.
Anne Van Wetteren

Anne Van Wetterenanthropologue

Des projets ont-ils été accélérés par rapport à la crise?

«Les projets sont analysés d’une manière plus critique encore, surtout ceux qu’on soutient avec nos valeurs. Mais bien sûr, on se demande ‘qu’est-ce qui fait tourner la machine?’. Quel investissement va-t-on peut-être mettre de côté pour l’instant? Qu’est-ce qui est essentiel? Je dirais aussi que c’était de donner encore plus de responsabilités aux gens, pour leur donner l’opportunité de faire partie de l’entreprise. Pour ma mère, c’est de leur dire ‘je suis la capitaine, mais j’ai besoin de vous pour garder les gens sur le bateau’.

Qu’est-ce qui vous permet de continuer à croire en l’entreprise?

«Je me répète, mais je pense à la force intrinsèque de ma mère: ‘she cares’. En tant que famille, on tient ensemble, on s’épaule. Je serai toujours là pour la soutenir, je serai toujours là pour elle, pour l’entreprise, d’une manière ou d’une autre, par mes valeurs ou mes passions et mes influences, mes perspectives. Je pense aussi que c’est notre personnel qui a toujours cru en l’entreprise pendant la crise. J’ai un énorme respect pour notre personnel qui remplit les rayons, car il était sur le terrain alors que personne ne savait quel virus nous frappait, qui traversait les frontières alors qu’elles étaient fermées, et qui était en contact direct avec les clients qui étaient apeurés. Je tire mon chapeau à tout le personnel.

Ce monde composé de crises et d’incertitude va faire partie de votre quotidien… Comment appréhendez-vous cela?

«La peur n’empêche pas de mourir, mais de vivre. Je travaille dans l’hôtellerie, une industrie parmi les plus touchées. Mais je crois dans la joie de vivre des gens: j’ai envie de vivre parce que le virus, on peut en penser ce qu’on veut, mais jamais je ne m’empêcherai de vivre ou de partager mes passions et de rassembler des gens autour de moi pour créer quelque chose qui fait du bien et qui montre quelle chance nous avons d’être ici. Quel message voudriez-vous envoyer aux responsables publics?

«Retravaillez votre communication et arrêtez de faire peur. Arrêtez de prendre les gens pour des cons et parlez de manière calme, factuelle et respectueuse aux gens.»

Ce mercredi, retrouvez le témoignage de Michel Bradtke de l’entreprise Vitralux.