Pour la seconde fois, Danielle Becker-Bauer préside le Conseil national des femmes. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Pour la seconde fois, Danielle Becker-Bauer préside le Conseil national des femmes. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

C’est la deuxième fois que Danielle Becker-Bauer préside le Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). Bien plus qu’un organe de lobby féministe, il se veut être une vraie force de proposition, alors que les combats à mener sont toujours aussi nombreux.

Pour se faire entendre, autant mettre plusieurs voix en commun. C’est la raison d’être du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL) dont la présidente Danielle Becker-Bauer, qui assure cette fonction pour la seconde fois, est venue partager un petit-déjeuner avec la rédaction de Paperjam. «Le CNFL est une structure faîtière sous laquelle on retrouve 13 associations, parfois très diverses: les Femmes socialistes, les Femmes libérales, mais aussi l’Union des dames israélites, l’Action catholique des femmes du Luxembourg ou encore la section luxembourgeoise du Zonta international.»

Trouver la voie du consensus

Une diversité qui est source de richesse. «C’est très intéressant et en effet très riche au niveau de nos débats», relève la présidente. Car le but est en effet de s’emparer de sujets d’actualité, évidemment en lien avec la cause féministe, et d’arriver à une prise de position commune. Le CNFL est en effet la voix officielle des femmes au Luxembourg, celle qui doit être entendue. On cherche donc toujours un consensus», dit-elle.

Ce qui n’est pas toujours simple. «Le sujet de l’avortement a sans doute été un des plus délicats. Parmi nos associations, il y a des positions qui sont très éloignées. Mais au final, on a trouvé une position que chaque association s’est engagée à défendre», relève la présidente, qui doit parfois jouer les médiatrices. «J’essaye toujours de trouver quel est le dénominateur commun. De plus, les associations savent que même si je suis issue du Zonta (la présidente de la CNFL est tirée au sort) et engagée en politique (au LSAP),  je les représente toutes.»

Lieu de réflexion et de débat, le CNFL ne se contente pas d’être cela. Mais surtout de rendre des avis structurés, notamment avec l’aide de son équipe composée d’une juriste et d’une politologue. Une nouvelle fois le sujet de l’avortement aura été exemplatif car «si tout le monde a mis des bémols, on a trouvé un consensus afin de rendre un avis législatif structuré». Qui a pu influencer sur la loi de décembre 2014 sur l’IVG? «Je n’ai pas cette prétention de croire qu’on puisse changer la loi à nous seules. Mais à force de répéter les choses, elles sont sans doute entendues.»

Au Luxembourg, l’égalité totale entre les sexes n’existe pas. Et pas seulement au niveau du salaire.
Danielle Becker-Bauer

Danielle Becker-Bauerprésidente du CNFL

Pour cela, il faut lutter sans jamais baisser sa garde. «On a longtemps milité pour les quotas sur les listes électorales. Et je peux vous dire que nous ne nous sommes pas fait que des ami(e)s. Certaines réunions au ministère ont été tendues. De même sur le sujet de la prostitution, où nous aurions voulu aller plus loin, sur le modèle des pays nordiques.»

Danielle Becker-Bauer reste toujours attentive aux évolutions de la société et du monde. «On voit de nombreux pays où on s’attaque à nouveau aux droits fondamentaux des femmes. Notamment les USA où on remet en cause ce même droit à l’avortement», dit-elle. Avant de préciser «qu’au Luxembourg, l’égalité totale homme-femme n’existe pas. Pas seulement au niveau du salaire! Même si on sent une certaine inflexion.»

La digitalisation, un piège potentiel

La digitalisation pourrait-elle être une opportunité d’émancipation pour les femmes? La présidente du CNFL y voit aussi un piège potentiel. «Je travaille à la maison mais je me dis: tiens je vais vite faire tourner une machine à laver... Si c’est pour cela, alors non. Le travail, ce sont aussi des collègues, des échanges sociaux.»

Et au bout de la carrière, un droit à la pension. Souvent raboté pour ces femmes qui ont interrompu leur parcours professionnel un certain nombre d’années. «Une de nos brochures abordera ce sujet prochainement. Beaucoup de femmes âgées peuvent se retrouver au bord de la pauvreté, même avec le rachat rétroactif de périodes d’assurance. On demande une assurance obligatoire pour éviter de tomber dans le piège de la pension basse. La maison de retraite coûte aussi cher aux hommes qu’aux dames.»

La future imposition individuelle est perçue aussi comme une bonne chose. «Qu’une femme qui élève seule son enfant paie plus d’impôts qu’un couple marié, cela n’était plus logique.»

Danielle Becker-Bauer a partagé un petit-déjeuner avec la rédaction de Paperjam. (Jan Hanrion/Maison Moderne)

Danielle Becker-Bauer a partagé un petit-déjeuner avec la rédaction de Paperjam. (Jan Hanrion/Maison Moderne)

La violence envers les femmes demeure aussi un réel problème. «Cela me tient fort à coeur», note Danielle Becker-Bauer. «C’est la raison d’être de notre Orange Week qui aura lieu le 23 novembre, un événement qui aura encore plus de visibilité cette année. Nous sommes heureuses de bénéficier du patronage de la

Le mouvement #MeToo a sans doute aidé à évoquer la violence envers les femmes. «Il est certain que quand des personnalités publiques l’évoquent, cela fait aussi baisser le seuil de tolérance dans la société», analyse Danielle Becker-Bauer. Néanmoins, au Luxembourg, les chiffres ne sont pas très clairs. «. Mais combien pour de la violence d’homme envers une femme? Le chiffre inclut aussi de la violence entre hommes, entre femmes...»

L’autonomie grâce à l’éducation

Une violence qui, «dans un pays riche, n’a souvent pas de visage. La victime a peur de ce qu’on va en dire, de ce que cela va entraîner, alors elle ne dit rien... Or, pour moi, toute violence doit être dénoncée, toujours. C’est la seule solution. Et si quelqu’un se confie à vous en disant être victime de violence, il faut aussi dénoncer.»

Néanmoins, Danielle Becker-Bauer concède «que notre situation au Luxembourg est tout de même privilégiée par rapport à d’autres pays. Notamment car il n’y a pas de grandes inégalités au niveau de l’éducation. C’est là que tout se joue. Car cela débouche sur un métier, et une autonomie.»

Et si les femmes sont de mieux en mieux représentées dans de hautes fonctions publiques, il reste à faire dans le secteur privé. «On est même à un niveau très faible. Quand une femme est pressentie pour un poste de direction, on lui demande souvent quels sont ses projets de famille. À quel homme pose-t-on cette question?»

Je pense que les hommes qui ont un problème avec le sexe féminin ont en réalité un problème avec leur propre sexe. Ils ne sont sans doute pas tout à fait émancipés!
Danielle Becker-Bauer

Danielle Becker-Bauerprésidente du CNFL

Admiratrice de Simone Veil, Danielle Becker-Bauer avoue aussi apprécier Justin Trudeau, le Premier ministre canadien qui «se positionne comme féministe».  

Pour qu’un jour, la «question du sexe n’ait plus aucune importance», les batailles seront en tout cas encore nombreuses. Notamment vis-à-vis de ceux qui taxent les femmes militantes de féministes, sur le ton du mépris. «Je pense que les hommes qui ont un problème avec le sexe féminin ont en réalité un problème avec leur propre sexe. Ils ne sont sans doute pas tout à fait émancipés! Je connais beaucoup d’hommes féministes car ce sont des humanistes. Le féminisme n’est en tout cas pas du sexisme.»

Peut-être finalement font-elles peur aux hommes? «Je n’en sais rien, je ne peux parler à leur place. Mais si c’est le cas, cela prouve qu’on a encore beaucoup de choses à leur apprendre», conclut Danielle Becker-Bauer avec le sourire.