Johan Catot: «Il ne faut pas se voiler la face, nous sommes quand même dans une phase de redémarrage progressif. Nous travaillons un peu moins vite, nous sommes plus tranquilles.» (Photo: Goodyear)

Johan Catot: «Il ne faut pas se voiler la face, nous sommes quand même dans une phase de redémarrage progressif. Nous travaillons un peu moins vite, nous sommes plus tranquilles.» (Photo: Goodyear)

Johan Catot, ouvrier chez Goodyear, s’est retrouvé au chômage partiel pendant trois semaines à cause du Covid-19. Le retour au travail s’est fait en toute sécurité et à un rythme plus léger, ce qui lui permet de passer du temps avec sa famille.

Comme une pause, des vacances au goût amer. Pendant trois semaines, l’usine de pneumatiques Goodyear de Colmar-Berg s’est mise à l’arrêt à cause du Covid-19. Ses salariés aussi. Johan Catot, 40 ans, travaille au «mix-prep», pour Mixing & Preparation. Il prépare le matériel, mélange la gomme, avant que les pneus soient produits par l’une des deux autres équipes: celle dédiée aux camions, et l’autre au génie civil.

«La crise sanitaire ne nous a pas laissé le choix, nous avons été mis au chômage partiel», témoigne-t-il. Du 20 mars au 15 avril, il n’a plus travaillé. «Je l’ai bien vécu. J’étais à la maison, je profitais de ma famille. Au bout d’un moment, c’est devenu quand même long. Nous étions confinés, nous ne pouvions pas faire grand-chose.»

L’annonce de son supérieur, trois à quatre jours avant la réouverture, est donc plutôt bien tombée. Il faisait partie des premiers de retour sur le site, du fait de sa mission de préparation. «J’étais prêt à reprendre et très content.»

Sa motivation principale? «Mon salaire. C’est le nerf de la guerre», répond-il. Il n’en a touché que 80% pendant les semaines précédentes. «Et reprendre mon train de vie, mes habitudes.»

Sécurité maximale

L’homme, fort de 15 ans d’expérience chez Goodyear, n’a pas retrouvé son lieu de travail sans crainte. «Le Covid-19, ce n’est pas simple. J’espérais que les mesures de sécurité soient mises en place correctement, ce qui a été fait.»

Chaque matin, lorsqu’il passe la porte d’entrée, un système automatique prend sa température. Il reçoit son masque pour la journée. Il ne le porte pas en permanence, seulement quand il ne peut pas respecter la distance de deux mètres. «Ce n’est pas agréable, admet-il. Nous avions des FFP2 au départ, maintenant des chirurgicaux. Ils sont moins confortables.»

Je prends toujours les petites routes, donc je n’ai jamais eu de problèmes de bouchons, mais il y a beaucoup moins de monde.
Johan Catot

Johan Catotouvrier chez Goodyear

Il ne passe plus se changer aux vestiaires, fermés. «Avec les collègues, nous nous retrouvions tous là-bas», se remémore-t-il. Il enfile désormais ses vêtements de travail depuis chez lui. Même chose pour les douches. L’accès à la cantine s’est aussi retrouvé restreint: des horaires ont été fixés par département, et les distances de sécurité doivent toujours être respectées. «Dans les fumoirs, nous ne sommes plus que cinq à la fois.»

Un peu partout dans l’usine, des couloirs à sens unique évitent aux ouvriers de se croiser. Plus de réunions de groupe non plus: «Notre supérieur passe nous voir individuellement.» Johan Catot habite en Belgique, à 50 minutes de Colmar-Berg. «J’avais le papier que le patron m’a fourni, je ne me suis pas fait arrêter. Je prends toujours les petites routes, donc je n’ai jamais eu de problèmes de bouchons, mais il y a beaucoup moins de monde.»

Redémarrage progressif

«Il ne faut pas se voiler la face, nous sommes quand même dans une phase de redémarrage progressif. Nous travaillons un peu moins vite, nous sommes plus tranquilles. Mais il faut se laver les mains plus régulièrement, respecter toutes les mesures de sécurité», analyse-t-il.

Il travaille toujours 40 heures par semaine. Mais pour répondre à la baisse de la demande, l’usine ne tourne plus que cinq jours par semaine au lieu de sept. De quatre équipes, elle est passée à trois. Johan Catot fait partie de la quatrième, qui a été «répartie». «Je travaille avec des gens différents. Avant, je les croisais, mais nous ne discutions pas. Maintenant, nous apprenons à mieux nous connaître. C’est positif.» En termes de productivité, «je pense que nous sommes aussi efficaces».

La crise nous ramène à l’essentiel.
Johan Catot

Johan Catotouvrier chez Goodyear

La semaine de cinq jours lui permet aussi d’avoir ses week-ends. «Personnellement, je préfère ce système. C’est plus régulier. Et je passe plus de temps avec mes enfants.» Âgés de 8 et 15 ans, ils n’ont pas repris les cours. Leur mère, en télétravail dans le secteur administratif, s’en occupe quand il est à l’usine.

«La crise nous ramène à l’essentiel, estime Johan Catot. Nous étions dans un système où, quand nous voulions quelque chose, nous allions le chercher. Par exemple, quand nous n’avions pas de jambon pour dîner, nous courions au magasin. Maintenant, nous sommes obligés de prendre ce qu’il y a dans le frigo. Nous apprenons à nous contenter de ce que nous avons.»