Jean-Marc Ueberecken: «Malgré les styles et les caractères différents, nous avons toujours su dégager une vision commune, qui a permis de progresser sereinement et de grandir.» (Photo: Gaël Lesure)

Jean-Marc Ueberecken: «Malgré les styles et les caractères différents, nous avons toujours su dégager une vision commune, qui a permis de progresser sereinement et de grandir.» (Photo: Gaël Lesure)

Ils vous ont peut-être échappé pendant l’année. Retrouvez tous les jours de l’été un grand entretien paru dans le magazine Paperjam. Aujourd’hui, une interview de Jean-Marc Ueberecken, managing partner d’Arendt.

Managing partner d’Arendt, Jean-Marc Ueberecken envisage son rôle comme celui d’un facilitateur de consensus au sein de la direction d’un cabinet qui, s’il tient à son ADN légal, continue d’élargir ses activités dans le service et le conseil aux entreprises. Une croissance qui nécessite forcément une stratégie RH affûtée.

Arendt a fortement grandi durant les dernières années, preuve en est la construction du nouveau siège au Kirchberg. Quel est le principal challenge dans la gestion de la croissance du cabinet?

. – «Cela implique nécessairement une forte croissance au niveau des ressources humaines, ce qui signifie non seulement recruter, mais aussi fidéliser les collaborateurs au travers d’un modèle qui privilégie la formation et les perspectives de carrière.

Comment ces – jeunes – recrues mettent le Luxembourg et votre cabinet sur leur carte?

«C’est d’abord le Luxembourg, via l’Université et ses cursus en lien avec la Place, qui les attire. Une fois qu’ils ont fait leur formation, ils apprécient le cadre luxembourgeois et postulent notamment chez nous. Notre politique n’est pas de débaucher chez les autres, mais de recruter dès l’université.

La guerre des talents fait donc toujours rage…

«Elle a empiré cette année. Tous les métiers, sur toute la Place, sont concernés. Cela s’explique par plusieurs facteurs, dont la réglementation, qui est parfois sous-estimée. Toutes les couches de réglementation, de compliance, qui se rajoutent impliquent le besoin, pour chaque structure, de disposer de quelqu’un dédié à ces aspects.

Ce qui entraîne une vraie guerre pour trouver ou débaucher des profils compétents. Malheureusement, ou heureusement pour nous, nous sommes perçus comme un bon vivier. Pour compenser ce phénomène, nous avons recruté, les six derniers mois, autant de personnes que pour toute l’année 2017.

RECRUTER LES PERSONNES N’EST PAS UNE DIFFICULTÉ; LES GARDER, C’EST UN TOUT AUTRE CHALLENGE.
Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Quels sont les arguments pour convaincre les candidats courtisés par plusieurs employeurs?

«C’est plus le projet que le package qui joue. Nous voulons mettre en avant notre plan de formation, la possibilité d’emprunter des passerelles vers d’autres expertises au fil de la carrière. Notre autre avantage est la réputation d’Arendt. La génération actuelle veut avoir un CV qui comporte plusieurs étapes et des noms de référence.

Recruter les personnes n’est pas une difficulté; les garder, c’est un tout autre challenge. Nous avons formé un groupe de travail dédié à l’intégration et la rétention. Un des éléments déterminants pour les jeunes recrues, et plus généralement nos collaborateurs de longue date, est notre capacité à leur proposer un travail qui n’est pas répétitif. Plus qu’une progression hiérarchique, ils recherchent avant tout une progression intellectuelle dans leur métier. Si quelqu’un part, c’est souvent parce qu’il estime qu’il ne progresse plus suffisamment sur le plan intellectuel. 

  (Photo: Gaël Lesure)

  (Photo: Gaël Lesure)

Quel est le profil-type de l’avocat en 2018?

«Historiquement, il fallait avoir fait ses études de droit en France ou en Belgique, selon la réglementation luxembourgeoise. Aujourd’hui, si quelqu’un appartient déjà à un barreau à l’étranger, des passerelles permettent de s’inscrire en liste IV du Barreau luxembourgeois et de parvenir progressivement jusqu’à la liste I.

Nous recherchons des candidats qui ont effectué un master dans un autre pays que leur pays d’origine pour avoir un côté international et un esprit de débrouillardise.C’est un talent nécessaire pour rejoindre notre cabinet. Non pas qu’il faille se débrouiller chez nous! Il faut en revanche être débrouillard vis-à-vis des clients qui ont tous des cultures, des nationalités, des façons de travailler différentes. Être dans un moule unique serait trop compliqué.

JE PRÉFÈRE CRÉER UN CONSENSUS EN AMONT PLUTÔT QU’ARBITRER.
Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Le cabinet s’est spécialisé au fur et à mesure dans différentes branches du droit et, plus largement, dans le service aux sociétés. Comment se sont développées ces activités? 

«Nous l’avons fait sur base des besoins du client, de façon organique. Nous n’avons pas pour ambition de racheter des activités externes. J’y suis très attaché en tant qu’ancien avocat spécialisé dans les fusions-acquisitions [rires]. Les greffes culturelles sont délicates à réaliser. 

Parlons justement de votre rôle, comment peut-on le résumer?

«Je parlerais d’un rôle d’équilibriste. Nous avons 45 associés. Ce qui veut dire que nous n’avons pas un actionnaire unique, mais 45 personnes que nous croisons tous les jours. Il faut quelqu’un pour synthétiser les vues, trancher et fixer un cap, et transformer le consensus sur le terrain. C’est mon rôle, et il passe avant tout par l’écoute.

C’est un rôle presque politique…

«Je ne le vois pas comme tel. Je préfère créer un consensus en amont plutôt qu’arbitrer. J’ai la chance de ne pas devoir gérer des clans.

Quelle est la clé pour parvenir au consensus?

«Il faut présenter et expliquer les projets, les idées. C’est parfois compliqué, puisqu’il faut réunir les gens. L’expérience me montre qu’on ne peut pas forcer en passant avec une majorité, même si les statuts nous l’autorisent. Si on veut que cela fonctionne, il faut se donner du temps pour que chacun puisse se faire aux idées nouvelles.

RECHERCHER UN ASSOCIÉ, C’EST TOUJOURS RECHERCHER UN MOUTON À CINQ PATTES.
Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Les fondateurs du cabinet sont-ils particulièrement écoutés dans ce contexte?

«Ils sont forcément écoutés, d’autant plus qu’ils sont encore tous actifs. Il faut se rendre compte qu’en Italie, il n’y a pas de cabinet de notre taille. Pourquoi? Malgré les styles et les caractères différents, nous avons toujours su dégager une vision commune, qui a permis de progresser sereinement et de grandir. Et les associés fondateurs ont toujours su laisser la place à d’autres, déléguer.

Le rang d’associé(e) reste-t-il le Saint Graal pour un collaborateur qui rejoint le cabinet?

«Oui. C’est une fonction dans laquelle on a énormément de responsabilités, notamment parce que la gestion des dossiers des clients est totalement décentralisée chez nous. Rechercher un associé, c’est toujours rechercher un mouton à cinq pattes. Il doit être capable de gérer les dossiers des clients, être compétent dans son domaine, savoir gérer les talents et les faire progresser.

NOTRE CABINET VA TOUJOURS CROÎTRE LÀ OÙ LE LUXEMBOURG SERA FORT.
Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Jean-Marc Ueberecken, managing partner, Arendt

Sur quelles bases se passe la cooptation en tant qu’associé(e)?

«Nous combinons notre souhait d’anticiper les besoins du marché avec des facteurs personnels. Nous n’allons jamais nommer quelqu’un parce qu’il y a un besoin de marché, si les compétences chez la personne concernée ne sont pas présentes. Cela prend un peu de temps pour trouver la bonne personne. Et à l’inverse, nous ne pouvons plus, vu la taille du cabinet, nommer quelqu’un là où il n’y a pas ou plus de marché.

Où sont les piliers de croissance du cabinet?

«Nous avons quasiment la même croissance au sein de chacune de nos branches. Notre cabinet va toujours croître là où le Luxembourg sera fort. Aujourd’hui, ce sont les fonds, l’industrie bancaire, les entrepreneurs locaux, auxquels s’ajoute un élément lié au Brexit, à savoir l’attrait pour le Luxembourg de la part d’acteurs de l’assurance.

On voit bien que le Luxembourg croît, dans le cadre du Brexit, dans des activités où il est déjà très bien positionné. Avec la taille que nous avons atteinte, nous nous profilons en tant que cabinet capable de gérer les dossiers clients au niveau international. 

On parle donc d’une approche de coordinateur de dossiers…

«L’objectif est de proposer une offre unique, où chaque besoin que le client peut avoir, que ce soit une société internationale ou locale, soit couvert. Cette stratégie passe par le développement de métiers à travers des entreprises annexes qui font partie du groupe, comme Arendt Regulatory & Consulting, Arendt Services et, récemment, Arendt Business Advisory.»

Retrouvez la deuxième partie de cette interview .