Les principaux partenaires de l’accord entre l’UE et l’Esa, dont le CEO de SES, Adel Al-Saleh, ici à gauche. (Photo: Esa)

Les principaux partenaires de l’accord entre l’UE et l’Esa, dont le CEO de SES, Adel Al-Saleh, ici à gauche. (Photo: Esa)

Luc Frieden et Lex Delles n’ont pas traîné. Le 16 décembre, la Commission européenne et l'Agence spatiale européenne (Esa) ont signé un accord de concession de 12 ans avec le consortium SpaceRise emmené par SES pour développer et déployer une constellation de satellites qui assure une connectivité souveraine depuis l’espace. Le 20 était déposé un des derniers projets de loi de l’année, qui prévoit un investissement de 155 millions d’euros par l’État.

Une affaire rondement menée jusqu’ici. Moins de cinq jours après un accord historique entre la Commission européenne et l’Agence spatiale européenne autour de la constellation Iris2 , que l’ex-commissaire européen Thierry Breton appelait de ses voeux, le gouvernement a déposé, via son Premier ministre, (CSV), et son ministre de l’Économie, (DP), un projet de loi qui place le curseur de financement du Luxembourg à 155 millions d’euros pour un projet à 236,7 millions d’euros sur 25 ans. Et pas question, cette fois, de dépasser le budget, comme ce fut le cas récemment avec le satellite militaire, passé de 170 millions d’euros sous (LSAP) à 308 millions d’euros sous (Déi Greng).

Le contexte: Iris², un projet européen ambitieux, est de créer un système de télécommunications par satellite sécurisé, global et résilient pour répondre aux besoins croissants des institutions européennes, des États membres et des organisations commerciales. Ce projet repose sur une approche de partenariat public-privé, combinant un financement public important avec la participation d'un consortium d'entreprises privées. Le consortium SpaceRISE, dirigé par SES, a été sélectionné pour concevoir, livrer et exploiter le système Iris² pour une période de 12 ans, avec un démarrage des services prévu début 2030. Le coût total du contrat de concession s'élève à 10,6 milliards d'euros, financés par l'UE à hauteur de 6 milliards d'euros, sur trois perspectives financières, par l'Esa à hauteur de 550 millions d'euros et par le secteur privé à hauteur de plus de 4 milliards d'euros.

L'architecture multi-orbites d'IRIS² combine des satellites en orbite terrestre moyenne (MEO) et des capacités en orbite terrestre basse (LEO) avec 280 satellites pour offrir des solutions de connectivité flexibles, performantes et adaptées à une variété de besoins:

- connectivité gouvernementale fixe

- renseignement, surveillance et reconnaissance

- besoins de la marine et de l'armée de l'air

- backhaul et trunking mobiles

- applications d'entreprise et de cloud

- connectivité mondiale en vol

- connexion des navires de croisière à travers le monde

Un calendrier très serré

Reste à savoir à qui SES va acheter les 18 satellites MEO et si le géant luxembourgeois a tiré un trait sur le fiasco de Boeing, quand les premiers O3b mPower avaient une durée de vie beaucoup plus courte que prévu. Interrogée ce mois-ci sur l’état du contentieux, une porte-parole répond que les deux satellites O3B mPower sont bien arrivés à Cap Canaveral, dans le timing prévu, manière de ne pas répondre sur le fond. Mais les Européens pourraient-ils commander ces satellites ailleurs que chez un acteur européen?

Pour que les services puissent commencer à fonctionner en 2030, il faudra que tout soit lancé à moyenne orbite dès 2029, soit à peine quatre ans pour la fabrication et pour la mise en orbite à une époque où les carnets des lanceurs sont déjà pleins… Dans le cadre de ce projet, la Commission européenne couvrira tout coût supplémentaire résultant de pannes de lancement jusqu'à la validation en orbite.

Le gouvernement luxembourgeois a soumis en juillet 2023 une offre à la Commission européenne pour accueillir un des trois centres de contrôle Iris², offre qui a été acceptée en avril 2024 et qui prévoit la mise à disposition du site et des services associés pour l'hébergement de ce centre de contrôle, sans contrepartie financière, et à participer au financement des coûts de fonctionnement.

Pour concrétiser cet engagement, un projet de loi de financement a été élaboré, autorisant le gouvernement à engager les dépenses nécessaires. Le coût total du projet est estimé à 236,75 millions d’euros, dont 153,43 millions d’euros seront pris en charge par l'État luxembourgeois sur une durée de 25 ans. Cet investissement couvrira les dépenses en capital (Capex) et 60% des coûts de fonctionnement (Opex).

Le site de LuxConnect à Bettembourg a été choisi pour héberger le centre de contrôle, avec un terrain supplémentaire de 2 hectares dédié aux antennes RF. LuxConnect, société détenue à 100% par l'État, sera chargée de la fourniture de l'infrastructure et des services d'hébergement.

Le calendrier des dépenses prévoit :

– 1 million d'euros en 2024 pour l'acquisition de deux hectares de terrain pour le champ d'antennes.

- 21 millions d'euros en 2025 pour les dépenses en capital, incluant le site de Bettembourg et l'extension potentielle de 40%.

- 7,4 millions d’euros en 2026 pour des dépenses en capital.

- les dépenses opérationnelles (Opex) annuelles augmenteront progressivement de 3,66 millions d’euros en 2025 à 6,62 millions d’euros en 2050, selon un taux d'escalade de 2,5% par an.

Les bénéfices pour le Luxembourg

Le projet permettra au Luxembourg de:

- renforcer son écosystème spatial et confirmer son rôle de hub spatial européen en hébergeant un élément clé de l'infrastructure IRIS².

- créer des emplois et attirer des talents dans le secteur spatial, contribuant à la croissance économique et aux recettes de l'État. Leur nombre n’est pas précisé.

- développer ses compétences dans les technologies quantiques, un domaine de pointe qui sera intégré à IRIS² dans le cadre de l'initiative EuroQCI.

- contribuer à la souveraineté numérique et à la résilience des infrastructures critiques de l'Europe en participant à un projet stratégique de l'Union européenne.

- s'inscrire dans la continuité du positionnement du Luxembourg sur les télécommunications et confirmer son rôle de partenaire majeur dans ce domaine. 

L'UE et les États membres seront les clients principaux de la constellation Iris², attirant également des nations alliées à travers le monde, ce qui garantira, espèrent les deux partenaires, des revenus cumulés d'environ 6 milliards d'euros sur 12 ans.

À partir de 2025, SES prévoit de générer des revenus et un Ebitda supplémentaires pour les travaux liés aux phases de conception et d'approvisionnement. Le contrat prévoit également la possibilité d'ajouter des charges utiles hébergées pour des services commerciaux, ce qui renforce la proposition de valeur pour les clients. Mais les points de ressemblances avec Starlink, la constellation à des milliers de satellites d’Elon Musk, s’arrêtent là.