Pour les analystes d’Amundi, il n’y a pas de doute: les risques de stagflation augmentent, avec une croissance réelle inférieure à son potentiel et une inflation supérieure aux objectifs des banques centrales.
«Cependant, bien qu’un atterrissage en douceur de l’économie américaine semble possible, la zone euro paraît bien plus fragile, car elle souffre particulièrement de la hausse des prix de l’énergie, et la croissance du PIB chinois sur l’ensemble de l’année devrait être inférieure à 4% en raison des restrictions liées au Covid. Du côté des marchés émergents, les pays dotés d’une marge de manœuvre fiscale significative, ainsi que les exportateurs de matières premières comme le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Indonésie sont appelés à mieux performer que les autres», détaille Vincent Mortier, directeur des gestions d’Amundi. Qui s’attend à des perspectives de croissance inférieures à celles auxquelles nous étions habitués ces dernières années.
Une négligence bienveillante face à l’inflation
Pour ce qui est de l’inflation, il s’attend à ce qu’elle ne soit pas un phénomène transitoire et qu’elle se maintienne à un haut niveau encore quelques mois. «L’inflation a probablement atteint un pic, mais les tensions sur les prix devraient se maintenir en raison des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, des prix élevés de l’énergie et des denrées alimentaires, et de la hausse des salaires aux États-Unis.»
Si Vincent Mortier s’attend à ce que l’inflation mette fin à la période de taux d’intérêt extrêmement bas, voire négatifs, observée ces 10 dernières années, il pense que la normalisation complète des politiques monétaires n’est pas à l’ordre du jour. «Les banques centrales tentent de trouver un équilibre entre la nécessité de contenir l’inflation et le besoin de préserver la croissance, et devraient probablement adopter dans ce cadre une ‘négligence bienveillante’ vis-à-vis de l’inflation.»
À ce nouveau paradigme macroéconomique s’ajoute le retour des risques géopolitiques. «Les risques géographiques sont de retour sur fond de pressions croissantes incitant à la démondialisation, exacerbées par la crise ukrainienne.» Des risques qui vont renforcer la volatilité des marchés.
Un environnement fragmenté
«Les investisseurs sont face à un environnement fragmenté caractérisé par un ralentissement de la croissance, une accélération de l’inflation et des divergences croissantes entre régions et secteurs dans lequel le mix entre politique monétaire et politique budgétaire sera déterminant», selon les perspectives d’investissement d’Amundi pour le deuxième semestre. Dans ce contexte de plus en plus complexe où le commerce international n’est plus le principal moteur de la croissance mondiale, les investisseurs gagneront à rechercher la résilience et à tenter d’exploiter les opportunités qui pourraient découler de la désynchronisation des cycles économiques et des trajectoires divergentes des politiques de soutien.»
Pour Vincent Mortier, les investisseurs devraient rester prudents dans leur gestion du risque et gagneraient à rechercher des actifs résilients et des sources de rendements réels positifs, tout en essayant de tirer profit des écarts entre régions et secteurs induits par la désynchronisation des cycles économiques.
Avec la correction des actifs qui s’est opérée au premier trimestre – à l’exception notable des matières premières et du dollar –, l’attrait relatif des actions par rapport aux obligations s’est érodé, et une allocation plus équilibrée est désormais appropriée, estime l’économiste.
Une nécessaire diversification
Pour ce qui est des marchés actions, il privilégie les titres sous-valorisés, de qualité et versant des dividendes élevés – «les dividendes représentent une composante stable de la performance lorsque l’inflation est élevée». «Les actions américaines semblent offrir plus de résilience que les actions européennes en dépit de valorisations élevées, tandis que les actions chinoises, dont les cours intègrent déjà un ralentissement économique et une révision à la baisse des bénéfices, pourraient réserver de bonnes surprises.»
Sur les marchés obligataires, Vincent Mortier préconise «d’adopter une approche tactique plus neutre en termes de duration et de miser sur les divergences au niveau des politiques monétaires, ainsi que sur les titres indexés sur l’inflation et ceux à taux variables, afin de se protéger contre l’inflation». Amundi favorise les titres de type investment grade des marchés développés, et les obligations high yield des marchés émergents.
Enfin, face à une plus grande instabilité des corrélations entre classes d’actifs dans un contexte inflationniste, Amundi préconise une diversification supplémentaire dans les matières premières, les stratégies de change, en particulier celles qui favorisent les devises des exportateurs de matières premières, et les stratégies alternatives faiblement corrélées avec les actions et les obligations, comme les actifs réels et plus particulièrement l’immobilier et la dette privée à taux variables.