«Un revenu locatif plus important est la seule et unique incitation pour un propriétaire de donner son bien en colocation. La limitation du loyer imposée par le législateur tuera la colocation privée!», affirme Georges Krieger. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

«Un revenu locatif plus important est la seule et unique incitation pour un propriétaire de donner son bien en colocation. La limitation du loyer imposée par le législateur tuera la colocation privée!», affirme Georges Krieger. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

Tout comme les chambres professionnelles, l’Union luxembourgeoise de la propriété immobilière a également réagi à la réforme du bail à usage d’habitation. Son président, Me Georges Krieger, fait le point sur les principales critiques des propriétaires.

«Nous avions développé beaucoup de propositions citées par les Chambres professionnelles ou les partis politiques sur les amendements gouvernementaux au projet de loi n°7642 modifiant la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation», affirme Georges Krieger, président de l’Union luxembourgeoise de la propriété immobilière (ULPI), et avocat à la Cour, senior partner au sein du cabinet Krieger&Associates.

Il réagit ainsi à la publication de l’avis commun de la Chambre de commerce et de la Chambre des métiers, . Elles s’étaient dites «fermement opposées à ces amendements qui n’auront que très peu d’incidences positives en termes d’impact sur l’évolution des loyers». L’Union luxembourgeoise de la propriété immobilière avait très tôt réagi à la présentation desdits amendements par le ministre du Logement (déi Gréng) .

Un règlement de la colocation «mal réfléchi»

Sur seize pages publiées en novembre, , l’ULPI analyse de nombreux points du projet de loi, comme le contrat de bail verbal, l’encadrement de la colocation, la limitation du loyer à 3,5% du capital investi, le calcul du capital investi, ou encore la garantie locative. «À mon avis le ministre s’est avancé avec une proposition que personne ne voulait ainsi, et je crois qu’elle a été mal discutée entre les différents partis politiques qui sont actuellement au pouvoir. Nous n’avons d’ailleurs jamais été consultés à ce sujet. Moi, j’aurais amené d’autres idées, concernant la colocation par exemple. Je ne suis pas contre une réglementation de la colocation, au contraire, mais je trouve qu’elle a été mal réfléchie», précise Georges Krieger.

«Comme le reconnait le ministre du Logement, à l’heure actuelle, il est plutôt rare qu’un bailleur sur le marché de la location ‘classique’ puisse toucher un loyer de 5% du capital investi, le plus souvent il tourne autour de 2,5% – 3%. Ce revenu est décourageant pour le bailleur au vu des obligations qu’il doit assumer et il n’est pas contestable qu’avec une location de type collectif, il puisse espérer réaliser un revenu plus important, surtout lorsqu’il est propriétaire d’un logement de taille plus importante.»

«Réduire dès lors en cas de colocation le revenu locatif total au montant de 3% – 3,5% comme prévu dans la réforme, aura pour effet de décourager ce propriétaire d’ouvrir son logement à la colocation. Pourquoi endosser des charges de gestion très importantes et une responsabilité accrue si le revenu sera exactement le même?», interroge le représentant des propriétaires. «Un revenu locatif plus important est la seule et unique incitation pour un propriétaire de donner son bien en colocation. La limitation du loyer imposée par le législateur tuera la colocation privée!», affirme Georges Krieger.

Nous n’avons pas que des logements neufs, le patrimoine immobilier au Luxembourg est à plus de 60% de l’ancien, on ne peut pas l’ignorer et c’est surtout le patrimoine ancien qui souffre de cette réforme.
Georges Krieger

Georges KriegerPrésidentUnion luxembourgeoise de la propriété immobilière

Tout comme la Chambre de commerce et la Chambre des métiers, l’Union des propriétaires critique la décote du capital investi dès deux années d’existence du bien, et l’abaissement du taux de rendement maximal, qu’elle juge «contre-productifs.» «Dans la révision de la loi de 1988, il avait été décidé que les personnes qui n’investissent pas dans l’entretien de leur immeuble doivent souffrir d’une décote du capital investi de façon à ce qu’ils aient un loyer moins élevé. En ce sens, oui c’était normal. Avec la réforme, cette idée est abandonnée, on dit que chacun, suivant le calcul du capital investi, subit une décote de 1% automatiquement chaque année, sauf la première année. Imaginons que j’ai un capital investi prouvé de 1 million d’euros, si l’immeuble a deux ans d’âge il est de 1% plus bas, donc il est de 990.000 euros. Si on fait le calcul, pour un logement au Limpertsberg conçu en 1919, le loyer doit obligatoirement diminuer de 100 fois 1%, ça fait 100%, donc pour un logement qui a plus de 100 ans, le loyer est automatiquement de zéro euro. C’est absurde, personne n’a réfléchi à cela», analyse Me Krieger.

«Nous n’avons pas que des logements neufs, le patrimoine immobilier au Luxembourg est à plus de 60% de l’ancien, on ne peut pas l’ignorer et c’est surtout le patrimoine ancien qui souffre de cette réforme.»

Autre sujet soulevé par les propriétaires: la limitation du loyer à un maximum de 3,5% du capital investi prévue dans la réforme, au lieu des 5% du capital investi tel qu’il existe à l’heure actuelle. Le taux de 5% a été introduit en droit luxembourgeois non pas en 1955, mais en 1948. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le pays avait perdu presque un tiers de son patrimoine immobilier. «Pour répondre à une tension sociale très forte (sans commune mesure avec les discussions qui existent actuellement au Luxembourg et qui sont en grande partie soutenues par les partis politiques), le législateur avait fixé arbitrairement le montant du loyer à un prix fixe par mètre carré (un régime qui existait en 1939). Mais ce régime n’était guère encourageant pour les nouveaux investissements», explique Georges Krieger.

Une initiative «populiste»

«L’abaissement du taux maximal du capital investi de 5% à 3,5% pour fixer la limite supérieure du loyer est incompréhensible à la fin de 2022. Il a été récemment annoncé que les ventes de nouveaux logements ont baissé de 23% l’année dernière, mais ce n’est pas vrai, la baisse a commencé en août, donc cette baisse est sur quatre mois, pas douze mois. Depuis août, le marché est mort et à l’heure actuelle c’est un effondrement. L’augmentation aussi forte que rapide des taux d’intérêt en est la cause principale. Tout découragement à l’investissement orchestré par le gouvernement sera néfaste dans un tel climat d’anxiété.»

Aujourd’hui, les taux d’intérêt augmentent sensiblement et durablement vers un niveau des 5% au moins. «Pourquoi alors investir dans un produit avec un rendement maximal de 3,5% si on peut espérer un rendement nettement plus élevé auprès d’un établissement bancaire? Les investisseurs sont complètement découragés à investir. Et si les particuliers qui achètent pour leur propre habitation ne sont plus les acteurs principaux, il n’y a plus que des investisseurs, qui achètent pour louer, et si eux-mêmes sont découragés, il n’y a plus personne pour acheter», regrette le président de l’Union luxembourgeoise de la propriété immobilière.

«La crise que nous avons pour le moment a été faite au niveau de notre gouvernement, le problème bancaire de 2022 on savait dès 2021 que ça allait arriver, et le ministère du Logement n’a rien fait. À ceci s’ajoute qu’en 2020 nous avons découragé les investisseurs en diluant largement l’amortissement accéléré, avec l’imposition de la plus-value, et en ayant abandonné le taux de TVA super-réduit à 3% pour le deuxième immeuble. Et maintenant en pleine crise, à un moment où tout le marché était complètement bloqué, le ministre du Logement vient avec cette initiative populiste qui décourage tous les investisseurs. Pour le moment il est impossible de trouver un investisseur qui veut acheter, et le ministre du Logement est responsable de cette situation», conclut Me Krieger.