Olivier Goemans est head of investment services à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Olivier Goemans est head of investment services à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Dans la conscience collective, 2020 restera l’année qui a mis en évidence notre vulnérabilité face aux défis du changement climatique. Si la crise sanitaire a eu une conséquence positive, c’est l’élan supplémentaire qu’elle a donné à l’investissement responsable.

Le changement climatique est maintenant en haut de la liste des priorités des entreprises et des gouvernements. Un rapide tour d’horizon de la presse permet de mesurer combien la question environnementale s’invite dans les prises de décisions relatives à chaque aspect de notre société.

La semaine dernière, c’est le secteur de la mode qui était sous les feux de la rampe. Au lancement de la Fashion Week de Londres, deux des plus grandes chaînes de magasins ont pris de nouveaux engagements en matière d’ESG (pour environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ainsi, la marque britannique d’e-commerce Asos s’est engagée à atteindre la neutralité carbone de ses activités d’ici 2025. Primark, réputé pour ses prix bas, a déclaré que ses vêtements seraient produits à partir de matériaux recyclés ou d’origine plus durable d’ici 2030. L’industrie du prêt-à-porter, deuxième plus polluante au monde selon les Nations unies, reconnaît ainsi qu’elle a tout intérêt à s’adapter aux attentes croissantes de sa clientèle en matière environnementale. La pandémie a conduit à remettre en cause le concept de «fast fashion» et la culture du «wear it once» promue par les médias sociaux. Pendant la Fashion Week numérique, certaines collections ont donné un aperçu de la mode de demain: des vêtements produits de plus en plus à partir de matières recyclées et de tissus à moindre impact environnemental.

L’ESG: mode ou style?

Coco Chanel, icône de la mode, a dit: «La mode se démode, le style jamais.» De même, l’investissement ESG ne doit pas être vu comme une mode, mais un style. À l’instar de l’industrie textile, tous les secteurs économiques sont actuellement bousculés par des changements majeurs, et les entreprises qui ne s’adaptent pas perdent vite les faveurs des consommateurs, quand elles ne se retrouvent pas en violation des réglementations. Avec l’enthousiasme suscité récemment par l’ESG et l’afflux de capitaux dans les produits financiers durables, certains investisseurs se demandent s’il n’est peut-être pas trop tard pour se positionner sur cette tendance. Nous ne pensons pas que cela soit le cas.

À ce jour, 196 pays ont adhéré à l’accord de Paris, un traité international sur le changement climatique qui impose de nouvelles règles. Beaucoup reste à faire pour parvenir à limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C, et le temps presse. Si les gouvernements veulent tenir leurs promesses, il faut s’attendre à une forte impulsion réglementaire. À l’occasion de la COP26 qui se déroulera à Glasgow à partir du 31 octobre, les pays signataires devront s’engager sur des objectifs ambitieux de réduction des émissions d’ici 2030 afin d’être en phase avec la neutralité carbone visée pour 2050. Un rapport publié récemment par le GIEC tire la sonnette d’alarme: pour que le scénario le plus optimiste d’un réchauffement limité à 1,5°C demeure possible, et éviter ainsi des conséquences catastrophiques, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 45% par rapport à leur niveau de 2010 d’ici 2030. D’après le Climate Action Tracker, les initiatives lancées jusqu’à présent par les gouvernements ne couvrent qu’environ 15% des réductions de gaz à effet de serre nécessaires dans le meilleur scénario. Garder le réchauffement climatique sous contrôle reste possible, mais les chances se réduisent considérablement.

Selon le dernier rapport «Situation des financements pour la nature» du Programme pour l’environnement de l’Onu, les sommes allouées à la protection des écosystèmes naturels doivent tripler d’ici 2030 (à 350 milliards de dollars) et quadrupler d’ici 2050, faute de quoi les dommages pour les économies, la planète et l’humanité seront irréversibles. De toute évidence, l’investissement durable n’est pas une mode passagère: cette tendance est là pour durer et s’accompagnera d’une multitude d’opportunités pour les investisseurs au fil de l’évolution des priorités des responsables politiques et des préférences des consommateurs.