Sanela Kevric  Sales Director Fidelity International

Sanela Kevric  Sales Director Fidelity International

Les dirigeants d’entreprise sont tiraillés. Alors qu’auparavant, ils pouvaient se concentrer sur les profits comme seule mesure de performance, ils doivent maintenant tenir compte de l’impact que leurs initiatives peuvent avoir sur la société dans son ensemble. Il s’agit là d’un changement majeur qui remet en question la philosophie qui prévalait jusqu’ici: celle de la primauté de l’actionnaire pour l’entreprise.

Les dirigeants d'entreprise subissent désormais des pressions croissantes de la part des consommateurs ou de la sphère politique pour tenir compte de l'impact plus large de leurs actions sur la société et plus seulement des résultats financiers. Longtemps, lorsque leurs intérêts se sont heurtés ou sont entrés en concurrence avec d'autres parties prenantes, les actionnaires ont été les gagnants incontestés. La roue commence désormais à tourner.


En effet, de puissantes critiques sur la primauté de l'actionnaire émergent. Elles se concentrent sur les impacts négatifs potentiels sur la société, avec une culture d'entreprise donnant la priorité aux profits sur tout le reste (inégalité accrue des revenus, mauvaises pratiques de travail…).

Par exemple, les sénateurs Chuck Schumer et Bernie Sanders ont qualifié les rachats d’actions «d’auto-complaisance des entreprises» dans un article du New York Times qui accusait les conseils d’administration d’entreprises de devenir «obsédés par la maximisation des seuls bénéfices des actionnaires au détriment des travailleurs et de la solidité à long terme de leur entreprise».


Cette problématique constitue un défi pour les dirigeants d’entreprise, puisque les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) disputent les ressources habituellement réservées à l'investissement dans des actifs de production.


Mais ceux qui poursuivent des objectifs ESG peuvent être exposés à des exigences formulées par les actionnaires, activistes ou autres et se trouver pris entre leurs obligations envers les propriétaires de l'entreprise et des parties prenantes plus larges, voire la société dans son ensemble.

Un cadre réglementaire en évolution

Avec la montée en puissance des millennials, guidés par des valeurs fortes et représentant une proportion croissante des consommateurs et des salariés, les régulateurs et les décideurs codifient les accords mondiaux et les réglementations nationales sur le changement climatique et le développement durable.

L’Organisation des Nations Unies a donné le tempo à l’échelle mondiale avec 17 Objectifs de Développement Durable d’ici à 2030. Bien qu'ils soient principalement conçus pour les États, le secteur privé a également été encouragé à s’impliquer davantage.


En Europe, des initiatives telles que le plan d’action de lUnion européenne (UE) pour un financement durable et la directive sur les droits des actionnaires renforceront les exigences de transparence liées au climat pour les investisseurs et les entreprises. Ces initiatives formaliseront également les exigences légales en termes dengagement des actionnaires, de reportings des rémunérations et des transactions entre parties liées.


En France, certaines entreprises ont l’intention de modifier leurs politiques internes pour préciser leur «mission», bien que les obligations légales des entreprises de prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités aient été rejetées par les décideurs politiques.


Entre-temps, aux États-Unis, lhypothèse selon laquelle les intérêts des actionnaires lemportent sur ceux des parties prenantes selon la jurisprudence est elle-même contestée par les juristes. Les propriétaires des capitaux propres dune société ne sont pas les propriétaires de la société et de ses actifs, mais en sont plutôt les bénéficiaires.


Ces attentes sociales et réglementaires en constante évolution influencent la façon dont les sociétés de gestion abordent l'investissement, la façon dont les gouvernements établissent les lois et les règlements, ainsi que le comportement des entreprises.


Les entreprises sont les mieux à même de capitaliser sur le cercle vertueux des enjeux ESG, qui anime l’évolution du contexte de marché. Les dirigeants d’entreprise qui ignorent encore cela risquent de porter préjudice non seulement aux intérêts de leurs partenaires au sens large, mais aussi à ceux de leurs investisseurs.