Le rendez-vous de Jackson Hole aura tenu ses promesses: les marchés savent à quoi s’en tenir concernant les grandes lignes de l’évolution de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. – la Fed est actuellement sur un rythme de 120 milliards de dollars par mois – et un statu quo sur les taux directeurs jusqu’en 2023. Bref, une Fed qui va rester très accommodante. Des annonces que les marchés ont bien encaissées, la volatilité étant restée très basse.
Pour autant, les opérateurs restent attentifs aux évolutions des politiques monétaires. Comme en témoigne le coup de mou sur les Places européennes de mardi 31 août suite à la sortie du gouverneur de la banque centrale autrichienne, Robert Holzmann, qui a déclaré que le temps était venu pour la Banque centrale européenne (BCE) de réfléchir à réduire ses achats d’actifs dans le cadre du programme d’urgence face à la pandémie (PEPP). Le débat oppose deux camps au sein de la BCE, les partisans d’un retour à l’orthodoxie des politiques monétaires, d’une part, et les tenants de la poursuite d’un soutien à l’économie, d’autre part. Les analystes s’attendent cependant au maintien du compromis actuel, la BCE semblant avoir moins de marges de manœuvre que les États-Unis pour se permettre de diminuer son soutien aux économies. Ni le PEPP ni les programmes d’achat «traditionnels» ne devraient donc être remis en cause.
Quant à une hausse des taux, rien n’est à prévoir avant 2024. Voire 2025. Pour soulager les banques qui souffrent des effets d’une décennie de taux bas, la BCE devrait poursuivre son programme TLTRO de prêts géants ultra-avantageux que les banques peuvent contracter auprès d’elle et son système de «tiering» qui exempte de taux d’intérêt négatifs une partie des réserves détenues par les banques auprès d’elle.
Certaines banques centrales ont cependant franchi le Rubicon et restreignent leurs soutiens à l’économie, principalement dans les pays émergents, à l’instar de la Chine. La banque centrale de Corée du Sud vient de relever ses taux directeurs — une première depuis trois ans — afin d’éviter une surchauffe de son économie et pour contrer l’actuelle forte hausse des prix immobiliers.
La reprise face au variant Delta et au risque de faillites
La vigueur de la reprise économique est aussi au cœur des interrogations face à la dissémination rapide du variant Delta qui influence les projections. L’impact de cette résurgence de la pandémie devrait davantage peser sur les pays émergents, en retard dans leurs politiques de vaccination que sur les économies développées.
L’inflation reste aussi un sujet à part entière. Si la majeure partie des analystes, Fed en tête, estiment que les poussées inflationnistes sont temporaires, les marchés s’interrogent sur le fait de savoir si cette hausse «temporaire» ne serait pas annonciatrice d’une tendance de fond et si les autorités monétaires peuvent en garder le contrôle. Les fluctuations des cours des matières premières donnent corps à ces interrogations. Le retournement sur les métaux industriels est dû à une dynamique moindre de l’économie chinoise. La baisse du cours du pétrole est, elle, liée à une volonté politique de l’Opep, à une reprise de la production et à une consommation moins forte que prévu outre-Atlantique. Seules restent orientées à la hausse les matières premières alimentaires, principalement à cause des conditions météorologiques de ces derniers mois.
Autre dossier chaud: celui de la dette des entreprises, et plus particulièrement des PME soutenues massivement par les pouvoirs publics face à la pandémie. L’évolution du taux des faillites sera particulièrement scrutée. Une hausse supérieure à la moyenne pré-pandémie pourrait mettre à mal la reprise économique. Une restructuration des prêts garantis par l’État commence à être évoquée. C’est notamment le cas en France.
Voici Bâle III
Enfin, l’agenda réglementaire revient aussi dans l’actualité: l’accord Bâle III, signé en décembre 2017, verra son processus de transposition commencer en septembre, avec le dépôt par la Commission européenne d’une proposition législative de transposition. L’objectif de cette nouvelle version est d’accroître la capacité de résilience des grandes banques internationales en renforçant le niveau et la qualité des fonds propres et en renforçant les règles de gestion des risques.
Les banques européennes craignent que ces nouvelles règles leur coûtent cher en fonds propres, qu’elles impactent leur capacité à financer l’économie et creusent le fossé de performance financière et boursière vis-à-vis de leurs rivales américaines. Les règles de Bâle III sont prévues pour être appliquées progressivement à partir de 2023.