Le 9 février dernier, la Chambre de commerce présentait, en vue de nourrir le débat électoral en cette année de double scrutin, ses . Parmi celles-ci, dans un chapitre réservé au recrutement des talents et à un marché du travail voulu comme attractif, performant et ouvert, on retrouvait un des sujets qui s’annonce comme un thème majeur de la prochaine campagne électorale: la flexibilité/réduction du temps de travail.
Ainsi, la Chambre de commerce explique qu’il faudrait «assouplir la législation sur l’organisation du temps de travail pour permettre une gestion au cas par cas dans le cadre du dialogue social en entreprise, en fonction des spécificités de chaque entreprise, et exclure toute réduction généralisée du temps de travail.»
Si le temps de travail hebdomadaire baissait de 40 à 38 h, tout en maintenant le même niveau salarial, cela signifierait pour chaque entreprise une augmentation du salaire horaire brut de 5%.
Mais que reproche exactement la Chambre du commerce à la législation actuelle? «Le Code du travail luxembourgeois actuel ne permet pas la flexibilisation qui est aujourd’hui souhaitée par les employeurs et les salariés», répond Christel Chatelain, la directrice des affaires économiques à la Chambre de commerce. «Il faudrait pouvoir l’adapter, prévoir de nouveaux mécanismes correspondant mieux aux besoins des entrepreneurs mais aussi à ceux des employés. Tout le monde se rendant compte désormais que les attentes de ces derniers en matière d’équilibre vie privée-vie professionnelle ont beaucoup évolué.»
Un modèle devenu désuet et lourd
La durée légale de travail d’un salarié à temps plein au Luxembourg est, en principe, de 8 heures par jour et 40 heures par semaine. La loi du 23 décembre 2016 réformant le temps de travail a fait évoluer (un peu) les choses. Ainsi, aujourd’hui, un employeur peut déterminer une période de référence, allant jusqu’à 4 mois, au cours de laquelle les salariés peuvent être occupés au-delà de ces limites, la durée maximale de travail ne pouvant cependant pas excéder 10 heures par jour et 48 heures par semaine. Un modèle devenu donc désuet aux yeux de la Chambre de commerce.
«Il est surtout très lourd et manquant d’agilité… Ce que nous souhaiterions, c’est qu’on parle déjà d’annualisation du temps de travail. Cela apporterait bien plus de souplesse qu’une comptabilité par semaine», commente Christel Chatelain.
Une réflexion en profondeur à mener
Cette dernière pointe également du doigt un recul du temps de travail au cours des dernières décennies. Un phénomène qui s’explique par l’augmentation du recours au temps partiel, mais aussi l’apparition de plusieurs jours de congés. Avec 37 jours non travaillés par an, le Luxembourg se place ainsi dans le top 5 européen en la matière.
«Si ces congés répondent aux attentes des salariés, il n’y a jamais eu de compensation pour les entreprises», précise-t-elle. «Or, les temps partiels et les congés impliquent tout de même une réorganisation du travail au sein de sociétés qui ont besoin de main-d’œuvre pour produire.»
À l’heure où cette main-d’œuvre est en pénurie, la Chambre de commerce demande donc une réflexion en profondeur sur l’aménagement du temps de travail. «Il est capital d’apporter plus de flexibilité dans le fonctionnement du travail. Les entreprises ont d’ailleurs placé cette flexibilité en vue des prochaines élections lors du dernier Baromètre de l’économie que nous avons réalisé fin 2022. Elle est indispensable si le Luxembourg veut garder son attractivité et son modèle économique. Mais elle doit s’inscrire dans le cadre d’un dialogue entre employeurs et salariés, permettant de définir une organisation en fonction des spécificités de l’activité de l’entreprise et de la mission du salarié.»
Au sein de la Chambre de commerce, on n’est évidemment pas d’accord avec la vision des syndicats qui imaginent qu’une plus grande flexibilité du temps de travail rimerait avec un plus grand pouvoir donné aux employeurs.
«Pour le moment, nous assistons d’ailleurs plutôt au cas inverse. Ainsi, si on devait établir un rapport de force, il pencherait plutôt en faveur des employés. En caricaturant un peu, je pourrais dire que le marché du travail actuel est tel que ces derniers peuvent un peu effectuer leur shopping… Nous, nous aspirons à une gestion qui conviendrait à tout le monde. Un équilibre à trouver au cas par cas, dans chaque entreprise, sans qu’il n’y ait trop de pression mise sur un camp. Et si cela peut rassurer certains, nous ne sommes, d’ailleurs, pas contre la mise en place de glissières de sécurité par l’État. Afin d’éviter toute dérive.»
Non à une réduction du temps de travail
Quant au débat sur la réduction du temps de travail évoqué par le ministre du Travail, , et son parti, le LSAP, il n’a pas lieu d’être pour la Chambre de commerce. «Ce n’est pas le moment pour une telle mesure après les différentes crises que nous avons traversées. Nous avons effectué un petit calcul: si le temps de travail hebdomadaire baissait de 40 à 38 h, tout en maintenant le même niveau salarial, cela signifierait pour chaque entreprise une augmentation du salaire horaire brut de 5%. Si vous ajoutez à cela les différentes indexations prévues par le Statec, c’est intenable pour les entreprises…» conclut Christel Chatelain.
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