Selon le ministre de l’Économie, Franz Fayot, dire que le secteur financier innove massivement est une évidence. (Photo: Maison Moderne)

Selon le ministre de l’Économie, Franz Fayot, dire que le secteur financier innove massivement est une évidence. (Photo: Maison Moderne)

Les chiffres sont parfois cruels. Selon les statistiques, l’industrie luxembourgeoise alloue 61% des dépenses internes à la recherche et au développement alors que la finance n’y consacre que 3%. Mais des nuances s’imposent.

L’industrie semble être le moteur qui fait vrombir l’innovation puisqu’un emploi sur vingt dans ce secteur est lié à des activités de R&D (recherche & développement). Dans l’industrie toujours, 61% des dépenses internes se font en faveur de la recherche et du développement. Les entreprises du commerce et des services non financiers y allouent seulement 36% de leurs dépenses.

En 2018, les entreprises ont dépensé 375 millions d’euros (soit 44% des dépenses d’innovation) pour la R&D interne à l’entreprise, 430 millions d’euros pour diverses activités d’innovation (51% des dépenses d’innovation), 45 millions pour la R&D externe à l’entreprise.

Le secteur financier, a contrario, snoberait l’innovation et la R&D avec seulement 11 millions d’euros dépensés? Attention cependant à une vision biaisée. «Il y a des effets statistiques dont il faut tenir compte», tempère en effet , directeur du Statec, au moment de la présentation des chiffres sur l’innovation au Luxembourg.

Le ministre de l’Économie, (LSAP), a également assuré que le secteur financier n’était pas avare en innovation. «Dire que le secteur financier innove massivement est une évidence. Le secteur est orienté vers les technologies de rupture, l’intelligence artificielle ou encore la blockchain, etc.», assure le ministre. Pour le soutenir, Serge Allegrezza souligne que les statistiques sont faites sur un modèle européen, ce qui pourrait ne pas prendre en compte certaines spécificités du pays. Autre argument: les entreprises du secteur financier pourraient mal faire remonter l’information sur les dépenses dans l’innovation et la R&D. Le Statec va étudier la question.

Le Luxembourg rate ses objectifs 2020

Au Luxembourg, la R&D représentait 1,19% du PIB en 2019 (soit 757 millions d’euros), avec un objectif 2020 devant se situer entre 2,3% et 2,6%. Les données sur cet objectif européen ne seront disponibles qu’en 2022, mais il est clairement établi qu’il ne sera pas atteint. En Europe, l’Allemagne, la Grèce et Chypre ont cependant réussi ce qui semble un exploit aux yeux des autres.

«Il fait davantage de sens de s’intéresser aux dépenses d’innovation par branche, de s’intéresser aux secteurs où l’on souhaite avancer et essayer d’identifier et de savoir pourquoi certaines branches font peu d’innovation. Car cela peut également faire du sens de ne pas innover, pour plusieurs raisons. Au final, investir dans l’innovation est un choix et ce n’est pas l’État qui décide de l’innovation des entreprises. La chose importante est de savoir si l’État a tout fait pour sensibiliser les entreprises et les aider. Pour revenir sur les objectifs, si je peux donner un avis personnel, ils n’étaient pas très sérieux. C’était davantage des objectifs politiques à très haut niveau que des objectifs réalistes. Il vaut mieux partir d’un objectif réaliste et se donner quelques critères qui font du sens que nous, statisticiens, nous pouvons donner pour guider et pour aider», a une nouvelle fois nuancé Serge Allegrezza.

Un effet accélérateur dû à la crise sanitaire

Malgré un objectif raté, le ministère de l’Économie est tout de même satisfait des niveaux d’innovation dans le tissu économique. «L’innovation est partout», positive le ministre (LSAP), en affirmant que, malgré la crise sanitaire, les entreprises continuent d’investir «dans la digitalisation, le numérique ou les améliorations environnementales».

D’ailleurs, depuis 2018, le ministère de l’Économie a octroyé 138,2 millions d’euros d’aides pour soutenir la recherche et l’innovation dans les entreprises. «Il y a eu 294 projets qui ont été financés par le ministère sur les trois dernières années et l’on voit que 75% de ces projets ont été réalisés par des PME», ajoute , directeur général pour l’industrie et l’innovation au sein du ministère de l’Économie.

Le pays dispose en outre d’outils comme l’agence Luxinnovation pour aider les entreprises, même les plus petites, pour innover.

À noter également qu’au niveau des aides en lien avec la crise sanitaire dans le cadre du plan «Neistart», le ministère de l’Économie a enregistré 201 demandes, et accordé un montant total de 61 millions d’euros en plus des 20 millions d’euros aux 17 projets au titre de l’aide pour la lutte contre le Covid-19.

La crise sanitaire a  donc quelque part encore accéléré les désirs d’innovation des entreprises.