Près d’un client de détail sur deux chez ING n’a pas d’autre solution bancaire. Près de 60.000 personnes ou entreprises. Depuis cinq jours, certains ont été invités à trouver une autre banque. Sans raison. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Près d’un client de détail sur deux chez ING n’a pas d’autre solution bancaire. Près de 60.000 personnes ou entreprises. Depuis cinq jours, certains ont été invités à trouver une autre banque. Sans raison. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Pourquoi ING Luxembourg, dont 49% de ses 124.000 clients retail n’ont de relation commerciale avec aucune autre banque, a-t-elle résilié unilatéralement des contrats qui la liait à des dizaines (des milliers?) de particuliers? La banque, toujours visée par une procédure judiciaire au Luxembourg qui lui a déjà coûté 775 millions d’euros au niveau européen, a promis de s’en expliquer ce mercredi. 

ING Luxembourg aurait-elle décidé de renoncer à sa ligne «retail», qui comprend les particuliers, mais aussi les PME et certaines entreprises de taille moyenne? «Pas que je sache!», répondait, lundi, le directeur de la communication du groupe à Amsterdam. Cinq jours après les premiers screenshots de clients mécontents diffusés sur les réseaux sociaux, la communication luxembourgeoise se refusait à tout commentaire ce mardi encore, invitant à attendre ce mercredi.

Qui, aujourd’hui, peut se permettre des articles négatifs, des dizaines de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux et une demi-douzaine de questions parlementaires, soit cinq jours de «bad buzz»? Et pourquoi?

ING respectait-elle l’article 23 de la loi de 2017 sur les comptes de paiement, se demandent les pirates , et , qui veulent connaître, dans une question parlementaire, le nombre de comptes de paiement de base qui existent, comment le chiffre a évolué ces cinq dernières années et si ces clients ont aussi droit à une carte de crédit ou de débit. Sur les screenshots qui circulent sur les réseaux sociaux, les clients semblent avoir été «congédiés» dans les formes prévues par la loi. ING Luxembourg est la seule des six banques de détail au Luxembourg qui ne soit pas obligée de fournir des comptes de paiement de base, selon la CSSF, au terme de la loi de 2017.

Le ministre des Finances, (CSV) – du même parti politique que lui – se demande , est-il informé de la situation et a-t-il un plan pour faciliter l’ouverture et le maintien de comptes bancaires pour les citoyens et les entreprises résidant au Luxembourg? «Les personnes concernées n’ont désormais plus que deux mois pour déposer leurs avoirs dans une autre banque. Comme de nombreux clients sont concernés par cette vague de résiliations, ceci a aussi un impact sur le temps d’attente pour l’ouverture de nouveaux comptes», craint l’ancienne ministre et tête de liste du LSAP aux élections législatives, . Qu’en pensent la CSSF et le gouvernement, se demande-t-elle en substance, et comment le gouvernement «prévoit-il de réagir en vue d’une meilleure protection des clients?». «Monsieur le ministre [des Finances, ndlr] a-t-il des informations sur d’éventuels refus par des banques luxembourgeoises de nouveaux clients dont les comptes auprès de la banque ING ont été fermés?», s’interroge déjà la députée verte et aussi ancienne ministre, .

Des ambitions réaffirmées en février

«Notre ambition est d’atteindre la première place du classement Net Promoter Score dans chacun de nos 10 marchés de détail. En 2023, ING s’est classée première dans cinq de nos dix marchés de détail: l’Australie, la Pologne, l’Allemagne, la Roumanie et l’Espagne. ING se classe dans le top 3 dans quatre autres marchés: les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Italie et la Belgique (tous classés troisièmes). En Australie, en Belgique et en Italie, le NPS d’ING s’est amélioré par rapport à l’année dernière, tandis que l’Allemagne, la Roumanie et l’Espagne ont maintenu leur fort NPS», disait le groupe ING, où sont aussi consolidés les résultats luxembourgeois, à l’occasion de la publication de ses résultats annuels en février dernier.

«Le résultat avant impôt pour la Belgique (qui inclut les activités de détail d’ING au Luxembourg) a bondi à 661 millions d’euros, contre 223 millions d’euros en 2022. Cette forte augmentation est principalement due à la croissance du revenu net d’intérêts et à l’impact des éléments de revenu exceptionnels de l’année précédente», peut-on y lire un peu plus loin. Ou bien «nous avons également continué à offrir des prêts à la consommation durables non garantis pouvant être utilisés pour des rénovations visant l’efficacité énergétique en Belgique, au Luxembourg et en Pologne, en étendant cette offre à l”Allemagne en 2023».

Ou encore «pour offrir des solutions pertinentes à tous les segments de clients, notre gamme de produits va des prêts durables instantanés pour les travailleurs indépendants et les micro-entreprises aux prêts durables sur mesure et aux solutions de leasing pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Des produits tels que les prêts durables, les solutions de leasing durable et les prêts pour l’amélioration de la durabilité sont désormais proposés aux Pays-Bas, en Belgique, en Roumanie, en Pologne, en Turquie et au Luxembourg. Une évolution clé en 2023 a été un nouvel accord avec la Banque européenne d’investissement (BEI) mettant à disposition 600 millions d’euros pour de nouveaux prêts et leases durables, à des taux d’intérêt favorables, pour les PME en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg afin de promouvoir la durabilité.»

Bref, rien qui dénote la moindre volonté de transformer le modèle d’affaires de la banque pour essayer de se positionner davantage, par exemple, sur la banque privée et les ultrariches. Ni même aucune volonté affichée de se passer de clients «fantômes» ou pas assez rentables, qui n’ont pas d’activité bancaire particulière ni de crédit. La banque avait bâti son succès, au début des années 2010, sur la facilité à obtenir un compte bancaire et une carte Visa, en ligne et sans beaucoup de formalités.

Alors, quoi? Mystère.

«En janvier 2022, un juge d’instruction luxembourgeois a informé la banque de son intention de charger un procureur de préparer une mise en accusation pénale concernant des manquements présumés dans le processus de lutte contre le blanchiment d'argent (AML) chez ING Luxembourg. Comme ce dossier est toujours en cours d’enquête et en est à un stade procédural précoce, il est encore trop tôt pour déterminer comment et quand cette affaire sera résolue ou quel en sera le résultat final», dit le rapport annuel d’ING Luxembourg portant sur 2022, le dernier disponible au registre du commerce. 

«L’instruction est toujours en cours», confirme le parquet ce mardi après-midi. Premiers à en avoir parlé en mars 2022, nos confrères de LuxTimes reliaient la procédure luxembourgeoise avec l’affaire qui s’est terminée avec un accord passé par le groupe… en 2018 avec les autorités néerlandaises. ING avait accepté de payer 775 millions d’euros d’amende et de compensation, reconnaissant de graves lacunes dans les processus de prévention du blanchiment et de connaissance de ses clients. De 2011 à 2016, «l’exécution des politiques de prévention de la criminalité économique et financière d’ING Pays-Bas a entraîné la rupture des relations d’ING avec des milliers de clients. Néanmoins, les lacunes identifiées ont permis aux clients d’utiliser leurs comptes bancaires, entre autres, pour des pratiques de blanchiment d’argent pendant plusieurs années», dit le communiqué, encore disponible en ligne.

ING Luxembourg est une composante clé des opérations bancaires de gros et de détail d'ING dans la région. La banque se concentre sur la fourniture de services financiers aux clients individuels et aux entreprises, en mettant l’accent sur la durabilité et l’innovation numérique. En 2023, elle employait 939 salariés. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 608 millions d’euros l’an dernier, bien supérieur à celui de 2022 (422 millions d’euros). La banque avait réalisé des bénéfices de 349 millions d’euros, presque le double du résultat de 2022 (+94%).