Jade Marie Bajai est investment strategy communication manager à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: BIL)

Jade Marie Bajai est investment strategy communication manager à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: BIL)

Routes, ponts, bâtiments, alimentation en énergie… Bien qu’elles fassent partie intégrante de notre quotidien, les infrastructures peinent à trouver leur place dans les portefeuilles d’investissement multi-actifs traditionnels. Mais le contexte inflationniste, les investissements publics massifs et le puissant élan donné par la transition écologique et la transformation numérique pourraient changer la donne…

Les infrastructures sont une classe d’actifs qui vise à fournir des revenus et une appréciation du capital sur le long terme. Si les projets sont sélectionnés avec soin, les investisseurs sont susceptibles de bénéficier d’un certain niveau de protection contre l’inflation, et cela pour deux raisons. D’une part, les flux de revenus de nombreux actifs d’infrastructure sont indexés sur l’inflation par le biais de la réglementation, d’accords de concession ou de contrats. D’autre part, les actifs d’infrastructure qui ne sont pas explicitement indexés sur l’inflation disposent généralement d’un pouvoir de fixation des prix dû à leur position stratégique. Les barrières à l’entrée du secteur tendent à être élevées que ce soit en raison de la réglementation stricte, des espaces disponibles ou des lois d’urbanisme. 

Face à la volatilité accrue des marchés actions et obligataires liée aux risques plus importants de baisse de la croissance, les investisseurs ne savent plus où placer leurs capitaux. Les infrastructures présentent un bon potentiel de diversification dès lors qu’elles ont, par le passé, affiché une faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles et le cycle conjoncturel. Compte tenu du caractère indispensable de nombreux types d’infrastructure pour le bon fonctionnement de notre vie quotidienne, la demande tend à être relativement inélastique, notamment pour les services de base que sont l’eau et l’électricité. Par ailleurs, les infrastructures constituent une classe d’actifs réels et tangibles et conservent donc généralement une certaine valeur résiduelle, une caractéristique appréciable en période de crise.

Le plus des investissements publics

Autre point intéressant dans le contexte actuel: les infrastructures ont été les principales bénéficiaires des plans de relance post-pandémie. Aux États-Unis, l’accord bipartisan sur les infrastructures prévoit d’investir 1.200 milliards de dollars sur les 8 prochaines années dans les routes, les ponts, le réseau d’électricité, le fret ferroviaire, les réseaux à haut débit, l’approvisionnement en eau, les aéroports, etc. Au Royaume-Uni, le gouvernement a débloqué 4,8 milliards de livres en faveur des infrastructures dans les villes du pays et affecté 26 milliards de livres d’investissements publics pour atteindre les objectifs d’émission. Le Président chinois Xi Jinping a annoncé un programme de dépenses d’infrastructure «tous azimuts» alors que le plan stratégique national «Made in China 2025» place au cœur de ses priorités les secteurs liés aux infrastructures. En Europe, la situation géopolitique contraint les gouvernements à réévaluer la sécurité énergétique. Il est donc probable que de nouveaux investissements en infrastructures seront nécessaires pour diversifier les sources d’approvisionnement. Parallèlement, dans le cadre du Pacte vert européen, l’UE s’est fixé un objectif contraignant de réduction de ses émissions d’au moins 55% d ֽ’ici 2030 et de neutralité carbone d’ici 2050. Cette ambition implique de moderniser les infrastructures, notamment dans les secteurs des transports, de la construction et de l’industrie.

Une protection contre l’inflation?

Après plus de deux décennies de croissance non inflationniste dans le monde occidental, l’inflation fait son grand retour. Elle représente désormais le facteur le plus important à prendre en compte pour les investisseurs, les épargnants et les consommateurs, qui doivent bien avoir conscience de ses effets corrosifs sur la valeur de l’argent. Même si elles ne sont pas totalement immunisées contre l’inflation, les infrastructures peuvent offrir un certain niveau de protection dans la mesure où les revenus générés sont généralement indexés sur l’inflation et/ou les entreprises du secteur profitent de barrières à l’entrée élevées et d’un pouvoir de fixation des prix important. Par ailleurs, les infrastructures devraient bénéficier de financements publics considérables.

Toutefois, l’éventail des actifs d’infrastructure est vaste, avec des nuances et des sources de risque/rendement propres à chacun. Les investisseurs doivent évaluer la sensibilité à l’inflation et au cycle conjoncturel au cas par cas. Autre point à surveiller, l’évaluation des risques: de nombreux projets sont valorisés sur la base de flux de trésorerie réguliers actualisés. Par conséquent, lorsque les taux d’intérêt sont en hausse, le taux d’actualisation des flux de trésorerie augmente et la valeur diminue. Qui plus est, la grande diversification apportée par les infrastructures en termes de secteurs, de modèles économiques, de véhicules d’investissement et d’échéances constitue un atout pour les investisseurs potentiels.