Constituant une brique importante de l’écosystème financier mondial, le secteur de l’assurance est, lui aussi, impacté par les crises qui se succèdent à l’échelle globale: Covid, guerre en Ukraine, crise économique… Malgré ces secousses, l’assurance luxembourgeoise s’est plutôt bien portée en 2021, avec un encaissement record, tant en assurance-vie qu’en non-vie. Les prévisions de Marc Lauer, président de l’Aca, sont toutefois moins optimistes pour 2022. «Avec l’inflation, l’augmentation des taux et des prix, je ne crois pas que nous serons en mesure de reproduire les résultats réalisés au cours des dernières années», explique-t-il. «Le prix à payer pour les dommages que nous remboursons va notamment augmenter mécaniquement en raison de l’inflation et des indexations, que tout entrepreneur va répercuter sur sa facturation.»
Pour les assureurs luxembourgeois, habitués à proposer leurs produits à l’étranger, l’indexation automatique des salaires pratiquée au Luxembourg, en réponse à l’inflation, représente un autre problème. «Il est clair que l’État doit faire quelque chose pour permettre aux gens de payer leur énergie et leurs autres charges, mais cette indexation fait augmenter nos frais et peut poser un problème de compétitivité quand nous nous retrouvons sur des marchés étrangers où un tel mécanisme n’existe pas», relève Marc Lauer. «C’est encore plus vrai dans notre secteur, où le secret professionnel qui date du siècle dernier nous empêche de digitaliser autant nos activités que le peuvent nos concurrents étrangers et ainsi au moins restaurer en partie notre compétitivité.»
Le poids de la réglementation
L’augmentation des frais liée à l’inflation n’est pas la seule épine dans le pied des assureurs luxembourgeois. Leurs coûts sont en effet également tirés vers le haut par les développements réglementaires qui n’en finissent pas d’être imposés aux acteurs du monde de l’assurance et de la banque. «Que les choses soient claires: je suis totalement en faveur d’une réglementation stricte de notre secteur, considérant que nous collectons l’argent de nos clients contre une promesse d’indemnisation en cas de sinistre. C’est évidemment indispensable», concède Marc Lauer. «Mais la multiplication des règles ces dernières années, parfois sur des points de détail, nous amène parfois à nous demander quel est le sens de toute cette réglementation.»
Ainsi, si le président de l’Aca salue la réforme de la directive européenne Solvabilité, exigeant des compagnies d’assurance d’avoir suffisamment de capital pour couvrir les risques qu’elles prennent en charge, il est plus dubitatif sur d’autres exigences. «Les demandes d’informations ou de documentation incessantes, émises aujourd’hui par plusieurs organismes, représentent notamment une masse de travail et un coût importants», ajoute-t-il. «À un moment, il faut peut-être prendre du recul pour se demander si certaines règles ne font pas double emploi.»
L’assurance-vie offre une grande flexibilité dans le choix des sous-jacents d’investissement.
Il est d’autant plus délicat, pour les assureurs, de se conformer aux multiples demandes légales qui leur sont formulées, que les forces vives manquent. «On peine en effet à trouver tous les talents dont nous avons besoin. C’est une question qui touche tous les secteurs au Luxembourg. Il est temps de se poser les bonnes questions, que ce soit par rapport à une généralisation du télétravail, même pour les frontaliers, ou par rapport à l’accessibilité au pays par la route ou les transports publics. Aujourd’hui, bon nombre de mes collègues mettent plus de temps pour venir au travail qu’il y a 5 ou 10 ans. Pour quelqu’un qui habite Nancy ou Metz, il sera bientôt aussi rapide d’aller à Paris que de venir à Luxembourg…», illustre Marc Lauer.
Toujours de réels atouts
Au-delà des défis, l’assurance luxembourgeoise a également saisi les opportunités qui se sont présentées au cours des dernières années, et qui vont continuer à orienter le marché dans le futur. Les investissements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) font évidemment partie de cette catégorie. Au niveau organisationnel aussi, le secteur a considérablement évolué en réalisant sa transformation digitale, même si celle-ci, en raison de certains impératifs légaux sur le secret professionnel, ne peut peut-être pas aller aussi loin que dans d’autres secteurs.
Le meilleur atout de l’assurance luxembourgeoise pour faire face à l’avenir reste sans conteste ses produits, notamment pour l’assurance-vie commercialisée par les assureurs-vie au Luxembourg, mais surtout au-delà de nos frontières. «Ce produit offre une grande flexibilité dans le choix des sous-jacents d’investissement, ce qui est une des spécialités du Luxembourg», détaille Marc Lauer. «En outre, les actifs du preneur sont hautement protégés grâce au triangle de sécurité. En cas de liquidation d’une compagnie d’assurance, celui-ci donne notamment au preneur un privilège absolu pour récupérer ses actifs, avant l’État ou les employés. C’est une garantie très forte pour tous les souscripteurs. Enfin, ces contrats sont portables et peuvent être transférés d’un pays à l’autre en Europe sans devoir annuler et réécrire un contrat. C’est apprécié par une clientèle de plus en plus mobile.»
Armé de ces différents atouts, mais aussi aidé par une capitalisation importante des différentes compagnies présentes sur le territoire, le secteur de l’assurance luxembourgeois devrait donc pouvoir résister aux vents contraires et continuer à tirer son épingle du jeu au cours des prochaines années.