Les données publiées la semaine dernière ont confirmé que même si l’inflation des prix de l’énergie dans la zone euro reste élevée, elle s’est atténuée le mois dernier, passant de 39,6 à 38,6% en glissement annuel. Reste à savoir si cette décrue se poursuivra. D’une part, les cours du pétrole sont de nouveau nettement inférieurs au seuil des 100 dollars le baril et même les cours du gaz sont retombés de leurs sommets estivaux grâce à l’intervention des gouvernements. D’autre part, si les pénuries de gaz se confirment cet hiver, les cours sont susceptibles de repartir à la hausse, pas seulement pour le gaz et l’électricité, mais aussi pour le pétrole qui pourrait être considéré comme un substitut.
Néanmoins, ce qui se passe dans le secteur de l’énergie a des répercussions dans d’autres secteurs, comme, par exemple, l’alimentation, l’alcool et le tabac, dont les prix sont ressortis en hausse de 10,6% sur un an en août. Le coût du transport des marchandises a augmenté, tout comme les coûts relatifs au chauffage des serres, au fonctionnement des machines, à l’achat d’engrais, etc.
Banques centrales: les défis de l’inflation
Si l’inflation continue de faire tache d’huile, les banques centrales auront peut-être plus de mal à faire rentrer le génie dans sa lampe. En définitive, l’inflation est une question de psychologie. Une forte inflation, si rien n’est fait pour la maîtriser ou si les individus doutent de la capacité des banques centrales à l’enrayer, peut alimenter la crainte d’une inflation encore plus forte susceptible de créer un cercle vicieux autoalimenté. La dernière enquête de la BCE sur les anticipations d’inflation des consommateurs montre que leurs anticipations à 1 an sont restées stables, à 5%. En revanche, leurs anticipations à 3 ans ont grimpé à 3,0%, contre 2,8% auparavant.
Un facteur supplémentaire complique la croisade de la BCE contre l’inflation, à savoir la faiblesse de l’euro. Cet été, le dollar a atteint la parité avec l’euro et le taux de change oscille désormais autour de ce niveau. Cela est problématique, car les importations d’énergie sont généralement facturées en dollars. D’ailleurs, la zone euro vient de faire état d’un déficit de sa balance commerciale de 34 milliards d’euros, le deuxième plus gros déficit de son histoire, imputable au renchérissement de l’énergie qui a gonflé la facture des importations.
Dès lors, il n’est pas surprenant que la BCE ait revu à la hausse ses prévisions d’inflation en ce mois de septembre. Le Conseil des gouverneurs table désormais sur une inflation moyenne de 8,1% en 2022, 5,5% en 2023 et 2,3% en 2024. Concrètement, cela signifie que la BCE pense que l’inflation ne retrouvera pas un niveau conforme à son objectif de 2% avant 2025.
La lutte contre l’inflation, une priorité
Pour faire en sorte que l’inflation amorce une décrue, la BCE relève ses taux directeurs à marche forcée: +50 points de base en juillet pour son premier relèvement de taux depuis 11 ans, puis +75 pb en septembre. Néanmoins, les chiffres de l’inflation en août montrent bien qu’il y a encore du chemin à parcourir. La semaine dernière, le vice-président de la BCE Luis de Guindos a estimé qu’il fallait une action résolue pour ancrer les anticipations d’inflation, et ce, malgré le ralentissement de la croissance. On aurait pu s’attendre à ce qu’un ralentissement économique pèse naturellement sur la demande et fasse retomber l’inflation. Mais Luis de Guindos ne voit pas les choses du même œil, considérant que «le ralentissement de l’économie ne suffira pas à résoudre le problème de l’inflation» et que la banque centrale devra poursuivre le relèvement de ses taux. Néanmoins, la BCE ne pourra sans doute pas mener cette bataille toute seule. Pour faire retomber l’inflation, il faudra aussi une action budgétaire coordonnée, notamment à l’égard du secteur de l’énergie. Sur ce front, il convient d’être attentif au déroulement des pourparlers sur l’énergie au niveau de la Commission européenne, qui se tiendront du 27 au 29 septembre.
Alors que les responsables politiques sont aux prises avec l’inflation, les investisseurs seraient bien inspirés d’évaluer ou de réévaluer les impacts potentiels sur leur portefeuille. Pendant plusieurs années jusqu’à la poussée inflationniste post-pandémie, c’est un aspect sur lequel de nombreux investisseurs n’avaient pas vraiment eu à se pencher. Même si l’investissement dans un tel moment peut être périlleux, il est important de ne pas se priver des opportunités qui pourraient se présenter pour construire un portefeuille à long terme bien diversifié.