Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux, s’interroge sur le retour de l’inflation. (Photo: Maison Moderne)

Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux, s’interroge sur le retour de l’inflation. (Photo: Maison Moderne)

Les moyens avancés par la nouvelle administration Biden pour assurer la relance économique des États-Unis pourraient entraîner un retour de l’inflation. Expert economist chez ING Belux, Philippe Ledent fait le point sur cette question.

La semaine a été marquée par deux confirmations quant au programme du nouveau président Joe Biden. D’une part, suite à un entretien avec le président chinois Xi Jinping, Joe Biden a prévenu les sénateurs américains que la Chine restait, et de loin, le plus grand concurrent des États-Unis. Si des investissements massifs en infrastructures ne sont pas réalisés, le président Biden craint que la Chine prenne inexorablement de l’avance sur les États-Unis. Parallèlement, il entend s’attaquer aux violations des droits humains par la Chine. En bref, tant sur le plan économique que géopolitique, Biden n’entend pas modifier radicalement la politique menée par Donald Trump jusqu’à présent. Tout au plus, le ton sera moins belliqueux. Ce n’est pas vraiment une surprise, et cela confirme plutôt les signaux donnés dès la campagne électorale.

D’autre part, la compétition de la Chine étant utilisée comme justification d’une politique très ambitieuse en matière d’investissements publics, cela confirme également la volonté du président américain de frapper très fort en matière de plan de relance. En additionnant (i) le plan de relance de 900 milliards USD déjà voté en début d’année, (ii) le plan voulu par Joe Biden de 1.900 milliards USD et (iii) les dépenses d’infrastructure, l’impulsion budgétaire donnée dépasserait de très loin l’output gap de l’économie américaine (c’est-à-dire l’écart entre l’activité effective et le niveau qu’elle aurait atteint sans le choc de la crise du Covid).

Depuis quelques semaines déjà, le marché obligataire s’interroge beaucoup sur le futur de l’inflation, poussant les taux nominaux à la hausse.

Philippe Ledentexpert economistING Belux

L’impulsion voulue est telle que certains économistes influents aux États-Unis, tels que Larry Summers ou Olivier Blanchard, s’interrogent sur la capacité de l’économie américaine à l’absorber. Si ce n’était pas le cas, l’offre n’étant pas capable de suivre la demande, cela se traduirait par une remontée de l’inflation. Or, ces interventions sont loin d’être passées inaperçues, alors que, depuis quelques semaines déjà, le marché obligataire s’interroge beaucoup sur le futur de l’inflation, poussant les taux nominaux à la hausse.

Bref, si l’on tient compte de l’impulsion budgétaire attendue, du prix du pétrole, ou encore du prix du transport de fret, qui s’est envolé depuis le début de l’année, le débat sur l’inflation est loin d’être mort. Ceci étant, il faut aussi rester raisonnable et rationnel au sujet de l’inflation. L’administration Biden, et la nouvelle secrétaire au Trésor Janet Yellen en particulier, est bien consciente des risques d’une impulsion trop forte. Une explosion de l’inflation n’est donc pas encore à l’ordre du jour…