La Banque centrale européenne (BCE) doit désormais se dépêtrer avec une inflation à deux chiffres, annoncée à 10% le 30 septembre dernier. Résultat des chocs consécutifs sur les marchés des matières premières, tout spécialement sur les marchés de l’énergie, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février. À noter que l’inflation énergétique s’élevait à 40,8% en septembre, contre 38,6% en août. Couplée aux congestions dans les chaînes d’approvisionnement dues aux restrictions sanitaires en Asie et à la guerre en Ukraine, la crise énergétique provoque un choc de l’offre. Principale cause avérée du taux de l’inflation, non seulement persistant, mais également galopant.
Pourtant, l’inflation à deux chiffres ne s’explique pas que par des raisons géopolitiques. Bien avant que les différents chocs de l’offre se matérialisent au cours des sept derniers mois, un choc de la demande était déjà en cours. Ce choc de l’offre a été poussé par les hausses salariales négociées vers la fin de 2021. Au premier trimestre 2022, l’indicateur des taux de salaires négociés de la zone euro avait même dépassé son niveau pré-pandémique.
Une analyse de l’inflation sous-jacente, un indice du taux de l’inflation qui représente la tendance à long terme de l’évolution et calculée en excluant notamment la volatilité des prix énergétiques, démontrait déjà d’une hausse significative depuis le début de 2021. Ainsi, la BCE a calculé que l’inflation des produits non énergétiques est ainsi passée d’un peu plus de 0% à la fin de 2020 à plus de 4% en 2022.
Les outils de production se sont enrayés
De façon générale, la production n’a pas été en mesure de suivre la demande, tout d’un coup élevée, lors de la reprise hautement rapide de l’activité économique – à hauteur de 5,1% en 2021 dans la zone euro – à la suite de multiples arrêts des outils de production.
Même si les causes du choc de l’offre, au niveau géopolitique, finissaient par se résorber prochainement, le niveau de l’inflation des produits non énergétiques ne reculerait, quant à elle, pas si facilement. Le 8 septembre, la BCE notait à ce titre: «La hausse de l’inflation hors produits énergétiques devrait se maintenir à des niveaux élevés sans précédent jusqu’à la mi-2023», mais décélérer progressivement avec la réouverture de l’économie.
Finalement, la crise énergétique est venue s’additionner au choc de la demande et la poussée de l’inflation sous-jacente. C’est pourquoi même une baisse du pouvoir d’achat escomptée par les hausses des taux directeurs de la BCE pourrait ne pas suffire à atténuer toutes les pressions inflationnistes. Une baisse de la demande paraît en effet bien ridicule face à la crise énergétique actuelle qui risque d’annihiler simultanément une partie de l’offre et de la demande.