Le président de la Fondation Alphonse Weicker, Yves Nosbusch; l’administrateur délégué de Schroeder & Associés, Thierry Flies; l’ingénieure-associée chez Schroeder & Associés, Martine Schummer; le CEO de Dussmann, Angelo Rossi; la présidente du Comité exécutif de BGL BNP Paribas et responsable des entités du Groupe BNP Paribas au Luxembourg), Béatrice Belorgey et le CEO de Dussmann, Jean Paul Neu. (Photo: INDR/Emmanuel Claude)

Le président de la Fondation Alphonse Weicker, Yves Nosbusch; l’administrateur délégué de Schroeder & Associés, Thierry Flies; l’ingénieure-associée chez Schroeder & Associés, Martine Schummer; le CEO de Dussmann, Angelo Rossi; la présidente du Comité exécutif de BGL BNP Paribas et responsable des entités du Groupe BNP Paribas au Luxembourg), Béatrice Belorgey et le CEO de Dussmann, Jean Paul Neu. (Photo: INDR/Emmanuel Claude)

Né de l’intuition de Michel Wurth et Erny Lamborelle il y a 15 ans, quand personne ne parlait encore de RSE, l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises est devenu un acteur clé au centre d’une tendance de fond. Mais la tâche reste énorme, a-t-on pu percevoir ce jeudi 21 septembre au soir à la Chambre de commerce, à l’occasion de son anniversaire.

Il «suffirait» de démontrer à un entrepreneur qu’adopter une stratégie RSE dope son chiffre d’affaires annuel de 20% ou la productivité de ses équipes de 10% pour qu’un bataillon de chefs d’entreprises fasse la queue devant la porte de l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises (INDR) afin d’être épaulés dans ce difficile exercice. Seulement voilà, ce n’est pas si simple car chaque entreprise, chaque PME, chaque industriel évolue dans un contexte particulier que même les benchmarks sectoriels ou géographiques ne parviennent pas à décrire de manière satisfaisante.

Reste à manier la carotte et le bâton. La carotte, ce serait la valeur positive du travail des équipes de l’INDR (et de la nouvelle House of sustainability) pour évangéliser, trouver des solutions, former et encadrer ceux qui ont compris que la société aspire désormais à ce que le monde de l’entreprise soit plus vertueux. Le bâton, ce serait la réglementation, imposée au niveau européen, avec des échéances qui – on le sait déjà – seront très difficiles à respecter.

Schroeder & Associés et Dussmann récompensés

La carotte, ce pourrait être aussi le prix de la Fondation Alphonse Weicker, doté de 10.000 euros, remis par le heaf of communications, sustainability & strategy et chief economist de BGL BNP Paribas Luxembourg, , à Schroeder & Associés pour sa stratégie RSE «très complète et ambitieuse, impliquant l’ensemble de ses parties prenantes». Ou le prix de BGL BNP Paribas, doté de 2.500 euros, remis par la CEO de BGL BNP Paribas Luxembourg, , à Dussmann pour son projet de transformation en ressources des déchets alimentaires.

Une belle publicité à afficher sur sa carte de visite et un effet boule de neige, puisque les 300 entreprises déjà labellisées au Luxembourg (65.000 salariés quand même) voudront elles-mêmes être entourées d’autres sociétés vertueuses, 2.600 autres entreprises ont été sensibilisées et conseillées. Au Luxembourg, mais aussi à l’échelle européenne, puisque l’INDR a fondé le label européen Responsability Europe (représenté par son président Alain Jounot) avec l’Afnor et Ecoparc pour éviter la multiplication de pseudo-labels qui malmènent la crédibilité de ceux qui veulent travailler proprement. L’alliance européenne regroupe déjà 4.500 entreprises. 

Le bâton, ce sera certainement les obligations de reporting RSE. L’Union européenne va progressivement mettre la pression sur les entreprises de plus en plus petites et aussi les moins préparées à ce nouveau paradigme: à partir du 1er janvier 2024, celles de plus de 500 salariés et plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros de bilan total; à partir du 1er janvier 2025, celles de plus de 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 20 millions de bilan; à partir du 1er janvier 2026, les PME cotées sur un marché réglementé et à partir du 1er janvier 2028, certaines entreprises non européennes au chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros et qui ont une filiale ou une succursale en Europe. Soit potentiellement 500.000 sociétés que vise la directive européenne CSRD.

Le secteur financier, qui a pris l’habitude d’être bombardé de réglementations depuis les crises financières et économiques de 2008-2009, a pour l’instant pris un peu d’avance.

Un taux de crédit à impact

Et c’est peut-être là que les interventions de jeudi soir à la Chambre de commerce, dans le cadre très feutré du 15e anniversaire, ont fait le plus de sens, devant une audience de 200 professionnels déjà conquis.

Comme l’intervention de Mme Belorgey, qui a expliqué que la banque avait pris conscience de l’importance à venir de la responsabilité sociale de l’entreprise dès 2010 avec assez rapidement un enjeu: décarboner les portefeuilles de crédit. «Nous avions deux leviers», a-t-elle expliqué, «financer la transition énergétique et la financer beaucoup. Accélérer ces financements parce qu’entre-temps, l’urgence climatique est devenue beaucoup plus prégnante.»

«Et réduire la part des crédits que nous accordions aux entreprises qui consomment des énergies fossiles. Aujourd’hui, ces crédits décarbonés représentent déjà plus de 20% de l’encours de crédit», a expliqué la dirigeante de la banque franco-luxembourgeoise, qui a aussi indiqué que 50% de l’effectif de BGL BNP Paribas avaient reçu une formation de base nécessaire aussi bien à discuter avec les clients qu’à faire progresser la stratégie de l’entreprise. «L’an dernier, nous avons mis en place un crédit à impact dont le taux d’intérêt dépend des critères ESG – fixés par l’entreprise – atteints. Et pas seulement sur des questions énergétiques, ça peut aussi être des choses comme le niveau des accidents du travail. Si l’entreprise atteint les KPI qu’elle a fixés, son taux d’intérêt baisse. Sinon, il monte.» Tous les directeurs financiers et autres comptables comprennent instantanément où est l’intérêt.

Et les particuliers ne sont pas loin puisque pour que la banque donne un crédit immobilier, elle l’assortit d’un contrôle de la classe énergétique du bâtiment visé.

Un moyen de séduire les talents

Les directeurs des ressources humaines et autres «chief of internal happiness» auront eux plutôt entendu le message vidéo de la présidente du comité de direction de Zitha, . «Engagé depuis plus de 100 ans dans les domaines sociaux et communautaires, nous avons toujours considéré les thèmes RSE comme faisant partie intégrante de notre ADN. Néanmoins, une mise en valeur de nos actions concrètes est devenue indispensable au fur et à mesure de l’accompagnement par l’Institut national du développement durable. Nous nous sommes rendu compte que le programme RSE représente un atout majeur pour notre visibilité sur le marché du travail, surtout dans cette période de pénurie de main-d’œuvre. Afficher notre adhésion à ces valeurs permet de toucher de potentiels futurs collaborateurs et partenaires intéressés par notre gouvernance. Et nos méthodes participatives de travail en équipe permettant d’optimiser la qualité de vie au travail. L’auto-évaluation initiale, un des outils mis à disposition par l’INDR, nous a aidé à créer le cadre pour sensibiliser toutes les parties prenantes, internes et externes, en identifiant les bonnes pratiques.»

Inutile de rappeler ici le triste épisode de ce grand groupe français qualifié de «fossoyeur», la situation du personnel de santé est telle dans certains de nos pays voisins que l’idée de les remettre dans un environnement sain doit être au moins aussi attractive que des salaires plus élevés accompagnés de plus d’heures passées sur la route…

Dernier exemple qui aide à comprendre les dynamiques de ces nouvelles obligations/envies: le cas d’ArcelorMittal. Depuis 2010, le géant mondial de l’acier publie son rapport RSE chaque année (basé sur les standards GRI depuis 2014). Évidemment pour des raisons liées à la RSE, mais aussi parce que cela fait particulièrement sens d’un point de vue économique. Face aux tonnes d’acier bas de gamme avec lesquelles la Chine inonde le monde, ArcelorMittal est monté en gamme et modifie en permanence ses méthodes de production pour passer du charbon à l’électricité, puis de l’électricité à l’électricité verte, voire aux nouvelles technologies qui arrivent sur le marché (gaz naturel ou hydrogène).

Et pour mener cette rupture technologique, le deuxième défi d’ArcelorMittal, a expliqué le vice-président d’ArcelorMittal Luxembourg, Roland Bastian, sera de trouver les bons profils. La stratégie RSE doit montrer une image plus séduisante que celle des gueules noires aux dents blanches du début du siècle dernier. Enfin, le dirigeant a aussi pointé la stratégique question de la disponibilité d’électricité verte sur le marché.

Passé en coup de vent, entre un retour de l’ONU à New York et une soirée du LSAP en vue des législatives, le ministre de l’Économie, (LSAP), a salué et a rappelé un triste fait. «Le tableau est assez noir. On est à 15% de la réalisation des objectifs de développement durable, donc on est très très loin du compte. On a même régressé sur certains de ces objectifs de développement durable (ODD), je pense notamment à l’éducation, c’est quelque chose que je vois beaucoup dans les pays en voie de développement. On a reculé sur ces objectifs-là comme sur beaucoup d’autres, évidemment aussi sur le changement climatique. On n’a pas des résultats formidables à faire valoir.»

Pas de quoi saper le moral du directeur de l’Union des entreprises luxembourgeoises, , qui a conclu la soirée en invitant tout le monde à soigner la durabilité des femmes et des hommes qui se battent chaque jour pour faire avancer le schmilblick d’un monde meilleur.