En septembre 2022, le gouvernement Bettel lance le Social Business Incubator (SBI), un lieu de référence pour les entreprises sociales et les personnes intéressées par l’entrepreneuriat social, et qui souhaitent être accompagnées dans leur projet. Mais l’idée d’un incubateur dédié à l’économie sociale et solidaire (ESS) n’est pas nouvelle. Après l’entrée en vigueur de loi du 12 décembre 2016 qui a créé les sociétés d’impact sociétal (SIS), un premier programme d’incubation nommé 6zero1 avait été ouvert en juillet de la même année, à Differdange. Il a fermé ses portes cinq ans plus tard, à l’automne 2021.
«Au vu des résultats non concluants de la société 6zero1 SA SIS et des déficits accumulés par la société, le ministère du Travail a opté pour une liquidation volontaire de la société pour motifs économiques», précise le ministère du Travail. Bien qu’il ait lui-même adopté la forme juridique d’une SIS – qui par nature ne vise pas absolument à dégager des bénéfices – l’incubateur reste une entreprise qui avait «recours à des prestataires externes dans le cadre de son activité» et qui proposait un service payant aux entrepreneurs.

Quelques dates clés pour l’ESS et les SIS. (Visuel: Maison Moderne)
Avec un résultat net qui a oscillé entre 0 et -68.357 euros de 2017 à 2021, l’équilibre financier nécessaire à la survie de la structure n’a jamais été atteint. Et sur la vingtaine d’entrepreneurs sociaux qui ont été accompagnés par le 6zero1 avant sa mise en liquidation volontaire, «seulement quelques sociétés ont effectivement été créées à la suite de l’accompagnement» explique le ministère.
Deuxième essai avec le Social Business Incubator
Avec le Social Business Incubator, le Luxembourg possède un nouvel outil dont le fonctionnement a été repensé, puisqu’il «se différencie principalement de son prédécesseur 6zero1 SA SIS et de la MeSIS par la gratuité des services offerts. Le ministère du Travail gère ce service public entièrement gratuit et assure une présence journalière à l’incubateur pouvant accueillir, avec ou sans rendez-vous, toutes personnes intéressées par l’entrepreneuriat social et des thèmes liés.»
Lorsqu’on demande au ministère de tutelle pourquoi il a décidé de lancer un nouvel incubateur alors que les résultats du premier n’avaient pas été concluants, il répond que «le SBI est bien plus qu’un incubateur classique.» Et pourquoi avoir choisi, cette fois-ci, une structure publique financée par l’État, plutôt que de fonder une société comme pour le 6zero1? «Il s’agit d’un service public offert à toute personne pouvant s’intéresser à se lancer dans l’entrepreneuriat social sans frais supplémentaires pour permettre un accompagnement sur mesure accessible à tous», déclare le ministère sans vraiment répondre à la question.
Dans les budgets de l’État entre 2021 et 2024, la somme allouée à l’aide des SIS et autres structures de l’économie sociale et solidaire a augmenté en 2022 et 2023, avant de baisser dans le budget pour l’exercice 2024, voté par la nouvelle coalition CSV-DP élue en octobre 2023. L’économie sociale et solidaire ne semble pas être au cœur de la communication et de l’identité du gouvernement Frieden: aucune mention n’y est faite dans l’accord de coalition et en 2023, le «ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire» a été sobrement renommé «ministère du Travail».
Avec le SBI, le ministère du Travail affirme cependant vouloir «développer et renforcer les capacités d’un entrepreneur social qui sont clés pour assurer la viabilité des sociétés d’impact sociétal». À voir si cela suffira à booster ce secteur qui regroupe les associations, fondations, SIS, mutuelles, coopératives et autres entités non marchandes qui: ont des objectifs économiques, sociaux et souvent environnementaux explicites; maintiennent des relations coopératives, associatives et solidaires entre travailleurs, producteurs et consommateurs; et pratiquent la démocratie et l’autogestion au travail. Il représente d’ailleurs 2,2% de la valeur ajoutée brute nationale et 4% de l’emploi national, selon le «Panorama en chiffres de l’économie sociale et solidaire» publié en 2022 par le Statec.
L’intérêt s’amplifie chez les entrepreneurs
Cette étude du Statec analyse également la composition de l’écosystème de l’ESS. En 2020, il était constitué (sur un total de 2.135 entités actives dans le secteur) de 1.627 asbl, 366 autres types d’associations, 40 associations agricoles, 32 fondations, 25 SIS, 28 autres entités non-marchandes, 10 mutuelles et 7 coopératives. L’institut commente ces chiffres en affirmant que «les asbl sont le moteur de l’économie sociale et solidaire» puisqu’elles représentent 76,2% des structures qui opèrent dans le domaine.
Depuis 2020, l’intérêt des entrepreneurs pour l’économie sociale et solidaire – et donc pour les SIS – a grandi. Entre 2016 et le début du mois de mai 2024, 64 structures avaient reçu l’agrément de SIS de la part du ministère du Travail, selon le site de l’Administration des contributions directes – dont huit qui, après l’avoir obtenu, ont été radiées, liquidées, dissoutes ou se sont vues retiré l’agrément. Pour donner plus de visibilité à ces SIS, le label «Impact Luxembourg» a été lancé en octobre 2022 par l’Union luxembourgeoise de l’économie sociale et solidaire (Uless), elle-même créée en 2013 avec l’objectif de défendre et promouvoir les intérêts collectifs du secteur au Luxembourg et dans la Grande Région.
Cela suffira-t-il? «Le Social Business Incubator peut offrir des espaces de travail et d’échange à une douzaine d’entrepreneurs sociaux en herbe au maximum, en fonction des besoins.» Douze «chanceux» qui peuvent bénéficier du programme d’initiation à l’entrepreneuriat social «touch BASE – Be.A.Social.Entrepreneur» ou encore du partenariat entre le ministère du Travail et la House of Startups «permettant une immersion complète dans l’écosystème entrepreneurial luxembourgeois.»