Le marché de la chirurgie esthétique devrait connaître une croissance de près de 12% par an jusqu’en 2025. Ce qui justifie le prix astronomique que Waldemar Kita entend tirer de son groupe spécialisé notamment dans les injections d’acide hyaluronique. (Photo: Shutterstock)

Le marché de la chirurgie esthétique devrait connaître une croissance de près de 12% par an jusqu’en 2025. Ce qui justifie le prix astronomique que Waldemar Kita entend tirer de son groupe spécialisé notamment dans les injections d’acide hyaluronique. (Photo: Shutterstock)

Visé par une instruction pour fraude fiscale portant sur 80 millions d’euros, le président du FC Nantes, Waldemar Kita, rêverait de revendre son groupe luxembourgeois, Vivacy, pour 1 milliard d’euros. Il y a deux ans, il valait 34 millions d’euros.

Vivacy est à vendre. Selon nos confrères de l’Agefi, son fondateur, Waldemar Kita, aurait confié un mandat à BNP Paribas et espère une offre qui atteindrait le milliard d’euros. Quatre premières offres sont arrivées sur le bureau des «chercheurs d’or», dans des enveloppes allant de 700 à 850 millions d’euros, cette dernière étant portée par Bain Capital.

Dans un contexte d’envol des sociétés liées à la santé, la valorisation de ce groupe, spécialisé dans les soins dermocosmétiques, anti-âge, les sérums anti-rides et eaux de toilette à base d’acide hyaluronique, serait extraordinaire: en 2019, V Plus, la holding luxembourgeoise qui consolidait les Laboratoires Vivacy (France) à 100%, Vivacy International (Suisse) à 100% et le laboratoire polonais Laboratorium Estetyki LEA à 51%, valait «comptablement» 34 millions d’euros, alors que son fondateur préparait sa grande manœuvre.

C’est là qu’un «hat trick» est survenu, trois «buts» à la suite, comme on dirait dans le jargon du football, avec une triple augmentation de capital.

Début mai 2019, les Américains de TA Investors prennent en même temps 38% via leur filiale luxembourgeoise Bock Capital EU Luxembourg VP pour 66,28 millions d’euros (ce qui valorise la société à 175 millions d’euros) et quelques autres pour cent pour 35 millions d’euros supplémentaires via deux de leurs sociétés aux îles Caïmans.

Un audacieux goodwill à la française

Quinze jours plus tard, Dylan, une autre holding luxembourgeoise que M. Kita contrôle à 100% selon le registre des bénéficiaires effectifs et qui consolide la société qui abrite son jet privé Handjet, avec ses 51% dans la luxembourgeoise Valeron et 49,53% dans Vivacy, apporte ses parts dans V Plus contre 208 millions d’euros, dont 206 dans un compte prime d’émission. Le président du groupe, Michel Cheron, en fait autant pour 18 millions d’euros et tout le staff aussi, du directeur administratif et financier, Maximilien Coyon, aux responsables du marketing, Christine Biletta et Myriam Collange.

Troisième acte, le 19 juillet 2019: Valeron, détenue à 51% par M. Kita et à 49% par M. Cheron et qui détient 6,14% du groupe Vivacy, apporte 26 millions d’euros à la troisième augmentation de capital en moins d’un mois.

Entre-temps, le 22 mai, Vivacy Group rachète V Plus. Au terme d’un goodwill à la française – la nuance a son importance – qui sera amorti sur 10 ans, la valeur de la société passe à 421 millions d’euros, soit un écart d’acquisition de 363 millions d’euros, selon ses propres données.

Ce jeu d’écriture comptable complexe permet de «valoriser» tout le périmètre d’une société. Selon une étude de l’European Financial Reporting Advisory Group, parue en janvier et portant sur 1.477 sociétés cotées en Europe, le pourcentage du goodwill atteint en moyenne 4,8% des assets d’une société, 19,7% de sa capitalisation boursière ou 31% du total de ses actions. Avec un écart de 363 millions d’euros pour 34 millions, on est loin au-dessus de ces moyennes européennes.

Un chiffre d’affaires en forte croissance

Mais si des investisseurs sont prêts à débourser autant pour cette société, il n’y a rien à en redire. Quinze ans après avoir réussi à vendre son petit laboratoire, Corneal, au leader mondial américain et propriétaire du Botox, pour 170 millions d’euros, il rêve de recommencer. Avant le début de la pandémie, son directeur général, M. Charon, avait anticipé un chiffre d’affaires multiplié par trois en trois ans. En 2020, il avait déjà fait fois deux.

La même année, comme un message discret à des investisseurs potentiels, celui qui dirige aussi le FC Nantes s’est même payé une page pour une tribune libre, dans un média spécialisé, dans laquelle il assure que la croissance du secteur sera de 11,5% par an jusqu’en 2025, portée par un appétit sans fin des Asiatiques, qui pèseront 27% d’un marché mondial estimé à 23 milliards de dollars.

Si l’ancien vendeur de lentilles de contact réussit son pari, les 80 millions d’euros dissimulés au fisc – plutôt autour de 50, selon nos propres calculs – ne seront qu’une broutille…