«Pour l’instant, on ne sait pas si BA2 a un pouvoir pathogène équivalent à BA1 ni à quel point il est sensible aux anticorps. Ces réponses vont arriver dans 10 ou 15 jours», indique Danielle Perez-Bercoff. (Photo: LIH)

«Pour l’instant, on ne sait pas si BA2 a un pouvoir pathogène équivalent à BA1 ni à quel point il est sensible aux anticorps. Ces réponses vont arriver dans 10 ou 15 jours», indique Danielle Perez-Bercoff. (Photo: LIH)

Le sous-variant BA2 du variant Omicron est au centre des préoccupations. Il pourrait devenir dominant en Europe. Mais difficile pour le moment de prévoir son impact potentiel sur les hospitalisations, faute de connaissance suffisante de ce sous-variant, selon la virologue Danielle Perez-Bercoff (LIH).

Trois sous-variants du variant Omicron circulent actuellement en Europe: BA1, arrivé fin novembre et responsable de la première vague Omicron; BA2, devenu majoritaire au Danemark et peut-être responsable de l’explosion récente du nombre de cas; et BA3, moins infectieux et très minoritaire.

BA2 est au cœur des préoccupations. Si les informations sur ses caractéristiques manquent pour le moment, l’impression est qu’il pourrait, du fait d’une potentielle plus grande contagiosité, surpasser BA1 et devenir dominant en Europe, selon la chercheuse Danielle Perez-Bercoff, virologue au sein du Luxembourg Institute of Health (LIH).

Mais difficile de dire pour le moment si BA2 est plus pathogène que BA1 et donc s’il peut avoir un impact sur le nombre d’hospitalisations. 10 à 15 jours semblent nécessaires pour récolter suffisamment d’informations. Même s’il reste probable que la protection conférée par les vaccins continue d’être efficace contre d’éventuelles formes graves. La communauté médicale semble en tout cas faire le pari qu’il n’est pas plus virulent, les gouvernements européens levant peu à peu les mesures sanitaires malgré la part d’inconnu.

Les sous-variants du variant Omicron semblent être au centre des préoccupations. Quels sont ceux qui circulent en Europe?

Danielle Perez-Bercoff. – «Il y a trois sous-variants, nommés BA1, BA2 et BA3. BA1 est arrivé en Europe fin novembre. À l’époque, on a négligé de regarder BA2, qui est arrivé en Europe à peu près au même moment dans certains pays.

En quoi ces sous-variants diffèrent-ils entre eux?

«BA1, BA2 et BA3 ont plusieurs mutations communes. BA1 et BA2 ont, en plus, leurs mutations spécifiques. Et BA3 est entre les deux: il prend des mutations de BA1 et BA2, mais il n’a aucune mutation qui lui soit propre.

BA3, pour une raison que l’on ne connaît pas, n’est pas très transmissible. Il est écrasé par les autres et représente une proportion infime – 0,013% – des cas infectieux. BA1 et BA2 sont beaucoup plus infectieux que Delta. C’est pour cela qu’ils dominent en Europe, mais aussi aux États-Unis, en Inde, en Afrique, etc.

L’impression est que le sous-variant BA2 va prendre le dessus sur BA1.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

La première vague d’Omicron en Europe est une vague de BA1. Mais, depuis, BA2 a pris le dessus dans certains pays, comme le Danemark, où il est devenu majoritaire. Cette situation est-elle susceptible de se généraliser en Europe?

«L’impression est que BA2 va prendre le dessus sur BA1. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait dès le départ? Probablement parce que BA1 a été introduit en premier dans certains pays et, comme il est plus infectieux que Delta, il l’a remplacé.

Dans d’autres pays, où les deux ont probablement été introduits presque au même moment, BA2 prend le dessus. Nous avons l’impression que c’est ce qui va se passer un peu partout en Europe.

BA2 provoque-t-il des formes plus sévères que BA1?

«C’est très difficile à dire. Pour l’instant, on ne sait pas si BA2 a un pouvoir pathogène équivalent à BA1 ni à quel point il est sensible aux anticorps. Ces réponses vont arriver dans 10 ou 15 jours.

Le virus évolue plus vite que nous ne développons des vaccins. Donc nous courons derrière.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

Concernant BA1, sur lequel nous avons le plus travaillé jusqu’à présent, nous avons tendance à dire qu’il est moins pathogène que Delta. C’est probablement vrai. Entre autres parce qu’il n’infecte pas les voies pulmonaires inférieures, mais les voies respiratoires supérieures, ce qui change pas mal de choses en termes de détresse respiratoire.

Mais la population générale est aussi beaucoup plus immunisée, soit par vaccin soit par infection, que lors de la vague Delta. La réponse immunitaire est donc déjà préexistante dans une grande majorité de cas.

BA2 est-il résistant aux vaccins?

«Pour l’instant, nous ne savons pas trop. Ce que nous constatons, c’est que le virus évolue plus vite que nous ne développons des vaccins. Donc nous courons derrière.

Mais faire des doses de rappel avec le virus initial, si cela ne protège pas à 100%, est efficace contre les formes graves de la maladie, même si ce n’est pas optimal contre la transmission.

Donc BA2 sera-t-il totalement résistant aux vaccins que nous avons aujourd’hui? Je n’en suis pas sûre. Mais même si l’on est moyennement protégé contre la transmission, je pense que le vaccin gardera la même efficacité contre les formes graves.

Je pense que le vaccin gardera la même efficacité contre les formes graves.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

Pourquoi cela?

«Les anticorps, qui protègent notamment contre les infections, sont les plus sensibles aux mutations. Or Omicron est rempli de mutations qui lui permettent d’échapper aux anticorps. Ainsi, même si vous avez un taux d’anticorps élevé, ces mutations lui permettent de s’en cacher.

En revanche, la réponse cellulaire, qui va tuer les cellules infectées et donc empêcher la multiplication du virus, est beaucoup plus efficace contre un grand nombre de variants car elle reconnaît des parties du virus qui ne sont pas concernées par les mutations. Cette forme-là de la réponse immunitaire est plus longue et difficile à mesurer, mais elle est beaucoup plus efficace contre les variants.

Des difficultés semblent se poser pour détecter BA2…

«Lorsque la vague Omicron BA1 est arrivée, nous avons pu très rapidement distinguer les variants Omicron et Delta, parce qu’une des mutations présentes dans BA1 est une délétion qui ne permet pas d’attraper, lorsqu’on fait les tests diagnostics, le gène Spike. Nous avons ainsi pu, sans devoir tout séquencer, suivre l’implantation d’Omicron.

Tous les pays lèvent leurs mesures sanitaires. C’est un pari.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

Or BA2 n’a pas cette délétion. Distinguer Delta et BA2 est par conséquent plus compliqué car il faut tout séquencer ou chercher d’autres mutations ponctuelles pour savoir s’il s’agit de Delta, de BA2 ou encore d’autres choses.

En quoi détecter BA2 est-il si important?

«Il faut que nous puissions détecter et distinguer ce virus, surtout si nous découvrons qu’il diffère légèrement en termes de pathogénicité ou de sensibilité aux traitements. Si c’est le cas, il faudra savoir à quoi nous avons affaire pour, à l’hôpital, adapter les traitements en fonction.

Le Danemark, où BA2 est majoritaire, connaît une explosion de cas. Mais les soins intensifs se vident. Ils ont donc levé les dernières restrictions. Cette décision politique est-elle prématurée?

«C’est la même chose un peu partout, tous les pays lèvent leurs mesures sanitaires. C’est un pari. Deux aspects importent. D’une part, les gens sont vaccinés. D’autre part, Omicron est intrinsèquement un peu moins pathogène que Delta. Donc avoir une immunité globale au niveau de la population, soit par Omicron soit par la vaccination, cela résout pas mal de problèmes pour les prochains mois. L’immunité ne dure pas éternellement, mais une partie reste en mémoire. Il s’agit donc d’atteindre l’été.

Nous n’avons aucune garantie que les variants suivants vont être des dérivés d’Omicron.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

Faut-il être inquiet du sous-variant BA2?

«Autant que de BA1. Mon impression est que les médecins ne sont pas plus inquiets de BA2 que de BA1. Il y a eu une grande inquiétude lors de l’explosion de BA1: cela allait tellement vite, c’était tellement infectieux alors que nous ne savions pas s’il était moins pathogène. Mais finalement les hôpitaux ne se sont pas remplis. Pour BA2, je crois que la communauté médicale fait le pari qu’il soit similaire à BA1. Mais les données ne sont pas là pour l’instant.

On entend beaucoup que le variant Omicron, moins pathogène, est un tournant dans la pandémie, car les prochains variants seront désormais moins pathogènes en général. Qu’en pensez-vous?

«C’est très possible, mais il n’y a pas de garantie. L’intérêt d’un virus est de se transmettre le mieux possible, pas de tuer l’hôte, car alors il va juste s’éteindre avec l’hôte.

Mais nous n’avons aucune garantie que les variants suivants vont être des dérivés d’Omicron. Avant Omicron, nous pensions que les prochains variants seraient un dérivé d’un variant que nous connaissions, et Omicron a surgi de nulle part, d’une autre branche. Rien ne garantit donc qu’il n’y a pas un autre variant qui est en train de se préparer quelque part et dont nous ne connaissons pas le pouvoir pathogène.

L’épidémie est difficile à prédire car vous ne savez pas d’où va émerger le prochain variant.
Danielle Perez-Bercoff

Danielle Perez-BercoffvirologueLIH

En outre, plusieurs variants circulent: BA1, BA2, BA3, Delta, ainsi que d’anciens variants comme Alpha ou Bêta… Or, si une personne s’infecte avec deux variants simultanément, vous ne savez pas ce qui en sort. Cela peut être un virus non viable qui ne se propagera pas, mais aussi être un variant dit recombinant avec le même pouvoir pathogène qu’Omicron, mais une meilleure transmissibilité. Ou bien, et c’est le pire scénario, qui est aussi transmissible qu’Omicron et aussi pathogène que Delta.

Donc l’épidémie est difficile à prédire car vous ne savez pas d’où va émerger le prochain variant. D’autres variants vont de toute façon émerger. La question est de savoir si ce seront des dérivés d’Omicron ou de nouveaux variants.»