Wunne mat der Wooltz – Quartier Sudhang. (Image: Fonds du logement)

Wunne mat der Wooltz – Quartier Sudhang. (Image: Fonds du logement)

La crise du logement latente renvoie aussi à la responsabilité des pouvoirs publics. Les partis réagissent. Parmi les solutions proposées, le renforcement de la fiscalité pour mobilier foncier et logements. Et aussi la possibilité de construire plus dense et/ou plus haut.

La fiscalité pour mobilier foncier et logements

Affichant la volonté de mettre la pression sur les propriétaires qui laisseraient volontairement leurs terrains constructibles vacants, la plupart des partis s’accordent sur le principe d’appliquer une taxe sur ce foncier. Le ­gouvernement travaille sur le sujet, comme l’indique le ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng), en page 28. Xavier Bettel (DP) avait en effet annoncé, lors de son discours sur l’état de la Nation (le 12 octobre 2021, ndlr), qu’une proposition serait sur la table dans les 12 mois.

Si l’objectif de mobiliser les terrains est salué par tous, le gouvernement devra définir la spéculation au travers de la formule de l’impôt. Tout en évitant un écueil majeur: échauder une partie des électeurs, qui sont nombreux à disposer de foncier pour leur propre usage ou pour celui de leurs enfants, par exemple. «Pour le DP, il ne s’agit pas du tout de pénaliser les petits propriétaires, qui retiennent l’une ou l’autre parcelle pour leur descendance», temporise le parti du Premier ministre.

«Il est évident qu’un tel impôt doit décourager les propriétaires de terrains à ­en accumuler beaucoup pour les garder et ne pas les mobiliser. Notre parti a prévu une exception pour les petits propriétaires de terrains, portant justement sur la taille du terrain, car il ne faut pas enterrer le droit de propriété, mais encadrer les abus», estiment les Pirates, qui veulent, à l’inverse, récompenser les propriétaires coopérants en instaurant «des exemptions lorsque les propriétaires de ces terrains les mettent à disposition pour des formes de logements temporaires».

Le CSV indique aussi ne pas «pénaliser les propriétaires qui sont bloqués dans des procédures» ni viser les terrains qui font l’objet d’un développement par phasage. «Au lieu de “pénaliser”, il faut comprendre pourquoi les ­logements sont inoccupés. Changer la loi du bail à loyer, permettre les contrats à durée déterminée, abolir la prorogation légale, permettre des contrats d’occupation précaire», demande l’ADR, qui ajoute être «contre toute augmentation d’impôts, y inclut l’impôt foncier».

Au lieu de ‘pénaliser’, il faut comprendre pourquoi les ­logements sont inoccupés.
Roy Reding

Roy RedingDéputé ADR

Autre outil envisagé et cité également par le ministre du Logement: le remembrement ministériel. «Un autre instrument efficace permettant de développer des projets de construction, au cas où un propriétaire bloque le projet en question», ajoute le parti d’Henri Kox, déi Gréng, rejoint sur le Baulandvertrag par le LSAP. Outre la mise en place d’une taxe sur la spéculation (le CSV propose par exemple une taxe après cinq ans, en cas de terrain vacant, après le début des travaux d’infrastructures), la réforme de l’impôt foncier figure également parmi les propositions retenues par déi Lénk. Le taux de cet impôt progressif sur les immeubles hors habitation principale augmenterait «avec la valeur du patrimoine immobilier (résidence principale exclue), pondéré d’un supplément fiscal également progressif en cas de rétention de terrains constructibles ou de vacance prolongée d’immeubles pour des raisons spéculatives», précise déi Lénk.

La même logique vaut pour les logements vacants, le gouvernement ayant également promis de mettre en place un registre national des logements inoccupés. «La création de logements intégrés constitue une idée intéressante pour créer des unités supplémentaires de manière relativement simple et rapide», estime par ailleurs le DP, subventions à l’appui. Le LSAP pro­­pose un «système d’incitation bonus-malus» pour récompenser ceux qui mobilisent les biens vacants, et de pénaliser ceux qui ne veulent pas coopérer.

Avec la possibilité de fixer des pénalités si le logement reste inoccupé pendant un certain temps. «Une approche alternative consisterait à suspendre la déductibilité des intérêts relatifs à des prêts immobiliers, tout comme l’amortissement accéléré pendant la période où le logement reste inoccupé», suggère aussi le CSV. Autre idée des socialistes: «Un monitoring digital des logements en cours ou à venir à l’échelle nationale, sur base des données publiques et privées.» Une approche partagée en substance par déi Lénk et les Pirates. Ces derniers proposent d’aller «plus loin en visant non seulement les immeubles, mais aussi les grands propriétaires de terrains constructibles, comme dans notre proposition de loi visant l’exploitation des terrains à bâtir à des fins d’habitation».

Un large consensus se profile également sur le principe d’une refonte de l’amortissement accéléré. «Vu l’évolution du marché du logement, cet incitatif fiscal au profit des investisseurs est devenu difficile à justifier», souligne déi Gréng. Le CSV propose de «fixer un plafond maximum qui peut être déduit par an» et de «revoir à la hausse le poids du terrain, qui est estimé, dans la plupart des cas, forfaitairement à 20% du prix total de l’immeuble». L’ADR s’y oppose, en revanche: «Il faut des gens qui investissent dans la construction d’habitations. Si ces gens disparaissent du marché, on n’aura pas un seul logement de plus, mais on risque d’avoir moins d’habitations.»

Les Pirates et le LSAP plaident pour une révision de l’amortissement accéléré pour promouvoir des projets collectifs et bénéfi­ques pour la société. «Selon l’Observatoire de l’habitat, les acteurs étrangers jouent un rôle secondaire sur le marché immobilier, dominé par des acteurs autochtones. Les acteurs étrangers présents sont pour la plupart des acteurs européens qui ne seraient pas concernés par une Lex Koller», pointe déi Lénk au sujet d’une éventuelle limitation du poids des acteurs étrangers via une loi Lex Koller, en place en Suisse, que soutiennent le CSV et le LSAP (sous réserve d’une validité juridique). «Une loi Lex Koller au Luxembourg, cœur de l’Europe, ne semble pas appropriée», pour l’ADR.

Plus dense, plus haut

Si l’utilisation rationnelle du sol en tant que denrée rare est citée comme principe de bon sens par les politiques, la question d’une densification du bâti et d’un recours à des immeubles plus hauts en milieu urbain est différemment abordée à l’échelle nationale. «Il convient d’analyser quel est le besoin réel en matière de types de logements ou de taille demandée des unités résidentielles. Surtout, des unités de moindre taille, comme des studios, sont très demandées, tandis que l’offre sur le marché ne correspond pas forcément à la demande», pointe le DP.

Quant au bon équilibre dans les PAG entre le coefficient d’utilisation du sol (CUS – le nombre de mètres carrés construits) et la densité de logements (DL – nombre de logements par hectare) pour éviter de n’avoir que de grands logements qui puissent être nouvellement construits, le LSAP souligne que «la crise écologique nous l’impose! ». «Avec le nouveau Pacte logement, nous ne créons pas seulement davantage de ­logements abordables avec chaque nouveau PAP, mais nous augmentons également la densité du logement de 10%», ajoute déi Gréng. Le CSV propose en outre la mise en place d’une «cellule Plan d’occupation du sol pour le développement stratégique du pays».

Des unités de moindre taille, comme des studios, sont très demandées, tandis que l’offre sur le marché ne correspond pas forcément à la demande.
Max Hahn

Max HahnDéputéDP

La question de la densité renvoie forcément à la ­notion de cadre de vie, estime l’ADR, qui n’est pas opposé à densifier des endroits spécifiques: «Mais il faut garder une qualité de vie qui englobe aussi une place de parking devant la maison pour éviter des déplacements pénibles. Et des parkings pour les amis…»

«Construire de manière plus dense et davantage en hauteur demande en contrepartie de réserver plus de surface à la verdure accessible au public et à l’aménagement de points de rencontre dans le quartier», résume déi Lénk. L’aménagement du territoire est questionné par les Pirates, qui plaident «dans un Luxembourg du 21e siècle» pour densifier les zones urbaines: «Les avantages de la densification parlent d’eux-mêmes: optimisation du périmètre de construction actuel, infrastructures et services déjà sur place, bonne connexion aux transports publics existants».

Construire des unités de logement plus denses sans remettre en cause ni la qualité de vie des quartiers existants ni le caractère rural des agglomérations concernées, l’équation concentre plusieurs paramètres sensibles. Le respect de l’environnement et l’utilisation des ressources entrent de même en ligne de compte. «Il faudrait éviter au maximum les excavations. Souvent, cela comporte les ­parkings.

En conséquence, il faut revoir le nombre de parkings à la baisse en fonction de l’accessibilité au transport commun, les pistes cyclables ou le milieu construit», estime déi Gréng. Les études environnementales et éventuellement archéologiques nécessaires sur un terrain qui est pourtant déjà classé comme constructible sont citées par les acteurs privés comme un frein à la construction.

Déi Lénk s’oppose au renversement de la charge de la preuve: «On ne peut risquer que l’aval implicite donné à la destruction d’un biotope puisse résulter de la non-­intervention de l’administration compétente, souvent sous-équipée en personnel.» Le CSV est en faveur d’une primauté de l’autorisation de construction et du périmètre pour éviter de devoir faire un bilan écologique et des fouilles. Il est rejoint par le LSAP sur l’idée d’inverser la charge de la preuve: «C’est au ministère de l’Environnement de prouver, dans un court délai, qu’il y a un biotope à déplacer, et non au développeur qui possède déjà une autorisation à bâtir.»

Pour les Pirates, c’est au maître d’ouvrage de déclarer la présence d’un biotope. Charge ensuite au ministère d’accélérer la procédure d’évaluation. «Au cas où cette procédure prendrait trop de temps, la construction pourra être réalisée dans un délai spécifié», ajoute le parti représenté par Sven Clement. «Il ne faut pas abandonner la biodiversité face à la pression du logement. Au contraire», résume l’ADR, pour sa part.