Défendant son budget devant les députés, Gilles Roth a souligné l’importance d’une fiscalité attractive pour les entreprises en termes d’attractivité et de compétitivité. (Photo: Chambre des députés)

Défendant son budget devant les députés, Gilles Roth a souligné l’importance d’une fiscalité attractive pour les entreprises en termes d’attractivité et de compétitivité. (Photo: Chambre des députés)

La baisse d’un point de pourcentage de l’impôt sur le revenu des collectivités coûtera au nom du renforcement de l’attractivité du pays 259 millions sur la période 2025 à 2028. Dans un contexte de baisse généralisée de l’imposition des sociétés, le retour sur investissement reste incertain.

Depuis ce 1er janvier, le taux de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC) est passé de 17% à 16% pour les entreprises au nom du «renforcement de la compétitivité des entreprises et de l’économie luxembourgeoise» comme l’ont répété à foison tant le Premier ministre, (CSV), que le ministre des Finances,  (CSV). Dans le détail, le taux de l’IRC passe de 17% à 16% pour les entreprises dont le revenu imposable dépasse 200.000 euros et de 15% à 14% pour les PME dont le revenu va jusqu’à 175.000 euros. Un mécanisme de lissage viendra compléter le dispositif pour celles qui ont un revenu imposable entre 175.000 et 200.000 euros.

Conséquence, en 2025, le taux d’imposition global passe de 24,94% à 23,97% pour les grandes entreprises et de 22,80% à 21,73% pour les PME. La différence entre le taux annoncé de 16% et la pression fiscale finale est due au fait que le Luxembourg a adopté pour l’impôt sur les sociétés le système du «taux combiné», comprendre un taux fixé par l’administration centrale et un ou plusieurs taux fixés par les administrations infra nationales. En Europe, quatre autres pays ont adopté ce système: le Portugal qui affiche un taux combiné de 31,5%; l’Allemagne (28,9%), l’Italie (27,8%) et Chypre (11,3%).

Concurrence fiscale

Avec un taux d’imposition de 23,97% donc, le Luxembourg se rapproche du taux moyen de l’OCDE (23,6%) et du taux moyen dans l’UE (21,2%). Des taux orientés à la baisse depuis 1993, date à laquelle le taux d’imposition moyen des sociétés était de 38% aussi bien au niveau mondial qu’au sein de l’OCDE et de l’UE. Le plus gros de cette décroissance s’est effectué dans la période 1993-2011. Depuis, si la pente reste descendante, sa vitesse s’est fortement réduite. À l’exception du Royaume-Uni où le taux est remonté en 2023 de 19% à 25%.

En 2023, selon les données de l’indice de compétitivité fiscale internationale 2024 élaboré par l’ONG Tax Foundation, le taux marginal supérieur d’impôt sur le revenu des sociétés le plus bas de l’OCDE se trouve en Hongrie, avec 9%, suivi de l’Irlande (12,5%) et de la Lituanie (15%). Le Grand-Duché se classe en 22e position des 38 pays concernés par l’étude pour ce qui est de l’imposition des sociétés.

Ceci dit, d’une juridiction à l’autre, les bases d’imposition peuvent varier fortement. Tout comme peuvent varier des caractéristiques importantes comme les règles en matière d’amortissement fiscal et d’autres dispositions fiscales comme l’amortissement accéléré ou encore les déductions sur fonds propres. Pour apprécier les effets de ces dispositifs sur la base d’imposition des sociétés et sur l’impôt à payer, la comparaison des taux d’imposition légaux des sociétés ne donne pas une vue globale. C’est pourquoi l’OCDE calcule le taux effectif d’imposition des sociétés. Un taux toujours inférieur au taux légal. En 2023, ce taux effectif toutes juridictions confondues s’établissait en moyenne à 20,2%, soit 1,3 point de moins que le taux légal d’imposition moyen. Pour le Luxembourg, en 2023 selon l’OCDE, le taux effectif atteignait 23,2% pour un taux légal de 24,9%. Des chiffres stables par rapport à 2022.

259 millions de déchet fiscal

Cette baisse, selon les données du projet de loi de finances 2025, coûtera au Luxembourg 259 millions. Déchet fiscal réparti de la manière suivante: 56 millions en 2025, 63 million en 2026, 70 millions en 2027 et 70 millions en 2028. Cela attirera-t-il plus de sociétés, faisant augmenter mécaniquement l’assiette de l’impôt et donc les rentrées fiscales? Cela est d’autant plus difficile à dire que cette baisse intervient juste après l’entrée en vigueur de l’imposition minimale effective des entreprises multinationales à hauteur de 15%. Baisse dont l’impact sur les finances publiques n’a à ce jour pas été chiffré. Au grand dam de la Banque centrale du Luxembourg qui, dans son avis sur le budget, encourageait le ministre des Finances à fournir des précisions à ce sujet, «compte tenu de leur importance pour l’évaluation des finances publiques».

Une baisse aux retombées incertaines

Cette imposition minimale effective devrait générer pour certains pays un surplus de recettes. Si aucun chiffre tangible n’a pour l’instant été estimé pour le Luxembourg, l’Irlande a présenté un projet de budget 2025 excédentaire à hauteur de neuf milliards d’euros, soit environ 3% du produit intérieur brut (PIB). Au Portugal, où le taux d’imposition moyen des sociétés est de 31,5%, le gouvernement de Luis Montenegro, entré en fonction en avril dernier, veut profiter de ce surplus fiscal pour faire baisser le taux d’imposition central des autres entreprises et ainsi que des PME. Pour les premières, le taux passerait à terme de 21% actuellement à 15% et pour les secondes de 17% à 12,5%. Des réductions qui iront de pair avec l’allègement d’une série de taxes, des facilités de gestion et de simplification en matière de TVA ainsi que des garanties de paiement en moins de trente jours par les administrations. Le projet de budget 2025 a fait passer de 21% à 20% l’impôt sur les sociétés et de 17% à 16% le taux d’imposition des PME.