La parité entre l’euro et le dollar est préoccupante dans le contexte actuel de poussée inflationniste. (Photo: Shutterstock)

La parité entre l’euro et le dollar est préoccupante dans le contexte actuel de poussée inflationniste. (Photo: Shutterstock)

La baisse de l’euro face au dollar a un impact négatif direct sur le pouvoir d’achat des ménages. Mais comme souvent, lorsqu’il y a des perdants, il y a aussi des gagnants.

La dégringolade de l’euro face au dollar peut donner le vertige. En début d’année, un euro valait 1,137 dollar. Aujourd’hui, il faut un euro pour avoir un dollar. Et si l’euro est passé sous le dollar ce 22 août, à 0,99 dollar, on reste encore loin de son plus bas historique de 0,8272 observé le 25 octobre 2000. Et également loin de son niveau d’introduction «physique» de 0,8895 dollar au 1er janvier 2002.


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Pourquoi un tel dévissage? D’abord parce que le dollar profite tout à la fois de la hausse des taux de la Réserve fédérale américaine et de meilleures perspectives économiques.

La faiblesse de l’euro reflète aussi l’état de faiblesse de l’économie européenne, qui subit de plein fouet les effets de la guerre russe en Ukraine, et des interrogations qui portent sur la santé de l’Allemagne. Il convient de noter que l’euro n’est pas faible uniquement contre le dollar, mais contre toutes les grandes devises internationales, à l’exception notable du yen japonais.

Cette faiblesse de l’euro est grave pour l’économie dans le contexte actuel de poussée inflationniste.

D’abord parce qu’elle renchérit le coût des principales matières premières qui se traitent majoritairement en dollars sur les marchés. Dont le pétrole. À la mi-août 2022, sur 12 mois, le Brent évoluait de +7,5% en dollars et +23% en euros. Sur la même période, le WTI évoluait de +17,5% en dollars et +35% en euros. C’est le phénomène inverse de 2008 quand le prix du baril avait flambé, mais le dollar, alors faible, avait joué un rôle d’amortisseur.

Le dilemme de la BCE

Un euro faible a donc un effet inflationniste supplémentaire. Effet estimé entre 0,4 et 0,5 point d’inflation dans la zone euro. Ce qui pose un véritable souci à la BCE.

Certes, la gestion du cours de change dans l’euro n’entre pas dans son mandat. Pas plus que n’entraient d’ailleurs les politiques de soutien à l’activité pratiquée sans interruption depuis 2008…

Alors que l’inflation a atteint en juillet, sur une base annualisée, +8,9% dans la zone euro, peut-elle remonter ses taux pour compenser le différentiel de taux, qui s’est creusé avec les États-Unis et qui renforce l’attractivité du dollar pour les investisseurs au détriment de l’euro, au risque de précipiter une récession?

On entre dans un débat politique qui dépasse la simple politique monétaire.

Pour le hedge funds EDL Capital, «l’Europe est au bord de la catastrophe, ce qui pourrait conduire à son démantèlement. Elle n’a pas de ‘trésorerie commune’, et le coût de la cohésion de l’Europe est élevé», note -t-il dans une lettre à ses investisseurs. EDL Capital parie sur un euro à 0,80 dollar. Des attaques spéculatives contre la monnaie européenne ne sont pas à exclure. Les élections italiennes du 25 septembre pourraient lancer cette partie.

Les artisans et les ménages parmi les plus vulnérables

Que risque l’économie luxembourgeoise dans ce contexte?

Pour Max Rosen, junior economist à la Chambre de commerce, les effets sur les importations de ces fluctuations de change sont immédiats et se traduisent par une hausse des prix des produits et services importés hors zone euro.

Ils frappent d’abord les entreprises les plus importatrices qui sont confrontées à des coûts additionnels et à la problématique de la répercussion de ces hausses sur leurs clients. «Les grandes perdantes sont les petites entreprises qui ne sont pas exportatrices.» Principalement le secteur artisanal.

Les grandes entreprises mettent, elles, généralement en place des mécanismes de couverture pour atténuer les effets des fluctuations des devises. C’est le cas notamment dans le transport aérien.

Les autres grands perdants sont les ménages, dont le pouvoir d’achat s’érode. «Ce qui peut donner lieu à des revendications collectives ou individuelles pour des augmentations de salaire.» .

Mais un euro faible est bénéfique pour les exportations en rendant plus compétitifs les produits européens, dont la demande augmente. Malheureusement, «les effets sont toujours plus longs à se mettre en place».

Les effets positifs «immédiats» de la faiblesse de l’euro se font sentir principalement dans le .

Des opportunités pour la Place

Ils devraient également se faire sentir pour ce qui est des investissements étrangers, Max Rosen citant l’immobilier ou encore l’installation de structures de production. «Un euro faible leur offre des opportunités. La Place étant spécialisée, entre autres, dans la structuration de tels investissements à caractère international, il se pourrait qu’à travers cet effet, le Luxembourg puisse en partie profiter de ces investissements qui seront peut-être gérés via le Luxembourg.»

Les fluctuations des marchés de change ont, en règle générale, un impact limité sur les places financières, «notamment parce que tous les acteurs, normalement, se protègent contre ces risques de change. Ils gagnent même de l’argent en faisant des transactions sur les marchés de change internationaux.»

Le «vrai» risque pour la Place, ce serait un resserrement trop fort de la politique monétaire de la BCE. Une remontée des taux a un effet négatif sur les bourses, notamment sur les valorisations. Elle peut également dégrader le portefeuille de crédits hypothécaires des banques.