Florent Delorme pointe notamment le manque d’ambition en matière de transition écologique. (Photo: M&G Investments)

Florent Delorme pointe notamment le manque d’ambition en matière de transition écologique. (Photo: M&G Investments)

Que retenir du nouveau plan d’investissement annoncé par Joe Biden ce 31 mars? Florent Delorme, stratégiste chez M&G Investments, en tire quelques enseignements globaux.

Les chiffres ont de quoi donner le tournis. Après les 1.900 milliards annoncés pour relancer l’économie, l’administration Biden met 2.250 milliards sur huit ans de plus sur la table pour rénover les infrastructures. Et envisage 1.000 milliards d’aides supplémentaires pour aider les familles.

Un véritable pari keynésien, qui marque le retour de l’État fédéral dans le jeu économique.

Pour Florent Delorme, ce plan – qui doit maintenant être négocié avec le Congrès – est beaucoup plus qu’un plan d’infrastructures. Il s’intitule d’ailleurs officiellement «The American Jobs Plan». «Pensé dans le contexte d’une forte rivalité stratégique avec la Chine, il comprend un volet industriel important et comporte également un volet social significatif.»

Il est composé de quatre grands postes de dépenses.

Le premier, pour un montant de 620 milliards de dollars, porte sur les transports. «Il s’agit certes de rénover les infrastructures américaines après des années de sous-investissement (routes, ponts, transports en commun), mais aussi de développer le véhicule électrique, avec, par exemple, le quadrillage du territoire par des bornes de recharge.» Le second volet de ce plan porte sur l’amélioration des lieux de vie (eau, services internet haut débit, énergie renouvelable, efficacité énergétique…), pour un montant total de 650 milliards de dollars. Le troisième budget, à hauteur de 580 milliards de dollars, est tourné vers l’industrie américaine (semi-conducteurs, par exemple, recherche, transition énergétique, formation…). Et enfin, le quatrième axe de dépenses est constitué d’une enveloppe de 400 milliards de dollars, à destination des plus âgés et des plus vulnérables (logements, hôpitaux, écoles, crèches…).

Reprendre la main face à la Chine

Son financement sera assuré par une augmentation du taux d’imposition des entreprises, qui devrait passer de 21 à 28%, alors que le taux d’imposition minimal des activités à l’international passera de 13% à 21%.

Première conséquence sur le plan international de ce programme: la volonté de l’administration Biden d’arriver à la création d’un impôt minimum mondial sur les entreprises.

Deuxième conséquence: ce plan vise en partie à répondre aux ambitions chinoises. «Le volet industriel du plan est là pour tenter de reprendre l’avantage face à la dynamique chinoise.» Florent Delorme relève d’ailleurs le protectionnisme marqué du programme: «Les contrats devront aller à des entreprises américaines avec des travailleurs américains.»

On peut également noter le manque d’ambition en matière de transition écologique. On n’est pas encore face au Green New Deal promis par Biden. Florent Delorme parle d’«absence de créativité fiscale carbone. Là où l’Europe va financer son plan de relance par la taxe carbone, les États-Unis utilisent un outil fiscal plus classique.»

Autre question que suscite ce plan à long terme: celle de la hausse des dépenses publiques. «À ce stade, les marchés s’inquiètent peu de cette hausse, mais ne changeront-ils pas un jour de perspective à ce sujet?»

C’est la question qui pourrait bien faire l’actualité des marchés, une fois la crise Covid passée.