Roland Deinzer lors de la remise des prix au centre de formation de la CSL. (Photo: Nader Ghavami)

Roland Deinzer lors de la remise des prix au centre de formation de la CSL. (Photo: Nader Ghavami)

À l’occasion de la 24e «remise des prix» aux 40 meilleurs étudiants des sections économiques et sociales organisée par la CNPSES, Roland Deinzer, spécialiste de la question de l’impact de la digitalisation sur le marché du travail, a répondu aux questions de Paperjam.

La 24e «remise des prix» aux 40 meilleurs étudiants des sections économiques et sociales organisée par la Conférence nationale des professeurs de sciences économiques et sociales (CNPSES), la Chambre des salariés (CSL) et la Chambre de commerce avait lieu mercredi 10 juillet au centre de formation de la CSL à Bonnevoie.

Elle abordait comme thème la mutation du monde du travail due à l’impact de la digitalisation. Roland Deinzer, docteur en sciences économiques et responsable du développement des entreprises à l’Agence fédérale pour l’emploi allemande, était invité comme orateur principal en tant que spécialiste du sujet. Il a notamment confectionné un outil informatique, , qui permet d’évaluer la part du risque de robotisation de son métier. Il a répondu aux questions de Paperjam.

Quel est l’impact de la digitalisation sur le monde du travail?

Roland Deinzer. – «Une étude de Frey et Osborne évaluait qu’environ 47% des employés américains étaient confrontés à un risque élevé d’automatisation. Des études ont conclu à des résultats similaires pour l’Allemagne.

Mais une étude allemande de l’IAB (Institut für Arbeitsmarkt, l’observatoire du marché du travail allemand) considère quant à elle que les emplois contiennent tous des tâches que des ordinateurs ne peuvent pas effectuer. Par conséquent, le risque de disparition complète d’un emploi est faible.

Le risque de disparition complète d’un emploi est faible.
Roland Deinzer

Roland Deinzerdocteur en sciences économiquesAgence fédérale pour l’emploi

Cependant, les emplois existants changeront et de nouveaux émergeront. Selon l’IAB, les emplois dans la fabrication, moins nombreux à l’avenir, devront s’adapter davantage, tandis que ceux dans les services sociaux et culturels, notamment les emplois dans les sciences naturelles et l’IT, ont un risque très faible de substituabilité.

Considérez-vous la digitalisation comme une opportunité ou un sujet d’inquiétude?

«‘Always look on the bright side of life’, disaient les Monty Python. L’impact de la digitalisation sur le marché du travail reste modéré. Une projection montre qu’en Allemagne en 2030, il y aura 60.000 emplois industriels en moins que dans un scénario sans digitalisation: 490.000 emplois seront perdus dans le secteur de la fabrication, mais 430.000 nouveaux seront créés.

En outre, un processus d’adaptation a lieu en parallèle. Les employés s’occupent ainsi davantage d’activités difficiles à automatiser, tandis que les ordinateurs les assistent sur les tâches automatisables.

D’autres processus d’adaptation au niveau macroéconomique vont apparaître. Ainsi, malgré la baisse du prix des machines, il ne sera pas nécessairement mieux d’utiliser des machines plutôt que des travailleurs du point de vue du rapport coût/efficacité.

Et l’utilisation des nouvelles technologies implique un besoin toujours plus grand de travailleurs qualifiés aptes à se servir des nouvelles technologies.

Que conseillez-vous aux employés et aux employeurs, ainsi qu’aux acteurs de l’éducation, pour s’adapter à cette mutation?

«Avec le travail 4.0, une plus grande importance est accordée au principe de ‘lifelong learning’. Désormais, les connaissances acquises deviennent toujours plus vite obsolètes et, pour s’adapter aux innovations, l’enseignement et la formation s’effectuent à un rythme toujours plus élevé. Ce constat s’applique aussi bien aux nouveaux entrants sur le marché du travail qu’aux travailleurs âgés.

Dans l’économie digitale, en plus d’une capacité d’expertise pointue, une approche générale est essentielle.
Roland Deinzer

Roland Deinzerdocteur en sciences économiquesAgence fédérale pour l’emploi

Un des aspects centraux du monde du travail digital est qu’à la nécessité d’avoir des compétences spécialisées et techniques, s’ajoute en parallèle le besoin de compétences transversales. Ainsi, dans l’économie digitale, en plus d’une capacité d’expertise pointue, une approche générale est essentielle.

Cela doit donc être pris en compte à tous les niveaux du système éducatif, y compris l’école et la formation professionnelle. Les fondations doivent être posées dès l’école avec l’apprentissage de compétences dans les nouvelles technologies. Mais la responsabilité repose aussi sur les employeurs et les employés.

Que conseillez-vous aux jeunes gens qui vont devoir faire face à l’actuel marché de l’emploi?

«Tout d’abord, il y a un set de compétences essentielles pour tout le monde. Je l’appelle ‘digital literacy’. Il inclut la gestion et l’utilisation des outils numériques, la cybersécurité, la création de contenu numérique, les réseaux sociaux, la communication et la collaboration virtuelle.

Mais les qualifications elles-mêmes ne sont pas décisives. Le plus grand besoin concernera les tâches qui, même à l’avenir, seront impossibles ou très difficiles à remplacer, comme celles qui requièrent une réflexion complexe, basée sur l’intelligence sociale et la créativité. Actuellement, il paraît impossible de remplacer une compétence comme la capacité à résoudre un problème par l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies.

Donc toujours garder à l’esprit: ‘Qu’est-ce qui me rend unique? Lesquelles de mes compétences ne sont pas remplaçables?’ Si vous prenez bien en compte cela et que vous faites preuve de flexibilité, vous aurez de très belles opportunités sur le marché du travail.»