Les nouveaux modes d’organisation du travail, tel que le «hot desking», pourraient avoir un impact sur les investissements immobiliers à moyen terme. (Photo: Shutterstock)

Les nouveaux modes d’organisation du travail, tel que le «hot desking», pourraient avoir un impact sur les investissements immobiliers à moyen terme. (Photo: Shutterstock)

La crise sanitaire a évidemment un impact sur le secteur de l’immobilier professionnel. Mais il n’est pas du tout uniforme. Si le secteur bureaux résiste bien, les surfaces commerciales ont face à elles un avenir bien plus incertain.

L’impact de la crise  sanitaire sur le secteur de l’immobilier professionnel est réel et se constate  d’abord par la baisse du volume de transactions en matière de prise en occupation, introduit , expert immobilier. Et ce pour deux raisons principales: la difficulté de mener des visites et surtout la grande incertitude que ressentent les entreprises face à la situation sanitaire.

«Au moment où arrive l’échéance d’un bail, elles préfèrent prolonger pour une année plutôt que d’arrêter de grandes décisions, comme celle de déménager, que ce soit en louant un nouveau bien ou en l’acquérant.» Et elles sont aidées dans cet attentisme par les propriétaires qui, s’ils sont bien nantis – «et c’est souvent le cas ici» –, n’hésitent pas à procurer un peu de souplesse à leurs locataires. Cela a été particulièrement vrai dans le secteur du retail, où les bailleurs ont accepté d’accorder des gratuités, des diminutions de loyers ou encore d’entamer des renégociations de baux.

Pour le secteur des bureaux, on s’est montré plus chiche en limitant les largesses aux renégociations courtes des baux. «Toutes les transactions conclues ont été initiées avec l’arrivée du Covid», poursuit Pierre Joppart. Et si, pour certains, cela a été une opportunité de réduire la voilure, d’autres ont plutôt cherché à adapter leurs surfaces aux nouveaux modes de travail.

Le «hot desking», de limité à systématique

Le «hot desking» – une organisation où les membres du personnel n’ont pas de bureau assigné – est ainsi en train de s’imposer dans les organisations du pays, notamment les plus grandes. Si le «hot desking» est couramment pratiqué en France et en Belgique, il est marginal au Luxembourg, où il peinait à s’imposer. L’idée est de privilégier les espaces de travail partagés par rapport aux espaces de travail dédiés.

La tendance est en train de changer. «Cela se pratiquait déjà, mais on se limitait à jouer sur les congés et les agendas professionnels des uns et des autres. La pandémie a donné un aspect plus systématique à la démarche. Et a permis une accélération de cette mutation dans le cas de grandes entreprises», explique-t-on à Paperjam. De nombreux projets en ce sens sont déjà en route pour un déploiement en janvier et février. Un établissement financier a ainsi décidé d’augmenter à 30% la part du «hot desking».

Un tel basculement dans le mode d’organisation du travail est-il susceptible d’entraîner à terme une baisse de la demande en surfaces de bureaux? Pas obligatoirement. Les espaces ainsi libérés sont actuellement utilisés pour satisfaire les nouvelles normes de distanciation sociale entre salariés. «Une manière de faire passer cette nouvelle organisation. Cela marche pour le moment. Mais pour ancrer durablement cette transition, il faut un véritable accompagnement. Presque une aide psychologique, département par département.»

Pour le moment, les grandes entreprises gardent leurs surfaces et procèdent juste à des réaménagements. Et surtout, elles n’ont pas revu à la baisse leurs prévisions de croissance du personnel. C’est le cas notamment dans le secteur de l’audit. «Si les entreprises freinent leur expansion immobilière, elles continuent de recruter», dit-on. Pour ce qui est des petites et moyennes entreprises, il faudra surveiller les évolutions secteur par secteur.

Si le taux de vacance ne devrait donc pas augmenter, l’impact de ces réorganisations opérationnelles devrait se faire sentir dans les activités d’investissement et de développement de nouveaux projets.

Investisseurs en attente

Sur le marché de l’investissement, la tendance est à l’attentisme.

Les transactions initiées avant la crise sont toujours d’actualité, mais les choses vont moins vite. Les vendeurs préfèrent attendre plutôt que de brader, tandis que les acheteurs, qui ont toujours besoin d’acheter, poussent leurs analyses beaucoup plus loin qu’avant. «C’est moins un souci de fonds disponibles que de volonté de trouver le bon rendement.»

Pour ce qui est des projets, on constate une véritable inertie du côté des promoteurs. Par rapport au marché du résidentiel, «où ils sont surchargés à 200%», le marché de l’immobilier de bureaux nécessite une perspective plus longue. «Si impact il doit y avoir sur le marché de l’investissement, il ne se constatera pas avant un an ou deux. Tout ce qui a été initié cette année perdurera.»

Pour l’instant, il n’y a pas péril en la demeure. La demande des investisseurs est là, soutenue par le bas niveau des taux d’intérêt. «Ils doivent continuer à investir sur les marchés sains, et le Luxembourg présente de ce point de vue une bonne trajectoire.»

S’il est donc globalement optimiste concernant les perspectives du secteur de l’immobilier de bureaux, Pierre Joppart se dit pessimiste concernant celui de l’immobilier commercial. «Je m’attends à une hécatombe de faillites de magasins et de restaurants en janvier et février.»