Bruno Renders, directeur du Conseil de Développement économique de la construction et administrateur délégué de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment de NeoBuild. (Photo: Maison Moderne)

Bruno Renders, directeur du Conseil de Développement économique de la construction et administrateur délégué de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment de NeoBuild. (Photo: Maison Moderne)

L’économie est appelée à se verdir. Dans cette perspective, de nouveaux modèles économiques doivent être imaginés, en décloisonnant les secteurs d’activité autour d’une vision claire et durable. Le secteur du bâtiment jouera un rôle clé dans cette transition, en contribuant au développement de villes et quartiers résilients et de bâtiments intégrant des fonctions nobles.

Le secteur de la construction luxembourgeois est sans conteste un modèle d’intégration des enjeux environnementaux. Il y a une vingtaine d’années, au regard des évolutions de la réglementation européenne et nationale en matière d’efficacité énergétique, ses acteurs se sont en effet engagés proactivement dans une direction qui leur a permis de considérablement améliorer la qualité du bâti et son efficacité énergétique.

«Rapidement, le standard énergétique est passé de la classe D ou E à celui de la maison passive. Pourtant, pour beaucoup d’acteurs, cela paraissait inimaginable il y a encore quelques années», commente Bruno Renders, directeur du Conseil de Développement économique de la construction et administrateur délégué de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment de NeoBuild, le pôle d’innovation technologique de la construction durable du Luxembourg.

Mobiliser en regardant vers l’avenir

C’est en se fixant des objectifs ambitieux que le secteur est parvenu à mobiliser l’ensemble de ses acteurs pour accomplir une telle transformation verte. On peut évidemment se féliciter d’une telle performance, s’en satisfaire. Le secteur de la construction luxembourgeois, lui, choisit de regarder vers l’avenir et de voir plus loin.

On peut considérer les évolutions environnementales comme une contrainte imposée par le régulateur ou le marché, ou les envisager comme une opportunité, en faisant preuve de proactivité.
Bruno Renders

Bruno Rendersdirecteur du Conseil de Développement économique de la construction

«On peut considérer les évolutions environnementales comme une contrainte imposée par le régulateur ou le marché, ou les envisager comme une opportunité, en faisant preuve de proactivité», poursuit Bruno Renders. «Adopter la deuxième attitude doit nous permettre d’aller de l’avant et de disposer d’un avantage compétitif sur d’autres acteurs qui, à un moment ou un autre, seront contraints de s’inscrire dans une transition environnementale.»

Vers une ville et des quartiers résilients

La construction, en outre, est appelée à jouer un rôle central dans l’émergence d’une société plus respectueuse de l’environnement et des ressources naturelles. «On parle souvent de ville intelligente. Je lui préfère le concept de ville résiliente qui, au-delà des aspects technologiques, va englober les enjeux d’approvisionnement, la gestion de l’énergie, du bien-être et de la santé», poursuit Bruno Renders. «Dans cette perspective, les bâtiments sont appelés à jouer un rôle actif au cœur de cette ville en intégrant des fonctions nobles. À l’échelle d’un bâtiment ou d’un quartier, on peut envisager des moyens de produire, stocker et distribuer de l’énergie. Un immeuble peut contribuer à dépolluer l’air. Il peut aussi intégrer une unité de potabilisation de l’eau, permettant de revaloriser localement cette ressource essentielle et de la préserver. Avec l’urban farming, on peut aussi envisager des installations de production alimentaire en toiture, par exemple.»

De la culture en toiture

C’est la ville de demain que nous décrit le dirigeant de NeoBuild, par ailleurs coauteur de la stratégie nationale d’urban farming dont s’est doté le gouvernement. «La technologie nous permet aujourd’hui d’envisager très concrètement beaucoup de choses. La toiture d’un immeuble et d’autres espaces inexploités peuvent être mis à profit pour produire des légumes, mais aussi des herbes pharmacologiques ou destinées à être transformées en matériaux biosourcés, des algues. L’installation de cultures en toiture, par exemple, contribue à thermoréguler le bâtiment et à récupérer le CO2 pour le transformer en oxygène.»

Nouveaux modèles

L’émergence de la ville résiliente s’inscrit dans un mouvement de décentralisation. La gestion des ressources doit être envisagée à l’échelle des quartiers, dans une logique de circularité. «Il faut voir le quartier comme une plateforme technologique durable, qui contribue au développement d’un écosystème dynamique et vertueux», ajoute Bruno Renders. «Cela va conduire à l’émergence de nouveaux business qu’il nous faut aujourd’hui identifier, notamment en décloisonnant les secteurs. Il faut, par exemple, que l’immobilier puisse discuter avec le monde agricole ou encore avec les acteurs de l’énergie. La finance aussi aura un rôle clé à jouer pour investir dans ces activités vertes. À ce titre, le Luxembourg, en mettant en œuvre la première bourse mondiale verte, le Luxembourg Green Exchange, montre la voie.»

Considérer d’autres indicateurs que le prix

Les autorités européennes, par ailleurs, se sont engagées dans cette direction. Les investissements envisagés, comme les réglementations aujourd’hui discutées, doivent contribuer à l’émergence d’une économie plus verte. Un des défis, pour les années à venir, sera notamment de faire évoluer les modèles pour favoriser des productions locales, plus respectueuses des ressources naturelles et de l’environnement.

Aujourd’hui, s’il apparaît plus intéressant de faire venir une tomate d’Espagne, par camion, c’est parce que son prix constitue l’unique indicateur qui entre en ligne de compte.
Bruno Renders

Bruno Rendersdirecteur du Conseil de Développement économique de la construction

«Aujourd’hui, s’il apparaît plus intéressant de faire venir une tomate d’Espagne, par camion, c’est parce que son prix constitue l’unique indicateur qui entre en ligne de compte», commente Bruno Renders. «Si, à l’avenir, d’autres indicateurs sont pris en considération à côté des enjeux financiers, comme le bilan carbone par exemple, il est possible que la tomate cultivée au cœur même du quartier et revendue dans l’épicerie locale soit compétitive.»

Nouveaux services associés à la propriété

Pour Bruno Renders, afin de verdir l’économie, il faut idéalement privilégier des logiques incitatives plutôt que contraignantes. «Si un promoteur met en œuvre une unité de dépollution de l’eau à l’échelle d’un quartier, sa contribution doit pouvoir être valorisée dans la durée», poursuit-il. Au cœur de ces quartiers, par ailleurs, il est intéressant d’envisager le développement de services partagés.

«La mise en œuvre d’un réseau de chaleur commun, alimenté en carburant de synthèse produit au départ du CO2 récupéré, pourrait demain remplacer les chaudières individuelles. Pourquoi ne pourrait-on pas imaginer de mettre en œuvre un réseau wifi public de qualité plutôt que de laisser chacun se doter d’une box internet individuelle et d’un amplificateur? On s’inscrit davantage dans une logique de services en repensant les divers usages associés à la propriété de chacun.»

Développer une approche coordonnée

Développer de nouveaux modèles économiques plus verts implique de se doter d’une vision claire autour de convictions fortes. L’État luxembourgeois a un rôle de coordination important à jouer pour permettre aux divers acteurs d’avancer dans la bonne direction. «On peut se féliciter de l’engagement de l’actuel gouvernement, dont les trois composantes politiques correspondent justement aux trois piliers du développement durable, le social, l’économique et l’environnement. Ces partenaires, en parvenant à se parler dans une démarche constructive, ont aujourd’hui à cœur de démontrer que cela est possible», conclut Bruno Renders.