«C'est un peu le chat qui se mord la queue!» Pour le secrétaire général du Groupement des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, Pol Faber, les 31 millions de mètres cubes censés être disponibles pour évacuer les déchets de construction dans de bonnes conditions n’existent pas vraiment.
«Pour l'instant, tout ce qui est disponible, on l'utilise. Il y a des décharges, comme avec l'agrandissement de la décharge de Colmar-Berg, pour le nord et le centre du pays, pour lesquelles ça va. Mais ça durera deux ans et ça se terminera aussi. Il nous faut, surtout dans le sud du pays, plus de volumes.»
Du coup, ajoute-t-il, «heureusement qu’il y a encore la possibilité d’aller en France. On ne peut plus aller en Belgique avec des déchets inertes, qui sont confrontés aux mêmes problématiques, et en Allemagne, c’est sur le point de fermer aussi.» C’est donc 20% à 30% de la production nationale qui quitte le pays. Avec le souci, né d’une directive européenne, que la terre devient un déchet inerte à partir du moment où elle est chargée dans un camion.
«Sans compter que les décharges françaises sont petites, par rapport à des endroits comme Colmar-Berg ou Sanem, qui tournaient à 10.000 ou 15.000 tonnes par jour!»
Pour le secrétaire général du groupement, les 31 millions de mètres cubes disponibles, «ce n'est pas la réalité. Il faut d'abord sortir la matière première qui se trouve dans la carrière avant de pouvoir mettre des déchets inertes, et c'est la grande problématique. Il y a des potentialités de 31 millions, mais sur 20 ans ou 30 ans. C'est complètement irréaliste de dire qu'ils sont disponibles. Sinon il n'y aurait pas temps de déchets qui finiraient à l'étranger!»
Au total, explique-t-il, les entrepreneurs luxembourgeois ont besoin de 8 à 10 millions de tonnes par an, un chiffre plus ou moins stable sur 10 ans, selon les chantiers. Ils paient 7 euros à 7,50 euros la tonne pour les emmener sur une décharge, avec un bilan carbone désastreux quand il s’agit de faire deux voyages par jour de 70 à 80 kilomètres…
«Ce que je ne comprends pas, c'est que les écologistes contrôlent les Travaux publics, les Bâtiments publics, le Logement ou la Ville, où l'on parle de l’hôpital, un chantier énorme. D'un côté, ils disent qu’il faut faire quelque chose, mais, d’un autre, ils ne proposent pas de solution sur place. Nous, le secteur de la construction, on est complètement disposé à travailler avec eux. Une décharge qui se fait, ce n’est pas l’État qui s'en occupe, c’est le secteur privé qui s’en occupe, même si nous avons des contacts avec les fonctionnaires, ce n’est pas le problème. Je suis moi-même en contact permanent avec des fermiers pour acheter ou échanger leurs terrains, parce que l'on parle de quelques dizaines d'hectares, environ 40 hectares. Dans un premier temps, il faut avoir la terre pour pouvoir faire quelque chose. Ce sont des négociations très pénibles et très longues.»
Autre problématique, moins souvent évoquée, celle «du schiste bitumineux qui se trouve dans le sud. C'est un produit naturel. À partir du moment où il arrive à l’air libre, il se transforme. Dans le pire des cas, il peut prendre feu. Ça n'arrive pas. Mais l’Administration de l’environnement nous dit clairement dans les autorisations que tout ce qui est schiste bitumineux doit arriver sur une décharge où le sous-sol est aussi du schiste bitumineux. Donc avec du schiste de ce type, vous ne pouvez pas aller à Colmar-Berg ou dans le nord du pays. Il doit rester dans le sud. Il n’y a qu’une seule grande décharge qui doit être libérée, c'est celle de Sanem, un trou énorme, une ancienne décharge de l’Arbed-Arcelor. Il est clair qu’avec cette décharge – on est en train de négocier avec les Communes et Arcelor et on a le soutien des ministères –, on aurait une solution. Pour le reste, on répare des petits trous, il n'y a pas de vision ni de solution à long terme. Ça s’explique par le fait qu’un entrepreneur qui peut faire un voyage avec son camion le matin et un l’après-midi, ce n’est pas rentable. Il cherche une autre solution.»