Fabian Gillet et Mike Lahr font aussi face à des problèmes de recrutement.  (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Fabian Gillet et Mike Lahr font aussi face à des problèmes de recrutement.  (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Vigicore a soufflé ses 20 bougies cette année. Ce Petit Poucet de la surveillance au Luxembourg entend se distinguer des grands par un ancrage local. De son berceau arlonais, la firme s’est étendue vers le Grand-Duché et couvre également le sud de la Wallonie.

Vigicore a débuté ses activités en 2003 en Belgique puis en 2007 au Luxembourg. Qu’est-ce qui vous a attirés sur ce marché?

Fabian Gillet (F. G.). – «Nous observions une demande de nos clients belges qui étaient aussi présents au Luxembourg. Mike (Lahr, directeur associé, ndlr) connaissait le Luxembourg et nous avons réalisé qu’il y avait à l’époque peu d’acteurs. C’était un développement logique.

Les exigences sont-elles différentes entre ces deux marchés?

F. G. – «La Belgique et le Luxembourg ont deux cultures différentes. Nous n’approchons pas le marché de la même façon de part et d’autre de la frontière. Mais dans les deux cas, il faut une connaissance approfondie du territoire et de la problématique sécuritaire.

Mike Lahr (M. L.) – «La Belgique est un petit peu en avance sur le Luxembourg au niveau réglementaire car elle a renforcé sa législation à la fin des années 1990.»

Au niveau réglementaire, comment ça se passe?

F. G. – «Notre profession est régie par le ministère de la Justice au Luxembourg et celui de l’Intérieur en Belgique. La loi sur le gardiennage et la sécurité privée pose des conditions strictes pour l’exercice de notre métier au Grand-Duché. Par exemple, nous n’avons pas le droit de travailler sur la voie publique, sauf dans un cadre précis et sous certaines conditions. Nous travaillons en parfaite adéquation avec les autorités et la police, nous sommes en quelque sorte leurs yeux et devons les informer de ce qu’il se passe. Le Luxembourg prépare une nouvelle évolution législative qui a tendance à se calquer sur la Belgique, il est question d’y mettre en place un système d’accès à la profession avec un schéma réglementaire. Il faut professionnaliser le secteur et que nos ressources soient formées.»

M.L. – «Nous anticipons l’évolution à venir. Depuis trois ans, nous cotisons annuellement un pourcentage de notre masse salariale au STIC (Security Industry Training Center, lancé par la Fedil en 2020, ndlr) pour alimenter un fonds. Son objectif est de nous permettre de former tous les agents de sécurité.»

Combien de temps nécessite la formation d’un agent?

F. G. – «Au Luxembourg, la formation s’étale sur cinq jours ouvrables: trois pour la formation M1 et deux pour le secourisme. En Belgique, elle dure deux mois et demi et en France un mois.»

Mais avec des temps de formation diamétralement opposés d’un bout à l’autre de la Grande Région, j’imagine que cela crée des difficultés…

F. G. – «Le Luxembourg est très strict dans les conditions d’accès et d’autorisation. En revanche, nous plaidons pour une amélioration de la qualité de la formation.»

Nous sommes en quelque sorte les yeux de la police.
 Fabian Gillet

 Fabian Gilletdirecteur généralGroupe Vigicore

Vous qui avez un pied de chaque côté de la frontière, est-ce plus facile de travailler en Belgique ou au Luxembourg?

F. G. – «C’est tout à fait différent. Du côté belge, nous travaillons dans un schéma où une certaine habitude de fonctionnement existe. Du côté luxembourgeois, il y a des spécificités propres et cette volonté de faire évoluer le cadre réglementaire.»  

M. L. – «Le recrutement est un petit peu plus facile à réaliser au Luxembourg qu’en Belgique, mais je pense que cela est propre à de nombreuses sociétés ayant un siège à 5km de la frontière.»

F. G. – «Toutes les entreprises de sécurité ont un problème de recrutement. Heureusement, le Luxembourg bénéficie du vivier de ressources venues de France et de Belgique principalement. Les frontaliers allemands sont très peu nombreux.»

Quelle est la part de travailleurs frontaliers dans votre équipe?

M. L. – «Disons que le taux de résidents s’écrit à un chiffre.»

Quelles sont vos priorités au Luxembourg?

F. G. – «Nous sommes demandeurs d’avoir des formations de qualité avec un cursus complet. Il est plus facile par la suite d’avoir sur le terrain des ressources qui sont mieux formées. Notre philosophie, c’est de sélectionner des recrues qui ont déjà un certain cursus, par exemple qui ont travaillé dans l’armée ou la police et qui ont déjà cette rigueur et cette éthique que nous recherchons. Nous vendons un service, et donc, notre image de marque est en jeu.»

Le métier évolue aussi, me semble-t-il…

F. G. – «Oui, le visage de l’agent de sécurité a changé. Aujourd’hui, il est important d’avoir des agents qui ont une approche de proximité et d’humanité. Et plus ils sont polis, humains et avenants, plus nous avançons. Il faut sortir du cliché du gros bras. Nous constatons aussi une mixité croissante de nos profils avec davantage de personnel féminin.»

Combien de femmes employez-vous?

F. G. – «Les femmes représentent 10 à 15% de l’effectif total du Belux, qui s’élève à 325 personnes. Toutefois, elles restent moins nombreuses au Luxembourg, avec 8% environ sur 225 personnes. Les femmes apportent une valeur ajoutée importante au niveau de la culture et du volet humain. Elles sont plus pointues dans la gestion administrative et ont une approche plus prononcée de l’accueil.»

Nous ne commencerons pas à jouer aux cow-boys dans la rue.
Fabian Gillet

Fabian Gilletdirecteur généralGroupe Vigicore

Parmi vos clients figure la Ville de Luxembourg, qui fait appel à vos patrouilles pour assurer la sécurité dans certains quartiers. Comment se passe cette mission médiatisée et comment faire pour ne pas marcher sur les plates-bandes de la police?

F. G. – «Ce dossier est sensible car tout le monde n’y est pas favorable et cela a suscité beaucoup de débats. Concernant Vigicore, je dirais que nous n’allons pas suppléer la police. Nous sommes là pour protéger des biens précis et donner un sentiment supplémentaire de sécurité, mais en aucun cas nos agents ne s’immiscent dans la fonction publique. Nous sommes en quelque sorte des caméras sur pieds: nous constatons des faits et appelons la police. Avec cette mission, Luxembourg a osé faire quelque chose qui n’est pas nouveau dans les pays anglo-saxons, où les agents de sécurité ont davantage de missions de cet ordre. Dans les années à venir, je crois que les sociétés de gardiennage se verront confier davantage de missions car la police se concentrera sur des tâches précises. Mais le fait est que nous ne remplacerons jamais les policiers. Nous ne serons jamais armés et ne commencerons pas à jouer aux cow-boys dans la rue.»

Le Luxembourg compte environ une vingtaine de sociétés de surveillance et de gardiennage. Comment se distinguer de la concurrence?

F. G. – «Par la valeur ajoutée. Les grands groupes ont une certaine puissance, mais nous ne voulons pas entrer dans la course aux chiffres. Nous apportons une sécurité de proximité, beaucoup plus humaine et avec une approche différenciée. C’est en comprenant les besoins et enjeux des clients que l’on peut construire une relation de partenariat. Agilité, souplesse et rapidité nous caractérisent. Nous n’avons pas l’ambition de devenir un acteur européen, mais de rester principalement sur la Wallonie et le Grand-Duché.»

Parmi les évolutions de la profession figurent les nouvelles technologies. Quel rapport entretenez-vous face à ces outils?

F. G. – «Ce sont des moyens supplémentaires d’aide à l’agent. Il peut s’agir de drones pour la surveillance, mais aussi d’applications métiers spécifiques pour rendre compte en temps réel de toutes les actions faites par l’agent. Nous sentons une évolution marquée au niveau des caméras de vidéosurveillance et, dans quelque temps, la reconnaissance faciale et l’IA entreront en jeu. Nous considérons la technologie comme étant au service de l’humain.»

Quel est votre principal défi pour les années à venir?

F. G. – «La gestion des ressources humaines au sein de l’entreprise, car il faut trouver les bons profils et les garder.

M. L. – «Nous sommes dans un secteur qui ne travaille pas aux horaires de bureau, le métier comporte une certaine pénibilité.

F. G. – «Le second défi, c’est l’adaptation aux changements technologiques dans la sécurité. Il faudra, à l’avenir, créer des départements spécifiques pour se spécialiser dans certains domaines.»

Fabian Gillet

Né à Arlon en 1977, Fabian Gillet a rencontré Mike Lahr en fréquentant les mêmes salles de sport que lui. Féru d’arts martiaux, le Belge entre ensuite dans la sécurité. Il se forme en management, en marketing ainsi qu’en différentes qualifications liées à la sécurité. En 2003, il lance Vigicore en Belgique puis au Grand-Duché avec son comparse luxembourgeois. Aujourd’hui, il dirige Vigicore des deux côtés de la frontière ainsi que l’entreprise arlonaise Secore, spécialisée dans la sécurité événementielle.

Mike Lahr

Né en 1974, Mike Lahr grandit à Perlé. Dès la vingtaine, il entre dans la sécurité. De portier de discothèque à agent de sécurité en passant par responsable de site, le Luxembourgeois enchaîne les missions. Il veille à la protection rapprochée de célébrités à l’étranger comme Naomi Campbell, Cate Blanchett, mais aussi Roger Federer et Jenson Button. Il est par exemple mobilisé au Festival de Cannes sept ans de suite. Roland-Garros et plusieurs Grands Prix de F1 complètent son parcours.

 Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de , paru le 12 décembre 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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