À 25 ans, Félix Giorgetti incarne la quatrième génération de l’entreprise familiale. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

À 25 ans, Félix Giorgetti incarne la quatrième génération de l’entreprise familiale. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

La Banque de Luxembourg a durant le confinement pour comprendre son vécu de la crise, mais aussi ce qu’elle espère pour le monde de demain. Tout au long de la semaine, Paperjam donne la parole à ces jeunes qui évoluent dans un contexte où entreprise et famille ne font qu’un. Témoignage aujourd’hui de Félix Giorgetti, qui incarne la quatrième génération de l’entreprise éponyme de construction créée en 1937 par Eustache Giorgetti.

Félix Giorgetti, c’est le nom de la société de construction luxembourgeoise active dans les travaux routiers et le génie civil basée à Luxembourg-ville. Mais c’est aussi le nom du petit-fils du fondateur de l’entreprise, âgé aujourd’hui de 25 ans. Son père et son oncle, Marc et Paul Giorgetti, sont actuellement aux commandes du groupe aux 500 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 500 salariés, voire 1.700 en comptant ses filiales. Il partage avec nous son ressenti de la crise du coronavirus.

Que retenez-vous, en trois mots, du confinement?

Félix Giorgetti. – «Un temps d’incertitude qui a exigé de la flexibilité, de la solidarité et une habileté pour faire face à la crise.

Qu’est-ce que la crise a changé en vous?

«Cette crise a eu un grand impact sur ma façon de penser et de fixer mes priorités quotidiennes. En travaillant au quotidien, on se laisse rapidement emparer par les affaires courantes. Le fait d’avoir été mis en quarantaine m’a donné le temps de réfléchir, de revenir sur certains points de vue et d’évaluer ma façon de travailler. J’ai compris qu’il était important d’optimiser le processus et l’organisation dans une entreprise. De plus, j’ai remarqué combien il est important de donner confiance aux salariés. Se fixer des objectifs clairs et persister à les atteindre, avoir une vision de l’avenir, impliquer les salariés et collaborateurs dans le déroulement des affaires et les motiver à participer activement, c’est la clé de voûte du succès d’une entreprise. Comme je n’ai intégré l’entreprise familiale que depuis récemment, je me suis rendu compte qu’il me reste encore énormément à apprendre. C’est dans les moments difficiles qu’il faut grandir et se comporter comme un dirigeant capable de prendre des décisions. Il est important d’avoir une approche prospective et d’être ouvert d’esprit.

Le fait d’avoir été mis en quarantaine m’a donné le temps de réfléchir, de revenir sur certains points de vue et d’évaluer ma façon de travailler.
Félix Giorgetti

Félix Giorgetti

La communication a-t-elle été «facilitée» grâce à la crise qui a réuni les différentes générations autour de la table? «Il est vrai que pendant les semaines de confinement strict, la famille s’est rapprochée et a passé plus de temps ensemble. Comme au début de l’état de crise, il ne fallait pas se déplacer et donc pas se réunir, d’autres moyens de communication ont été recherchés.

La communication a pris différentes formes: au début il n’y avait que des ‘conference calls’ et des visioconférences. Par la suite ont eu lieu des réunions avec un nombre restreint de personnes, toujours dans le strict respect des règles Covid adoptées par le gouvernement. Il m’importe cependant de relever que les échanges d’informations, formelles ou informelles, avec les salariés et collaborateurs de l’entreprise sont essentiels pour assurer le bon déroulement des opérations. Je dirais même que la communication est l’un des facteurs les plus cruciaux pour le succès d’une entreprise.

Des projets ont-ils été accélérés par rapport à la crise?

«Ce qui a été accéléré par la crise, comme pour beaucoup d’autres, c’est notre projet de digitalisation. La mise en place de nouvelles plateformes de communication et de collaboration. Dans l’ensemble, nous avons pu poursuivre la plupart des projets comme prévu. De plus, une des forces de notre entreprise est la rapidité du processus décisionnel. Si les ressources doivent être attribuées différemment, cela peut être fait très facilement.

Qu’est-ce qui vous permet de continuer à croire en l’entreprise?

«Nos employés et leur confiance en notre entreprise sont certainement un facteur déterminant. Il s’agit d’une grande responsabilité que vous avez envers eux et leurs familles et il faut s’assurer d’avoir le carnet plein pour pouvoir garder tous nos salariés. On est conscient que la crise entraînera des effets non négligeables sur le commerce et le pouvoir d’achat des ménages.

Néanmoins, notre entreprise est flexible et peut s’adapter à ces changements. L’année 2020 nous le montre particulièrement avec toutes les difficultés que nous avons déjà eues à surmonter avant l’état de crise, notamment une cyberattaque qui a bloqué toute notre entreprise en janvier et qui a coûté énormément en temps et en argent. L’état de crise et, par la suite, le développement de la pandémie ont également un impact important sur nos activités. Grâce aux investissements qui ont été continuellement entrepris et à la mise en place de réserves financières, notre entreprise est en mesure de faire face aux événements dramatiques, ce qui laisse espérer que nous serons encore longtemps un acteur majeur dans le domaine de la construction.

Nous avons par ailleurs de nombreux projets et objectifs à atteindre pour l’avenir et notre entreprise fera tout pour y parvenir.

Ce monde composé de crises et d’incertitude va faire partie de votre quotidien... Comment appréhendez-vous cela?

«Notre entreprise est bien positionnée par sa gestion prudente et mise en réserve de moyens financiers, de sorte que je suis optimiste sur le fait que nous allons maîtriser cette crise, qui ne risque pas de disparaître de sitôt.

Il faut s’habituer à vivre différemment et être en attente, surtout par rapport à l’évolution de la pandémie. Elle affecte le monde entier et entraîne des répercussions non négligeables sur le marché international, effets négatifs qui vont également affecter le Luxembourg. Il faut donc rester extrêmement prudent et anticiper en évaluant les risques encourus pour les investissements qu’on entend réaliser. Néanmoins, je suis généralement très optimiste et je suis confiant que l’économie va bientôt redémarrer, si tous les efforts sont faits pour maîtriser les effets de la pandémie et si les gens respectent les règles édictées pour qu’elle ne se propage pas.

Le Luxembourg a bien géré la crise en mettant la population en confiance, notamment par la rapidité de la mise en service d’hôpitaux d’urgence et par la distribution d’aides permettant aux entreprises en difficulté de survivre et de maintenir les emplois.

Le Luxembourg est un petit pays qui a su tirer avantage de son esprit d’innovation et de sa grande flexibilité pour se développer à grande échelle. J’espère que notre gouvernement actuel continue dans cette voie et on saura grandir de cette crise et en tirer les leçons qui s’imposent.

Quel message voudriez-vous envoyer aux responsables publics?

«Il est important de soutenir les entreprises, qui sont le moteur de notre société. La fermeture des entreprises et des commerces dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques a été très préjudiciable pour notre économie, mais je suppose que c’était dans un premier stade une mesure nécessaire. À l’avenir, il faut cependant garder à l’esprit et ne pas perdre de vue les conséquences à long terme que risque d’engendrer la pandémie. Il faut prendre des mesures qui doivent être proportionnées et adaptées aux circonstances.»

Ce vendredi, retrouvez le dernier volet de cette série estivale avec Christophe Glaesener de la société Glaesener-Betz.