«Renforcer de manière structurelle la résilience des entreprises face à tous les chocs à venir» est un des trois éléments-clés qui doivent figurer dans un plan de relance, estime Carlo Thelen.  (Photo: Matic Zorman / archives Paperjam)

«Renforcer de manière structurelle la résilience des entreprises face à tous les chocs à venir» est un des trois éléments-clés qui doivent figurer dans un plan de relance, estime Carlo Thelen.  (Photo: Matic Zorman / archives Paperjam)

À l’heure du déconfinement, le directeur général de la Chambre de commerce demande à l’État des aides non remboursables pour les entreprises qui vont continuer à souffrir des effets du coronavirus. Les faillites guettent. Le besoin d’un plan de relance se fait sentir.

Le Luxembourg fait partie des bons exemples à l’international quant à la gestion de la crise sanitaire, mais le plus dur serait à venir sur le plan socio-économique. Après le qui fut salué de toutes parts lors du confinement, l’évolution de la situation «nécessite une action publique forte, ambitieuse et audacieuse», indique  dans de déconfinement et que Paperjam a pu consulter en primeur.

«Malgré les incertitudes et interrogations par rapport aux retombées finales de cette crise, il faut agir de manière proactive, anticiper les effets de la crise sur les acteurs économiques en implémentant des mesures d’aides efficaces et rapides et préparer l’après-crise avec un plan de relance ambitieux», appuie le directeur général de la Chambre de commerce.

Car ne signifie pas pour autant le retour à la pleine activité, loin s’en faut. «Il faut s’assurer que tous ces femmes et hommes dirigeants et entrepreneurs puissent survivre et traverser la crise socio-économique actuelle qui risque de durer encore plusieurs mois», prévient Carlo Thelen. «Il faut donc sauver au maximum la substance économique créée par ces femmes et hommes, pour disposer d’un socle solide à partir duquel ils pourront puissamment contribuer à la relance de l’économie.»

«Une aide directe non remboursable»

Toutes les projections économiques . L’État est donc sollicité par les instances patronales pour ficeler un «nouveau paquet global» en faveur des entreprises.

Pour Carlo Thelen, ce «paquet global» sera notamment orienté vers les secteurs les plus touchés (commerce, tourisme) qui restent fermés pour l’instant (horeca) ou qui ne peuvent exercer de facto (événementiel). Il comporterait la prolongation de la flexibilité en matière de chômage partiel, que la Confédération luxembourgeoise du commerce, la Fédération des artisans et l’Horesca : «Elle permet aux entreprises de conserver un lien avec leurs salariés tout en délestant nos entreprises de leurs coûts salariaux durant la période de crise», précise Carlo Thelen. «En outre, ce soutien au pouvoir d’achat des ménages profite indirectement aux entreprises demeurant en activité.»

La faillite d’une de ces entreprises serait non seulement dramatique en termes économique et social, mais risquerait également de déclencher une spirale négative par la suite.»
Carlo Thelen

Carlo ThelenDirecteur généralChambre de commerce

Le paquet comprendrait aussi «une aide directe non remboursable pour ces entreprises qui, sous une optique groupe, comptent entre 20 et 250 salariés». L’aide serait calculée en fonction du nombre de salariés qui réintègrent leur poste de travail, couvrant à la fois les cotisations patronales ainsi qu’une partie des frais fixes. Permettre aux entreprises de faire revenir leurs salariés au travail soulagerait le coût pour l’État du chômage partiel, estimé à 1 milliard d’euros.

«Sans un tel subside direct, les sociétés concernées risquent d’arrêter définitivement l’activité, totalement ou pour plusieurs entités appartenant au groupe, avec des conséquences négatives sur l’emploi et la substance socio-économique du pays», prévient Carlo Thelen. «La faillite d’une de ces entreprises serait non seulement dramatique en termes économique et social, mais risquerait également de déclencher une spirale négative par la suite.»

La perspective des faillites au bout du fil

L’enjeu est donc de sauvegarder la substance économique constituée par les PME, au cœur de l’économie du pays. Après avoir réagi rapidement via le programme de stabilisation , un soutien ciblé et renouvelé est donc demandé à l’État.

D’autant que certaines entreprises sont, jusqu’ici, passées à travers tous les filets de sauvetage. «Il y a une différence importante entre le nombre d’aides demandées et accordées par le ministère», observe Carlo Thelen. «Cet écart découle des critères d’éligibilité restrictifs, en raison notamment du critère de l’optique groupe qui élimine de nombreuses petites entreprises du bénéfice d’une aide non remboursable, par exemple les petites structures commerciales appartenant à un groupe de sociétés qui dépasse respectivement 10 ou 20 salariés, en fonction du type d’aide.»

Le dashboard publié par le ministère de l’Économie retraçant l’évolution des aides accordées par l’État montre que le nombre d’aides non remboursables destinées aux petites entreprises et aux indépendants reste largement inférieur à ce qui avait été prévu et budgété par le gouvernement, précise Carlo Thelen. Ministère de l’Économie

Le dashboard publié par le ministère de l’Économie retraçant l’évolution des aides accordées par l’État montre que le nombre d’aides non remboursables destinées aux petites entreprises et aux indépendants reste largement inférieur à ce qui avait été prévu et budgété par le gouvernement, précise Carlo Thelen. Ministère de l’Économie

Les boutiques rouvertes ce lundi, (avec une baisse de productivité et une augmentation des coûts pronostiqués en raison des nouvelles mesures sanitaires), les petites structures ne sont pas les seules en danger.

«De nombreuses entreprises de taille plus importante sollicitent la helpline de la House of Entrepreneurship de la Chambre de commerce pour obtenir des informations concernant la procédure des faillites», explique Carlo Thelen. «Elles envisagent l’arrêt définitif de leur aventure entrepreneuriale, plutôt que de continuer à s’endetter personnellement sans savoir si leur business plan pourra restaurer à terme leur profitabilité. D’autres entreprises se sont réorganisées pour garder un contact avec leur clientèle, mais travaillent avec une productivité largement réduite, voire à perte.»

«(Re)positionner au mieux le Luxembourg»

Outre les aides immédiates et qui seront nécessaires durant la crise, l’esquisse d’un plan de relance ambitieux apparaît. «Divers acteurs économiques, dont la Chambre de commerce, travaillent dès à présent aux plans de relance et préparent activement l’après-crise. Ils se concertent avec les entreprises et le gouvernement dans une véritable démarche de solidarité collective et d’unité nationale», résume Carlo Thelen. «Pour réussir, les entreprises doivent évoluer dans un environnement probusiness, attractif et compétitif, d’autant plus que le Luxembourg restera en tout état de cause caractérisé par son ouverture extrême sur le reste du monde et par une place financière internationale dont la réussite en termes de développement et de diversification est intimement liée à celle du modèle socio-économique du pays.»

Un programme «de relance et de résilience», fruit d’un véritable consensus national «rappelant les meilleures heures de la tripartite» qui comporterait au moins trois composantes:

- investir massivement dans l’avenir, avec des infrastructures (notamment de santé) performantes et une recherche à la pointe. «Le Luxembourg doit être prêt à accueillir de nouvelles industries à forte composante de RDI et à la pointe des progrès technologiques et environnementaux», mentionne Carlo Thelen.

- fixer le cap en matière de finances publiques afin de recréer des marges budgétaires, dans un véritable esprit de politique budgétaire anticyclique.

- renforcer de manière structurelle la résilience des entreprises face à tous les chocs à venir. «En veillant à leur compétitivité au sens large du terme, à un environnement des affaires favorable à l’innovation. Un tel écosystème est essentiel pour une petite économie très ouverte, apte à sensibiliser et à motiver les jeunes à l’entrepreneuriat et à attirer les talents et les investisseurs dont elle a besoin.» La fiscalité «performante» ne serait pas le moindre de ces aspects, qui sont autant de conditions sine qua non pour que l’État social généreux puisse perdurer.

«L’impact du Covid-19 va nous obliger à faire preuve de beaucoup d’imagination, d’audace et de courage pour faire dès à présent des choix intelligents, ambitieux et inédits, alors que l’avenir est plus incertain que jamais», conclut Calo Thelen.

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