La Chambre de commerce évoque une réforme du système des pensions qui ne toucherait pas à l’âge de départ à la retraite ni aux annuités.  (Photo: Shutterstock)

La Chambre de commerce évoque une réforme du système des pensions qui ne toucherait pas à l’âge de départ à la retraite ni aux annuités.  (Photo: Shutterstock)

Réformer le système de pension luxembourgeois, voilà une mesure impopulaire et globalement absente actuellement du débat électoral, mais qui sera un impératif pour le prochain gouvernement, selon la Chambre de commerce. Cette dernière a une idée très précise sur la réforme à adopter.

«On peut prendre n’importe quel indicateur, on trouvera toujours que le système de pension luxembourgeois offre une répartition qui favorise les pensionnés par rapport aux actifs, mais aussi qu’il est supérieur à ce qu’on retrouve dans les autres pays.»

Jean-Baptiste Nivet, économiste à la Chambre de commerce, n’y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu’il évoque le système de pension luxembourgeois. Mais il ne se contente pas d’envoyer cette punchline. En charge de l’écriture du livret qui rassemblera en matière de «finances publiques, des pensions et de la protection sociale» en vue des élections législatives d’octobre, l’économiste étaye son propos en évoquant certains des indicateurs dont il parle.

Les retraités ont un revenu supérieur aux travailleurs

Ainsi, il avance que, «selon les données d’Eurostat sur le revenu médian, le Luxembourg est aujourd’hui le seul pays de l’Union européenne où les résidents à la retraite ont des revenus supérieurs aux résidents qui travaillent». Une situation qui s’est largement développée au cours des 20 dernières années (comme le montre le graphique ci-dessous).

Il relève aussi que le Luxembourg possède le «Gross Pension Wealth» le plus important parmi les pays de l’OCDE. Le «Gross Pension Wealth» (qu’on traduit en français par le «patrimoine pension») correspondant au nombre d’années de revenus individuels annuels bruts que pourra espérer en moyenne obtenir un pensionné. Ainsi, en moyenne donc, un retraité luxembourgeois percevra 16,2 années de salaires s’il est un homme et 17,7 années de salaires s’il est une femme entre son départ en pension et son décès. À titre de comparaison, la France se situe à 11,2 (pour les hommes) et 12,8 (pour les femmes), là où la Belgique émerge, elle, à 7,6 et 8,4.

Le basculement prévu en 2027

Ce système jugé «généreux», rendu possible par une dynamique économique et démographique extrêmement favorable ces dernières décennies, ne poserait pas de souci à la Chambre de commerce s’il était soutenable à long terme. Or, ce n’est pas le cas.

«Compte tenu du vieillissement de la population, d’une productivité qui stagne et d’un facteur démographique qui devrait croitre de manière moins importante à l’avenir, les pensionnés vont peser de plus en plus lourd financièrement», reprend Jean-Baptiste Nivet. Alors qu’ils représentaient 9,2% du PIB en 2019, ils pourraient s’élever, sans réforme d’ici là, à 13,9% en 2045 et à 18% en 2070 (selon l’Ageing report de la Commission européenne, publié en 2021).

Plus on va attendre pour réformer, plus la correction aura un impact social important.
Jean-Baptiste Nivet

Jean-Baptiste NivetéconomisteChambre de commerce

Évidemment, 2070 paraît encore très loin dans le temps. Mais des conséquences plus proches de nous se profilent également. Ainsi, dans un de ses derniers rapports, l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) a fixé à 2027 le moment où le système des pensions luxembourgeois dépensera sur une année davantage que ce que rapportent les cotisations engrangées. Et à politique inchangé, ce même organisme estime aussi la disparition des réserves du régime général des pensions à l’horizon 2047.

Un équilibre à retrouver

«Si rien ne change, le prochain gouvernement se retrouvera donc assez vite dans une situation de déséquilibre. A priori en 2027. Il faudra réformer lors de la prochaine législature. Parce qu’à long terme, le Luxembourg se doit de se doter d’un système de pension équilibré. Sans cela, c’est toute la cohésion sociale et même la prospérité économique du pays qui pourrait être remise en question», explique Jean-Baptiste Nivet. «Et plus on va attendre pour réformer, plus la correction aura un impact social important…»

Pour l’heure, on ne voit guère de partis politiques s’emparer de cette problématique dans le débat préélectoral lié au scrutin législatif d’octobre prochain. Il est vrai qu’une telle réforme serait vue comme une mesure impopulaire. «Mais peut-être qu’une réforme aura quand même lieu, même si ce thème n’est pas abordé durant la campagne…», espère l’économiste.

Cette réforme permettrait d’éviter le basculement qui se profile en 2027, tout en intégrant les grandes tendances de l’économie et de la démographie du Luxembourg.
Jean-Baptiste Nivet

Jean-Baptiste NivetéconomisteChambre de commerce

En attendant, la Chambre de commerce s’est donc, elle, penchée sur les différentes options qui s’offrent au Luxembourg.

«La seule manière de maintenir le même niveau de pension sans piocher dans les réserves serait d’augmenter les cotisations sociales. C’est une alternative que nous rejetons à la Chambre de commerce parce qu’elle n’est pas compatible avec le maintien de la compétitivité des entreprises et donc du pays, mais aussi avec le maintien du pouvoir d’achats des actifs puisqu’elle ferait peser une charge financière plus lourde sur ces mêmes entreprises et ces travailleurs actifs.»

Une réforme linéaire et progressive

Pour la Chambre du commerce, la meilleure réforme du système de pension est en fait une variante de celle avancée en 2018 par la Fondation Idea (qui avait été baptisée ).

«On ne toucherait pas à l’âge de départ à la retraite (65 ans, ndlr), ni même aux annuités. Mais plutôt à la formule de calcul du montant des retraites», précise Jean-Baptiste Nivet. Concrètement, et résumé assez simplement, cette réforme consisterait à diminuer graduellement la partie des pensions qui est proportionnelle aux revenus cotisables, tout augmentant, en parallèle, une partie forfaitaire qui est celle qui importe le plus aux «petites pensions», puisque déterminée uniquement par la durée de la carrière. Cette mesure ne frapperait donc que très peu, voire pas du tout, ceux qui ont connu un niveau de revenu proche du salaire social minimum. Au contraire des revenus plus élevés.

«Cette réforme permettrait d’éviter le basculement qui se profile en 2027, tout en intégrant les grandes tendances de l’économie et de la démographie du Luxembourg. Mais il est aussi important d’ajouter qu’elle se ferait de manière linéaire et progressive. C’est-à-dire que les retraités ne se rendraient donc pas véritablement compte de celle-ci. Simplement, les plus grosses pensions augmenteraient, dans le futur, moins vite qu’aujourd’hui.»


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