Le magasin accueille, hors pandémie, 1,4 million de visiteurs par an. Désormais, les visites en ligne ont aussi la cote. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le magasin accueille, hors pandémie, 1,4 million de visiteurs par an. Désormais, les visites en ligne ont aussi la cote. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Face à l’essor de l’e-commerce, le point de vente frontalier au Luxembourg accélère sa stratégie de digitalisation, tout en préparant son showroom à un nouveau concept, visible l’été prochain.

C’est sans doute l’un des plus cosmopolites parmi les 445 Ikea du globe, et pour son manager, Christopher Burman, le magasin belge d’Arlon est «un environnement très spécial, où le défi est d’être au plus proche de cette diversité».

Un simple coup d’œil au parking du bâtiment bleu et jaune vaut mieux qu’un long discours: les plaques minéralogiques luxembourgeoises dominent, les résidents grand-ducaux représentant entre 55% et 65% de la fréquentation totale du point de vente.

Juste au bord de l’autoroute, une vaste tente blanche a élu domicile depuis quelques mois: c’est là que les clients viennent retirer leurs commandes passées sur internet, préparées par des équipes de vente, complétées de leurs collègues de la restauration, activité pour l’heure interdite, suite à la crise sanitaire.

En un an, les ventes en ligne ont été multipliées par quatre.
Christopher Burman

Christopher BurmanmanagerIkea Arlon

«En un an, les ventes en ligne ont été multipliées par quatre», confie le responsable, sans pour autant dévoiler de montant précis. Particularité, «90% des articles vendus sont en stock ici, à Arlon. C’est le taux le plus élevé parmi les magasins Ikea en Belgique.»

Ce qui relève pour certains du détail est loin d’être anodin: le point de vente frontalier au Grand-Duché limite ainsi sa dépendance à la centrale bruxelloise pour la préparation et la livraison des commandes, également livrables au Luxembourg.

Car le voisin est non seulement le premier client du magasin, mais aussi plutôt dépensier: «Ikea Arlon a le panier moyen le plus élevé des magasins de Belgique», admet son directeur.

Un nouveau concept de magasin

Voilà pourquoi le magasin ouvert en 2005 veut avoir une longueur d’avance: il prépare en ce moment un nouveau concept d’exposition qui met l’accent sur des scénarisations d’intérieurs, et cela en tenant compte des spécificités du marché local. «Nous sommes les premiers à investir dans ce nouveau concept de magasin en Belgique», souligne le responsable, qui vise une finalisation des travaux d’ici la mi-juillet.

Derrière des vastes rideaux noirs, les équipes s’affairent pour aménager ces nombreux espaces de vie, sources d’inspiration pour les visiteurs, dont le parcours fléché débouche ensuite sur un vaste espace ouvert où sont alors regroupés tous les produits de la gamme en question.

Rendez-vous à la mi-mai pour le nouvel agencement des living-rooms, avant l’ouverture des sections dédiées aux bureaux, aux cuisines, et enfin aux chambres à coucher et salles de bains.

Ce projet représente pour la chaîne six mois de préparation, la mobilisation d’une trentaine de collaborateurs pour la planification, et 12 semaines de réalisation. Si le montant de l’investissement est gardé sous silence, la démarche confirme la stratégie de la multinationale quant à ce point de vente particulier sur le marché belge: en 2015, il avait été le premier à être , pour un agrandissement de 5.000m2.

Désormais, les 35.500m2 de surface sont appelés à croître encore, de l’ordre de 2.000m2, pour y accueillir les activités de commerce en ligne, abritées actuellement sous une tente. Ikea attend que le permis de bâtir lui soit octroyé et ambitionne une ouverture de cette extension à l’été 2022.


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Le digital intensifié

«Le Covid-19 a été un accélérateur pour notre digitalisation; nous sommes actuellement environ trois ans en avance par rapport aux objectifs de vente en ligne», avance Christopher Burman. Outre les commandes en ligne, l’enseigne propose désormais les services de planification des cuisines avec un conseiller à distance, une manière de s’assurer que cette étape généralement gourmande en temps ne vienne plus empiéter sur les visites en magasin, limitées à 30 minutes en Belgique.

«Les ventes en magasin représentent encore 90% de notre chiffre d’affaires», ajoute le manager, qui n’entend pas du tout négliger ce canal. Dans le nouveau concept du magasin attendu l’été prochain, l’accent sera porté sur le phygital, avec la présence de vastes écrans pour compléter l’information des clients.

Une application d’e-commerce est déjà opérationnelle pour sélectionner des produits, concevoir des listes d’achat et commander en «click & collect», mais la livraison est pour l’heure réservée aux résidents belges. «Au premier abord, ce n’est pas un problème d’ouvrir un nouvel outil aux résidents luxembourgeois. Nous travaillons d’arrache-pied pour trouver une solution compatible avec les systèmes informatiques», admet le directeur.

Et avec des publicités radio enregistrées en langues luxembourgeoise et portugaise, le magasin frontalier veut s’adresser au «melting pot» des communautés présentes au Grand-Duché. Quant aux nombreux anglo-saxons, ils devraient bénéficier d’ici à l’année prochaine d’un site web dans la langue de Shakespeare.

Très actifs sur les groupes Facebook dédiés aux expatriés du Grand-Duché, nombreux sont les anglophones qui s’interrogent sur l’accessibilité du magasin arlonais dans le contexte des restrictions sanitaires changeantes. «Je réponds parfois à certains en message privé, mais je reste souvent un observateur silencieux», glisse notre interlocuteur, au départ surpris de voir les engagements que suscite son magasin.

En poste depuis un an et demi à Arlon, ce Britannique passé par des magasins en Allemagne, en Espagne et dans son pays d’origine se dit sensible à la dimension multiculturelle d’Ikea. L’enseigne a d’ailleurs été élue en décembre dernier «», sans pour autant y compter le moindre point de vente.

Extérieurs et bureaux ont la cote

Son directeur dit se concentrer sur les trois priorités de la marque que sont les prix, l’accessibilité des produits et la durabilité, tout en s’adaptant aux tendances nées de la crise sanitaire.

Le temps où les ordinateurs portables ornaient seulement les bureaux est révolu: avec le télétravail, Ikea en dispose dans les autres espaces de la maison. Pour la petite histoire, les ventes de meubles et équipements ont été particulièrement marquées pour les articles d’extérieur (+20%), devant les bureaux (+15%), chez Ikea Arlon.

Les gens n’ont jamais été autant préoccupés par leur habitation qu’aujourd’hui.
Christopher Burman

Christopher BurmanmanagerIkea Arlon

«Les gens n’ont jamais été autant préoccupés par leur habitation qu’aujourd’hui», admet Christopher Burman. 1,4 million de clients arpentent chaque année – hors Covid – le magasin arlonais.

Au 31 août 2020, Inter Ikea Holding, société mère de l’enseigne, a terminé son exercice annuel décalé sur un chiffre d’affaires en contraction de 6%, à 23,6 milliards d’euros. Son bénéfice net a atteint 1,7 milliard d’euros, soit 200 millions de plus qu’en 2019. Quant à Ikea Belgique, ses ventes ont faibli de 4,8%, à 930,5 millions d’euros, malgré la chute de 23,3% du nombre de visiteurs en magasin.

De toute évidence, les fermetures imposées de 75% des magasins du groupe pendant le confinement du printemps 2020 ont affecté les affaires de l’enseigne, qui observe toutefois un bond de 45% de ses ventes en ligne sur son exercice. Ce segment représente à présent 16% de l’ensemble des ventes de la multinationale. En Belgique et au Luxembourg, les visites en ligne ont gonflé d’un tiers, pour atteindre 66,7 millions d’unités.