Vincent Hein et Michel Wurth ambitionnent d’adapter Idea aux défis de la prochaine décennie. (Photo: Marc Fassone/Maison Moderne)

Vincent Hein et Michel Wurth ambitionnent d’adapter Idea aux défis de la prochaine décennie. (Photo: Marc Fassone/Maison Moderne)

En utilisant le terme «fondation» dans son nom, Idea revendiquait son autonomie vis-à-vis de son fondateur la Chambre de commerce. Pour ses dix ans, la Fondation Idea va passer d’un statut juridique d’asbl à celui de fondation d’utilité publique. Un changement qui renforcera cette autonomie en diversifiant les sources de financement.

Pour , le président du conseil d’administration de la Fondation Idea – et président en exercice du conseil d’administration de la Chambre de commerce lorsque celle-ci décida de prolonger «l’initiative de prospective participative 2030.lu – Ambitions pour le futur» en créant en 2014 le groupe de réflexion pour continuer le débat –, Idea a toujours été conçue comme une entité autonome, ouverte et transparente.

«Aujourd’hui, elle doit aller encore plus loin dans son autonomisation afin d’accompagner un monde en plein changement. C’est pourquoi la fondation devra élargir ses champs de compétences qui sont principalement économiques et financiers au domaine social. Parce que la sociologie du Luxembourg a changé, nous devons essayer aussi de réfléchir en termes de cohésion sociale. Des sujets comme l’éducation, la santé, le vivre-ensemble et à la dimension culturelle deviennent incontournables. À terme, l’équipe va devoir élargir ses compétences.»

Un objectif qui passe par une transformation.

Les paliers de l’autonomie

Fonctionnellement parlant, l’autonomie d’Idea s’est construite par paliers. 2019 fut, de ce point de vue, l’année charnière. Année durant laquelle l’asbl est devenue totalement autonome de la Chambre de commerce d’un point de vue opérationnel. Jusqu’à cette date en effet, ses salariés étaient aussi salariés de la Chambre de commerce. 2019, c’est également l’année durant laquelle Idea a reformulé sa stratégie et jeté les bases de sa gouvernance actuelle et de son fonctionnement. Une gouvernance sur trois piliers associant le conseil d’administration, un conseil scientifique fort de 15 personnes présidé par et l’asbl. Le mode de fonctionnement de cette dernière, selon les mots de Vincent Hein, le directeur, témoigne d’«une forte autonomie». «Nous définissons des thèmes dans des programmes de travail sur plusieurs années. Des thèmes qui s’articulent autour de quatre grands challenges pour le Luxembourg: une économie compétitive, une croissance durable, une cohésion sociale garantie et des finances publiques saines. Toutes nos idées formulées visent à l’amélioration de la prospérité, de la compétitivité, de l’attractivité ou du vivre-ensemble au Luxembourg.»

Pour ce qui est du fonctionnement, la relecture entre nous en interne est «systématique», explique Vincent Hein invoquant un «héritage scientifique». Le conseil scientifique est là pour aider à définir et à affiner le programme de travail et à valider la qualité scientifique des travaux. «C’est aussi un réseau intéressant pour nous, pour nous permettre d’aller chercher des experts.»

Cinq ans plus tard, Idea remet cette stratégie sur le métier. «Nous réfléchissons à notre positionnement, aux évolutions de notre fonctionnement, à notre rôle au regard des mégatendances ainsi qu’à la diversification de nos contributeurs. Rien n’est fixé si ce n’est la nécessité d’une clarification de nos structures juridiques afin de faciliter ces évolutions.»

Les raisons de la Fondation

Cette clarification sera l’annonce majeure de ce dixième anniversaire: «Pour aller plus loin, nous avons proposé à la Chambre de commerce de transformer Idea asbl en fondation d’utilité publique. Elle a donné son accord et nous allons engager dans les semaines qui suivent la transformation de nos statuts. C’est un signal extrêmement fort et cela va nous renforcer en tant que think tank», introduit Michel Wurth. «Une transformation qui permettra à Idea de se projeter dans les dix prochaines années.»

«Il y a dix ans, le choix de la structure juridique asbl était le choix de la simplicité. Aujourd’hui, l’envergure prise et la nouvelle réglementation entraînant une évolution des statuts – notamment pour la certification des comptes – impliquent un rapprochement vers les contraintes juridiques qui sont celles d’une fondation. D’un autre côté, la nouvelle législation prévoit également un passage simplifié de l’asbl vers la fondation», détaille Vincent Hein. Une législation qui interdit désormais à une asbl d’utiliser le mot fondation. Une interdiction qui a «précipité  la réflexion autour de l’utilité de la transformation en fondation. D’autres raisons ont précipité le passage à l’acte: le fait qu’une asbl ait plus de contraintes qu’une fondation, la simplification de la procédure de passage du statut d’asbl à celui de fondation et le fait qu’il n’y ait pas besoin de dissoudre l’actuelle structure», résume Vincent Hein.

Diversification des revenus

Le passage au statut de fondation d’utilité publique va avoir un impact majeur pour Idea en ce qui concerne ses sources de financement. Actuellement, Idea est «très largement financée par la Chambre de commerce», détaille Michel Wurth. «Nous avons un budget de l’ordre de 800.000 euros et quelques ressources complémentaires comme les cotisations versées par les membres de l’asbl. Et même si la Chambre de commerce est très généreuse avec nous, sa contribution financière ne peut augmenter éternellement. Il fallait réfléchir à des sources de financement supplémentaires.»

Ces sources seront de deux autres types: les donations – des contributions déductibles des impôts dans le chef du donateur – et la réalisation d’études pour compte de tiers.

«Pour l’avenir, nous sommes ouverts à ce que quelqu’un comme un ministère ou une institution qui voudrait faire réaliser une étude puisse s’adresser à nous. Dans le cadre de nos règles de fonctionnement et de notre transparence. Nous ne vendrions jamais notre âme pour une commande. Nous voulons rester ce que nous sommes, libres de parler des sujets comme on le souhaite avec des procédures de relecture et de validation de nos travaux par notre conseil scientifique et par l’équipe. Si nous perdons ces principes, nous perdons toute notre valeur ajoutée. Sur certains sujets, nous avons gagné une certaine expertise au fil des ans et je crois que cette expertise, pour quelle soit la plus utile possible pour relever les défis de l’économie, doit s’exercer au plus près de la prise de décisions. Je pense qu’il y a de la place dans ce pays pour que des think tanks comme les nôtres soient sollicités sur des sujets dans lesquels une expertise a été développée», approfondit Vincent Hein.