Pendant trois semaines, cet automne, l’équipe du Luxembourg Digital Innovation Hub (L-DIH) a sillonné le pays à bord de son bus jaune à la rencontre des acteurs industriels pour discuter de leurs enjeux de transformation numérique et d’innovation. «Au-delà des grands discours autour de la donnée, de l’intelligence artificielle ou de la blockchain, il était important de comprendre les besoins du terrain, d’entamer une discussion avec chacun sur leur digitalisation», commente Nicolas Sanitas, Senior Advisor au sein de Luxinnovation GIE.
Les industriels prennent conscience de l’importance de mieux exploiter la donnée.
Le rôle du L-DIH, dans cette perspective, est d’éveiller les acteurs aux opportunités nouvelles qui s’offrent à eux, pour ensuite leur permettre d’engager des projets de transformation en les orientant vers les bons partenaires. «Les industriels prennent conscience de l’importance de mieux exploiter la donnée», poursuit Nicolas Sanitas. «Si le sujet est depuis longtemps au cœur des discussions, on constate toutefois que le niveau de maturité à l’égard de la donnée varie fortement d’une entité à l’autre. Globalement, la plupart en sont encore au stade de l’expérimentation.»
Commencer «petit»
La difficulté est que les acteurs, tout en étant conscients des opportunités, peinent à déterminer par où commencer. Un site industriel génère quotidiennement une quantité impressionnante de données. Une part infime, seulement, est aujourd’hui valorisée. «La volonté est de montrer à chacun ce que d’autres industriels sont parvenus à mettre en place, de les aider à identifier des cas d’usage», ajoute Nicolas Sanitas. «On peut commencer avec un petit projet, sans devoir s’astreindre à un plan stratégique qui prendra plusieurs mois à définir et qui impliquera des investissements difficiles à assimiler.»
Simplement, en positionnant un capteur à la sortie d’une machine – même ancienne, on parle alors de «retrofitting» –, il est possible d’avoir une vue en temps réel sur la qualité de la production. Associée à une solution d’intelligence artificielle, que l’on va entraîner dans le temps, cette donnée peut par exemple permettre d’évaluer la durée de vie d’une soudure.
S’il est vrai que l’industrie s’inscrit le plus souvent dans le temps, avec généralement des investissements conséquents, le numérique doit lui permettre d’adopter un état d’esprit plus agile.
«Ces indicateurs vont permettre d’améliorer la production, de faire évoluer les outils pour garantir la qualité des pièces confectionnées, de réduire le taux de rebuts, d’offrir de nouveaux services», explique Nicolas Sanitas. «Au départ d’un petit projet, on peut directement percevoir la valeur ajoutée de l’approche et plus facilement convaincre le comité de direction de répliquer la démarche plus largement.»
En adoptant une approche incrémentale, on peut maximiser les chances de générer de la valeur au départ des outils numériques, et notamment de la valorisation de la donnée. «S’il est vrai que l’industrie s’inscrit le plus souvent dans le temps, avec généralement des investissements conséquents, le numérique doit lui permettre d’adopter un état d’esprit plus agile», ajoute Nicolas Sanitas.
La blockchain, vectrice de sécurité
Autre technologie, la blockchain ouvre aussi des perspectives intéressantes pour l’industrie, notamment en matière de sécurisation des données et des échanges entre acteurs d’un même écosystème. «Principalement, la technologie permet de renforcer la traçabilité et la notarisation des échanges, pour préserver la propriété intellectuelle d’un fichier par exemple, ou en garantir l’authenticité», explique Nicolas Sanitas. «La technologie, réputée pour son caractère inaltérable, doit contribuer à sécuriser les échanges entre parties ou encore entre machines connectées. La réflexion autour de la cybersécurité, en effet, doit faire partie intégrante de toute démarche de numérisation dès le départ.»
L’industrie de demain
Les atouts de la blockchain permettent de se projeter dans ce que pourrait être l’industrie de demain. Prenons un exemple. Aujourd’hui, si une pièce d’avion produite en Europe doit être remplacée sur un appareil coincé en Afrique du Sud, il faudra s’armer de patience pour produire et acheminer l’élément. Le processus, en outre, est loin d’être eco-friendly. À l’avenir, grâce à la blockchain, plutôt que de produire la pièce en Europe, son concepteur aura la possibilité d’envoyer de manière sécurisée le fichier de fabrication à un site de production local, où pourra être réalisée l’impression. Le «smart contract» matérialisant cette transaction permet notamment de limiter le nombre de pièces qui pourront être effectivement produites. La propriété intellectuelle du design de la pièce sera suivie et authentifiée, et la conformité du produit final sera assurée.
Si de tels modèles sont appelés à émerger, cela ne se fera pas en une fois. «L’évolution sera progressive. L’important, aujourd’hui, c’est de commencer. Et le plus facile est d’entamer cette transition avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, en s’attaquant par exemple aux ‘pain points’ qui paraissent à tous les plus évidents – et qui sont souvent les plus simples à résoudre! On peut ainsi générer rapidement de la valeur, et à des coûts maîtrisés», conclut Nicolas Sanitas.