Marie Brière, head of investor intelligence & academic partnerships chez Amundi Institute, explique comment l’intelligence artificielle assiste les analystes et gérants de portefeuille. (Photo: Magali Delporte)

Marie Brière, head of investor intelligence & academic partnerships chez Amundi Institute, explique comment l’intelligence artificielle assiste les analystes et gérants de portefeuille. (Photo: Magali Delporte)

L’intégration de l’intelligence artificielle dans la recherche d’investissement et la gestion de portefeuille devient un enjeu concurrentiel pour les gestionnaires d’actifs. Pour sa part, Amundi développe un outil d’agrégation et de perception des informations publiées sur les entreprises.

L’analyse des marchés boursiers sur base de données telles que les prix, les fondamentaux et les tendances ne fournit qu’une image incomplète. Partant de ce constat, la start-up américaine Causality Link, localisée en périphérie de Salt Lake City, a décidé d’utiliser l’intelligence artificielle et le traitement du langage naturel (ou natural language processing – NLP) pour mieux comprendre les marchés financiers. C’est ainsi que la société a convaincu Horizon SA, un family office français, d’investir 5 millions de dollars dans sa technologie, en avril 2020.

L’aventure ne fait alors que commencer. Rapidement, Causality Link tisse un partenariat avec la Toulouse School of Economics, ainsi que le gestionnaire d’actifs Amundi, «intéressé par sa méthode d’analyse textuelle innovante», explique Marie Brière, head of investor intelligence & academic partnerships chez Amundi Institute. Le 13 janvier, elle co-signait justement un, sur base de l’analyse de 8.000 sources, en l’occurrence des articles de presse, des analyses de courtiers et les communications des entreprises. Également active dans le partenariat, la Toulouse School of Economics contribue au projet de recherche. À noter que son président, Jean Tirole, qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2014, siège au comité consultatif de Causality Link.

Les analystes et gestionnaires de portefeuille disposent d’outils qui leur permettent de monitorer les news et d’avoir accès à des signaux agrégeant en temps réel le degré de positivité des news qui tombent sur une entreprise.
Marie Brière

Marie Brièrehead of investor intelligence & academic partnershipsAmundi Institute

La santé des entreprises en temps réel

La technologie commence à s’intégrer aux processus d’Amundi. «Les analystes et gestionnaires de portefeuille disposent d’outils qui leur permettent de monitorer les news et d’avoir accès à des signaux agrégeant en temps réel le degré de positivité des news qui tombent sur une entreprise», explique Marie Brière. Elle tempère toutefois: «Nous testons des stratégies et la valeur ajoutée que cet outil peut avoir pour la gestion, mais il n’y a pas aujourd’hui de portefeuilles gérés de manière systématique sur ce type de signaux.» Et elle souligne également l’importance du rôle de l’analyste dans la vérification des informations.

Les analystes et gérants bénéficient en revanche d’un gain en efficacité. «La possibilité d’agréger un large nombre d’informations en un signal unique s’avère extrêmement utile pour le gérant, qui n’a pas nécessairement le temps de suivre toutes les sources.» L’algorithme utilisé construit un signal agrégé sur la base de toutes les informations, aussi bien positives que négatives, qui concernent une entreprise, et ce en temps réel.

Alors que les investisseurs avaient tendance à se focaliser sur les rendez-vous réguliers de l’information des entreprises, l’outil développé par Amundi et Causality Link fournit, quant à lui, une information instantanée. «Nous avons la capacité de suivre en temps réel les entreprises sur des dimensions différentes, telles que leurs résultats financiers, leurs performances ESG, leur communication, ou les anticipations des brokers et journalistes à leur sujet. En agrégeant plus de 1.700 indicateurs pour chacune des 4.000 entreprises suivies, nous pouvons construire un indicateur journalier reflétant la santé de chacune des entreprises, telle qu’elle peut être perçue dans la presse ou les analyses de brokers», souligne Marie Brière.

Nous avons la capacité de suivre en temps réel les entreprises sur des dimensions différentes, telles que leurs résultats financiers, leurs performances ESG, leur communication, ou les anticipations des brokers et journalistes à leur sujet.
Marie Brière

Marie Brièrehead of investor intelligence & academic partnershipsAmundi Institute

Identifier les opinions des investisseurs

Les signaux générés par l’outil présentent un certain intérêt, rappelle Marie Brière: «Ça reflète le prisme des journalistes sur la communication des entreprises. Ce qui est très important, car c’est souvent par ce biais-là que les investisseurs évaluent la santé des entreprises.» À l’aide d’une série d’indicateurs, l’outil perçoit si l’information rapportée par les journalistes est positive ou négative.

En outre, l’outil peut identifier la temporalité des informations. «Le logiciel est capable de comprendre si la nouvelle rapportée sur une entreprise concerne le passé, le présent ou des anticipations concernant sa situation future.» Une fonctionnalité qui a toute son importance. «Nous avons démontré que les marchés réagissent davantage aux nouvelles relatives à de la prospective.»

Nous avons démontré que les marchés réagissent davantage aux nouvelles relatives à de la prospective.
Marie Brière

Marie Brièrehead of investor intelligence & academic partnershipsAmundi Institute

Les recherches menées jusqu’à présent ont également permis d’observer que les informations financières ont davantage d’impact sur les décisions des investisseurs que les informations liées à l’ESG. «Cela peut paraître surprenant», déclare la head of investor intelligence & academic partnerships d’Amundi Institute. Les raisons peuvent être multiples. «Ça peut être lié au fait que l’ESG est moins suivi par les investisseurs ou que l’impact des news ESG sur la profitabilité des entreprises est plus ambigu.» Sur ce dernier point, «si les entreprises ne mettent pas en place une politique climatique ambitieuse, à un moment donné, elles seront sanctionnées par la régulation ou par des investisseurs vertueux, mais d’un autre côté, ce sont aussi des coûts à court terme».

L’ESG reste encore un domaine en cours de développement, tout comme le projet de recherche mené par Amundi Institute. Dans un futur proche, d’autres projets de recherche en cours rendront possible d’exploiter les liens de causalité établis par les journalistes. «Cette analyse nous renseignera sur ce que les journalistes perçoivent comme étant les vrais facteurs d’influence, par exemple la profitabilité des entreprises», précise Marie Brière. Même si les analystes prennent en compte des facteurs différents, ceux relayés dans les médias éclairent sur les liens de causalité perçus comme importants par les investisseurs dans leurs décisions d’allocation d’actifs.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.