Le Conseil de l’hydrogène estime que le total des investissements dans la filière pourrait dépasser 300 milliards de dollars d’ici à 2030. (Image: Shutterstock)

Le Conseil de l’hydrogène estime que le total des investissements dans la filière pourrait dépasser 300 milliards de dollars d’ici à 2030. (Image: Shutterstock)

L’hydrogène vert est-il la solution alternative aux énergies fossiles capable de changer la donne dans le développement durable? Une étude de Columbia Threadneedle Investments explique les raisons d’un tel engouement.

Utiliser l’hydrogène comme source d’énergie ne date pas d’hier, il est utilisé comme produit chimique industriel depuis plus de 100 ans. L’hydrogène vert est considéré comme le plus «propre» des hydrogènes produits dans le monde. Il est issu de l’électrolyse de l’eau, qui se scinde en hydrogène et en oxygène. Tant que l’électrolyse est réalisée grâce aux énergies renouvelables, il s’agit d’une source d’énergie à zéro émission. Par conséquent, s’il est produit à grande échelle, l’hydrogène vert est susceptible de devenir un levier essentiel pour réduire l’empreinte des secteurs de l’économie difficiles à décarboner. Une étude co-menée par Benjamin Kelly, senior analyst Global Research, Heiko Schupp, global head of infrastructure, et Callum Neal, project manager chez Columbia Threadneedle Investments, explique l’engouement dont il fait actuellement l’objet.

L’adhésion des pouvoirs publics mus par l’objectif zéro carbone

Le changement climatique s’accélère, et les gouvernements ont l’obligation de réduire leurs émissions pour aboutir à une neutralité carbone d’ici à 2050. Cela a une répercussion directe sur un autre facteur-clé: l’adhésion des pouvoirs publics à la nécessité de faire quelque chose pour l’enrayer. Le Conseil de l’hydrogène suggère que l’hydrogène pourrait réduire les émissions mondiales de 6 gigatonnes – soit 17% des émissions mondiales en 2020 – d’ici à 2050. Actuellement, quelque 66 pays se sont fixé des objectifs d’émissions nettes nulles, dont 20 ont dévoilé des feuilles de route basées sur l’hydrogène. La capacité des gouvernements du monde entier à soutenir l’hydrogène vert aussi bien sur le plan financier qu’en termes d’infrastructures pourrait s’avérer cruciale pour la viabilité de cette filière. L’an dernier, le gouvernement chinois a débloqué une enveloppe de 20 milliards de dollars pour financer des projets dans le domaine de l’hydrogène. En août 2021, le gouvernement britannique s’est penché sur le développement d’une filière du carbone vert prospère pour relever le défi de la décarbonation de son économie, avec sa stratégie nationale en matière d’hydrogène (UK Hydrogen Strategy). Il ambitionne de développer une capacité de production d’hydrogène bas carbone de 5GW d’ici à 2030, soit l’équivalent de la consommation de gaz de plus de 3 millions de foyers au Royaume-Uni chaque année. 


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Des coûts attractifs

Le second facteur-clé est la baisse spectaculaire du coût de production de l’hydrogène vert ces 10 dernières années. L’énergie renouvelable utilisée dans l’électrolyse représente quelque 70% du coût de production de l’hydrogène, et son prix a chuté d’environ 70% ces 10 dernières années. Le prix d’un électrolyseur a par ailleurs diminué d’environ 60% sur la même période. On peut raisonnablement s’attendre à ce que ces tendances à la baisse se poursuivent, renforçant encore l’attrait de l’hydrogène. Bloomberg a récemment revu en baisse de 13% sa prévision de coût de revient de l’hydrogène vert à l’horizon 2030.

Entre décembre 2020 et août 2021, le nombre de projets dans le domaine de l’hydrogène vert a été multiplié par plus de trois, et 359 projets de grande envergure ont été annoncés au niveau mondial. L’Europe est en tête, avec 130 milliards de dollars d’investissements, mais d’autres régions sont en train de rattraper leur retard. La Chine s’affirme également comme un géant potentiel de l’hydrogène, avec plus de 50 projets en gestation depuis l’annonce de son engagement à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060. Au niveau mondial, on dénombre 228 projets en cours dans le domaine de l’hydrogène sur l’ensemble de la filière, dont 17 projets de production de très grande envergure.

Si on ajoute l’essor des start-up spécialisées dans la production d’hydrogène par d’autres moyens que l’électrolyse, le Conseil de l’hydrogène estime que le total des investissements dans la filière pourrait dépasser 300 milliards de dollars d’ici à 2030, et, selon la Commission chargée de la transition énergétique, il pourrait atteindre environ 15.000 milliards de dollars à l’horizon 2050.

Mais une demande encore limitée

Les experts de Columbia Threadneedle Investments retiennent toutefois deux freins à l’adoption générale de l’hydrogène. Premièrement, la demande est aujourd’hui limitée. Même si, du côté de la production, le soutien des pouvoirs publics se développe, la technologie progresse, et les coûts diminuent, la demande d’hydrogène est faible à l’heure actuelle. Les engagements à atteindre la neutralité carbone pourraient toutefois stimuler la demande. La poursuite du développement des infrastructures sera déterminante pour faire de l’hydrogène vert la panacée de la décarbonation.

Deuxièmement, l’impopularité de l’hydrogène dans la société est un frein. Son utilisation comme combustible est décriée depuis la catastrophe du Hindenburg en 1937 (le dirigeable à passagers allemand LZ 129 avait pris feu et avait été détruit lors de sa tentative d’accostage). Il faut que les consommateurs et les investisseurs soient sensibilisés aux promesses de l’hydrogène et convaincus de sa sécurité avant que le recours à ce dernier ne soit généralisé. Les gérants d’actifs paraissent de plus en plus conscients de son potentiel et s’efforcent de sensibiliser les investisseurs. Il y a, selon eux, d’immenses opportunités pour le secteur des infrastructures, car, sans projets d’infrastructures, il n’y aura pas de consommation d’hydrogène à grande échelle.

La possibilité que l’hydrogène vert révolutionne le secteur de l’énergie durable est réelle, à en juger par les immenses progrès observés ces 12 derniers mois, tant du point de vue des avancées technologiques que du soutien des pouvoirs publics. Dans une décennie, nous nous demanderons peut-être pourquoi l’hydrogène faisait débat. Néanmoins, l’absence de demande est aujourd’hui le principal obstacle au déploiement à grande échelle de l’hydrogène. La récente augmentation des prix de l’énergie pourrait accélérer l’adoption de mesures dans les 12 prochains mois.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.