Réclamé par les fonctionnaires européens, souhaité par les autorités luxembourgeoises et finalement établi à la demande du commissaire sortant chargé du budget et des ressources humaines, Günther Oettinger, le rapport du prestataire Airinc intitulé «Étude sur le coût de la vie pour le personnel de l’UE affecté à Luxembourg» vient d’être publié.
«La Commission est confrontée à un problème d’attractivité du site de Luxembourg qui pourrait être partiellement attribué à un coût de la vie potentiellement plus élevé pour certains éléments de dépenses, en particulier en termes de logement», expose sans ambages Airinc dans son introduction. «Le Luxembourg est l’un des plus petits États membres de l’UE et est bordé par trois pays. Il a aussi une part significative de personnel recruté sur place qui vit dans les pays frontaliers et n’est pas confronté au même coût de la vie que les expatriés résidant au Luxembourg.» Ce qui explique que le rapport considère le coût de la vie à Luxembourg, mais aussi à Trèves, Arlon et Thionville.
Il est important que les recommandations n’introduisent pas une plus forte distorsion dans les parités de compensation entre employés.
«Le problème de l’attractivité et des spécificités inhérentes au site de Luxembourg ont conduit à la nécessité d’explorer si un simple coefficient correcteur appliqué à tout le personnel travaillant au Luxembourg est la mesure la plus efficiente au niveau du coût», indique encore le rapport.
L’étude, dont Paperjam avait pu conclut à une différence de pouvoir d’achat avec Bruxelles de 10,5%. Il remarque, non sans raison, que c’est le logement qui tire ce différentiel vers le haut – il coûte 52,4% plus cher de se loger à Luxembourg qu’à Bruxelles, note le rapport (mais 30% de moins en moyenne au-delà des frontières luxembourgeoises). À l’opposé, les dépenses liées à l’éducation s’avèrent 40% moins élevées au Grand-Duché.
L’étude de 25 pages s’achève sur la présentation de deux options possibles dans l’optique de compenser la disparité de pouvoir d’achat entre les agents basés à Luxembourg et à Bruxelles. «Étant donné le coût élevé du logement au Luxembourg en comparaison au logement plus abordable dans les villes frontalières, il est important que les recommandations n’introduisent pas une plus forte distorsion dans les parités de compensation entre employés», note le rapport. «En effet, il échet de rappeler que la plupart des employés qui sont travailleurs frontaliers bénéficient d’une prime d’expatriation de 16% calculée sur l’enveloppe globale de la rémunération.»
Le résultat officialise pour la première fois cette disparité que l’étude situe autour de 10% alors qu’Estat et l’OCDE l’estiment autour de 16%.
L’étude détaille ensuite les avantages et inconvénients d’un coefficient correcteur d’un côté, et d’une allocation logement de l’autre, la seconde pouvant être modulée dans le temps et selon que l’agent est propriétaire ou non dans son pays d’origine. «De nombreux avantages plaident en faveur d’une indemnité de logement», indique l’étude. «Toutefois, le versement de cette indemnité aux seuls nouveaux employés ou à ceux qui ne sont pas encore propriétaires serait, à notre avis, ouvert à interprétation et défié par le personnel. La communication sur l’équité de cette approche pourrait également s’avérer difficile.»
Mission accomplie, estime l’Union syndicale Luxembourg, qui avait œuvré en faveur d’une telle étude. «Il s’agissait de vérifier le bien-fondé du ressenti du personnel affecté au Luxembourg sur son moindre pouvoir d’achat par rapport à leurs homologues en poste à Bruxelles. Le résultat officialise pour la première fois cette disparité que l’étude situe autour de 10% alors qu’Estat et l’OCDE l’estiment autour de 16%», une différence qui tient au fait que l’étude a été menée sur la Grande Région.
Une indemnité logement sans base juridique
Quant aux options exposées par l’étude, l’USL déplore que leur mise en place potentielle n’ait pas été envisagée d’un point de vue juridique, alors qu’aucune base juridique permettant l’indemnité de logement n’existe dans le statut de la fonction publique de l’UE.
«Il faut souligner que l’indemnité de logement présenterait plusieurs inconvénients: maintien des inégalités de traitement, limitation aux seuls agents de l’UE résidant au Luxembourg, durée limitée dans le temps et donc phasing out, application aux seuls nouveaux agents non encore recrutés!!!», ajoute l’USL, avant de conclure: «L’USL, après avoir parcouru cette étude, reste plus convaincue que jamais que la meilleure solution demeure l’instauration d’un coefficient correcteur au Luxembourg, car mieux à même d’abolir la discrimination qui frappe les agents affectés au Luxembourg et qui s’inscrit parfaitement dans la politique menée par l’UE dans tous les autres lieux d’affectation. Comme l’ont déjà fait l’EFTA (2016) et la NSPA-OTAN (2019)», avec une hausse de salaire de 17% pour ces derniers.
Le rapport attend maintenant sagement sur le bureau de Johannes Hahn, prochain commissaire au budget, qui doit officiellement entrer en fonction le 1er décembre.