«La responsabilité est partagée, moi je ne peux que faire un cadre, je ne peux pas agir seul, il y a aussi une responsabilité communale», a expliqué le ministre Henri Kox lors des Assises du logement. Crédits: (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

«La responsabilité est partagée, moi je ne peux que faire un cadre, je ne peux pas agir seul, il y a aussi une responsabilité communale», a expliqué le ministre Henri Kox lors des Assises du logement. Crédits: (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Les Assises nationales du logement ont eu lieu ce mercredi 22 février à l’abbaye de Neumünster. La première table ronde a notamment fait état des enjeux du marché du logement privé, et le ministre du Logement Henri Kox (déi Gréng) a défendu ses différents projets de loi.

Si les intervenants de la première table ronde des Assises nationales du logement ce mercredi 22 février n’ont pas hésité à exposer leurs griefs auprès du ministre du Logement (déi Gréng), ceux qui étaient présents dans l’assistance ont quelque peu eu l’impression d’assister à un dialogue de sourds.

Au programme des échanges figuraient la réforme du bail à loyer (fortement décriée), un secteur de la construction en crise, et la coopération des secteurs publics et privés pour favoriser l’accès au logement. Autour de la table: le ministre du Logement, Henri Kox, Julien Licheron, chercheur au Liser et à l’Observatoire de l’habitat, , chef d’entreprise, membre de la Chambre des métiers, Jean-Michel Campanella, président de Mieterschutz Lëtzebuerg asbl, , directeur de la SNHBM, et Claude Thill (LSAP), bourgmestre de Diekirch.

La réforme du bail à loyer au cœur des débats

Chacun a pu exposer son point de vue et décliner ses arguments. Julien Licheron a notamment rappelé que «l’évolution des prix est marquée par la poussée de l’inflation. Ainsi, en 2020, la hausse des prix des logements atteignait environ 15% sur douze mois, avec une inflation limitée à 2,5%. Ceci correspond à une évolution des prix réels de 12,5%. Au troisième trimestre 2022, la hausse des prix des logements atteint 11,1%, mais avec une inflation sur les biens à la consommation qui s’élève à 6,7%. Ceci correspond à une évolution des prix réels qui a baissé à 4,4%. Le ralentissement semble s’accélérer et il est difficile de se projeter.»

Forte affluence à l’Abbaye de Neumünster pour les Assises nationales du Logement.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Forte affluence à l’Abbaye de Neumünster pour les Assises nationales du Logement.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

«Deux scénarii semblent se projeter: soit un ajustement par les prix, avec une baisse des prix réels, soit un ajustement par les quantités, ce que l’on a vécu en 2008-2009, avec moins d’activité», explique encore le chercheur.

La réforme du bail à loyer, , a également nourri les échanges. Jean-Michel Campanella a ainsi affirmé avoir déjà beaucoup discuté avec Heni Kox, sur le sujet: «Ce qu’il nous manque pour la protection du locataire, c’est le calcul des loyers des anciens logements. Ce que le ministère propose dans son projet de loi ne changera rien: les prix resteront élevés. Elle aura peut-être un impact sur les chambres de café, mais c’est tout. Pour nous c’est comme avoir une Ferrari sans moteur.»

Des logements d’urgence demandés

«La Commission des loyers ne fonctionne pas, il n’y a pas beaucoup de dossiers traités, nous avions proposé qu’elle soit professionnalisée, mais pour l’instant nous n’avons pas été entendus», poursuit M. Campanella. «Il faut faire des travaux plus concrets pour les logements abordables, il est important qu’il y ait un marché plus divers, qu’il soit possible de créer une coopérative par exemple. Et que font les propriétaires qui proposent des logements dangereux? Si on est sûr que le logement est insalubre, il faut le fermer tout simplement. Dans le nouveau projet de loi, il faut penser à des logements d’urgence. On demande que les autorités fassent quelque chose.»

Après avoir été applaudie, l’intervention de Jean-Michel Campanella a reçu une réponse du ministre, qui confirme «qu’on doit faire beaucoup plus pour les loyers». «On a cherché un chemin entre les deux, poursuit-il. Nous avons fait une évaluation des locations existantes, nous avons contrôlé toutes les chambres de café, mais la responsabilité est partagée, moi je ne peux que faire un cadre, je ne peux pas agir seul il y a aussi une responsabilité communale.»

Si on fait du logement abordable, pourquoi ne fait-on pas tout en locatif?
Romain Schmit

Romain Schmitsecrétaire généralFédération des artisans

Plusieurs interventions ont insisté sur le fait d’augmenter la part de locatif sur le marché luxembourgeois, comme le secrétaire général de la Fédération des artisans, , qui s’est ainsi interrogé: «Si on fait du logement abordable, pourquoi ne fait-on pas tout en locatif?» Henri Kox s’y est montré favorable, expliquant qu’«en plus de favoriser l’accès à la propriété, le gouvernement vise désormais surtout à agrandir le parc locatif public. C’est dans une démarche de durabilité que nous priorisons dans les années à venir la location, en décidant d’augmenter considérablement l’offre en logements publics abordables locatifs restant entre les mains de l’État ou des communes. Un changement de paradigme déjà entamé, puisque 53% des logements abordables lancés en 2020 étaient destinés à la location, contre 47% à la vente.»

C’est Guy Entringer, directeur de la SNHBM, qui s’est finalement montré le plus réticent à cette idée: «75% de nos logements abordables sont de la vente. Pour nous, c’est très important que les gens puissent acheter, et un locataire restera toujours locataire, avec un loyer qui augmente, alors qu’une fois qu’il aura payé son logement, il sera à lui et il pourra le transmettre à ses enfants. Le client doit avoir le choix d’acheter.»


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Le problème actuellement est qu’avec , les ménages qui pouvaient acheter il y a encore quelques mois ne le peuvent plus, ils se tournent alors vers la location, mais le marché n’est pas assez fortement développé au Luxembourg pour faire face à cette demande. «Ce qu’il me manque aujourd’hui c’est une réponse au besoin direct, il faut une stratégie urgente de la part du gouvernement face à la situation actuelle», a confirmé , président de la Chambre immobilière, assis dans le public. «Le point fort ce n’est pas de dire ce qu’on ne peut pas faire, mais ce qu’on peut faire. Je suis effrayé quand je regarde les annonces immobilières en location, les gens se jettent dessus comme à Paris. Monsieur le ministre, il faut faire quelque chose immédiatement. Pour beaucoup de personnes qui doivent payer 30 à 40% plus cher, c’est très compliqué.»

Je suis effrayé quand je regarde les annonces immobilières en location, les gens se jettent dessus comme à Paris. Monsieur le ministre, il faut faire quelque chose immédiatement.
Jean-Paul Scheuren

Jean-Paul ScheurenprésidentChambre immobilière

Sur la crise que subit actuellement le secteur de la construction, «notre souci est que l’on construit beaucoup moins, et nos meilleurs clients sont les fonctionnaires d’État, une mentalité luxembourgeoise», a exposé Roland Kuhn. «Mais désormais le fonctionnaire va acheter des actions, et non plus investir dans la pierre. On suppose qu’il y a , et combien de métiers sont en danger? Nous craignons de voir beaucoup de faillites et donc du chômage, pour redynamiser le secteur, il faut des mesures fiscales.»

Stabiliser le secteur

«Nous avons déjà eu ces discussions ces dernières semaines», a répondu Henri Kox. «Je suis d’accord qu’il faut stabiliser le secteur, pas financer le chômage. Il faut des investissements, mais il faut aussi regarder les conditions pour pouvoir avancer. Ne faisons pas les mêmes erreurs qu’avant pour stimuler les prix, il faut stabiliser les prix, mais il faut aussi faire des choix: soutenir le secteur, protéger les locataires, soutenir ceux qui veulent se loger en ayant des bas salaires.»

Les Assises du Logement se sont poursuivies dans l’après-midi, avec pour thèmes: «Soutenir la création et la gestion de logements abordables! Quel cadre légal pour créer et gérer 10.000 logements abordables au Luxembourg?» Si ces tables rondes n’auront pas permis de mettre d’accord les protagonistes, elles auront au moins permis d’exposer les idées des différentes parties sur un sujet qui reste incontournable dans le pays.


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Le Paperjam + Delano Business Club organise une table ronde sur la crise du logement en présence, notamment, de Henri Kox, le 28 mars prochain. .