Selon Vincent Hein, l’inflation ne devrait pas se faire ressentir de manière globale, même si celle-ci se produira dans certains secteurs. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Selon Vincent Hein, l’inflation ne devrait pas se faire ressentir de manière globale, même si celle-ci se produira dans certains secteurs. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

L’évolution de la crise sanitaire a poussé le gouvernement à prendre de nouvelles décisions. Quid de l’impact économique de celles-ci, alors que les acteurs de nombreux secteurs s’inquiètent pour la suite? Éléments de réponse avec Vincent Hein, économiste à la Fondation Idea.

Les ne font pas l’unanimité. Les acteurs, à commencer par ceux de l’horeca et de la culture, , et l’impact des décisions, en termes économiques, ne sera pas connu avant longtemps. Dès lors, plusieurs questions peuvent se poser. Ces mesures sont-elles viables? Doit-on craindre une inflation? Qui paiera la note?

Les mesures décidées par le gouvernement sont-elles, économiquement, une bonne idée?

Vincent Hein. – «On a parfois tendance à opposer les priorités sanitaires et économiques. C’est parfois vrai, mais il faut comprendre que si on arrive à une vague épidémique non maîtrisée, ça peut avoir des conséquences économiques sur du long terme. Le choix du gouvernement de laisser [les établissements] ouvert[s] ou non n’est pas binaire. Lorsque l’on ferme certains secteurs, c’est pour mieux maîtriser la vague, et cela peut aussi avoir des effets positifs sur l’économie. La réflexion est plus complexe que ‘privilégier le personnel soignant versus favoriser les entreprises’. En prenant du recul, si on ne fait rien, ça peut avoir un impact sur l’économie, avec des gens qui auraient peur, n’iraient plus au resto, consommeraient moins… etc. Et il faudrait aussi, en tant qu’économiste, voir le coût que représenterait un lockdown total ou celui d’une épidémie non maîtrisée. C’est donc, en définitive, très difficile de juger les mesures du gouvernement.

L’impact de la fermeture des lieux de culture, bars, restaurants va être très dur. Ce secteur est déjà très affaibli, et nous avions observé une reprise moins forte que dans les autres secteurs.
Vincent Hein

Vincent HeinéconomisteFondation Idea

Quel pourrait être l’impact de ces mesures?

«Tout dépend du secteur. Chez Idea, nous suivons l’évolution des différents secteurs et indicateurs sociaux. Par exemple, l’impact de la fermeture des lieux de culture, bars, restaurants va être très dur. Ce secteur est déjà très affaibli, et nous avions observé une reprise moins forte que dans les autres secteurs. Sur les mois de déconfinement, le télétravail est resté de mise, et les frontaliers n’ont pas dépensé de la même manière qu’avant sur le temps de midi ou le soir. Cette nouvelle mise à l’arrêt intervient dans une situation déjà compliquée pour le secteur.

Le Luxembourg semble avoir mieux résisté que certains de ses voisins. Est-ce une illusion?

«Non, le Luxembourg a plutôt mieux résisté que ses voisins sur le premier semestre. Ceci est justement dû au fait qu’une grosse partie de l’activité est possible en télétravail, la place financière pesant énormément à l’échelle nationale, s’en sortant donc plutôt bien. Mais il ne faut pas en conclure que tout va bien partout. Il y a un peu deux Luxembourg, avec, d’un côté, les services, la place financière, et de l’autre, un secteur qui dépend de la présence des gens dans le pays. Nous avons des entreprises qui hésitent beaucoup, qui sont dans le doute. Si nous constations un redressement de l’activité, les chefs d’entreprise nous disaient qu’ils n’avaient pas une confiance totale en l’avenir, ce qui peut signifier de l’attente et de la prudence, en termes d’embauches, notamment.

En termes de gestion globale au niveau économique, le gouvernement envoie des signaux pour que le Luxembourg ne tombe pas dans une spirale dépressive.
Vincent Hein

Vincent HeinéconomisteFondation Idea

D’où l’importance de mesures majeures de la part du gouvernement?

«Il faut dire que les mesures de soutien du gouvernement, renforcées en particulier dans les secteurs les plus vulnérables tels que la culture ou l’événementiel, montrent que celui-ci a fait tout ce qu’il jugeait nécessaire. Et l’annonce de ces nouvelles fermetures lui met la pression. Vient également la question de la soutenabilité des aides. L’État luxembourgeois était dans une position financière plus confortable que certains des pays voisins, lui donnant une plus grande marge de manœuvre. En termes de gestion globale au niveau économique, le gouvernement envoie des signaux pour que le Luxembourg ne tombe pas dans une spirale dépressive.

C’est une inquiétude: les entreprises qui emploient le plus de salariés au salaire minimum se trouvent dans les secteurs qui sont actuellement les plus en difficulté.
Vincent Hein

Vincent HeinéconomisteFondation Idea

Ces mesures, telles que la hausse du salaire social minimum de 2,8% à compter du mois de janvier, auront un coût. Qui devra, in fine, payer la note?

«Concernant la hausse du salaire social minimum, ce sont les entreprises qui devront payer. C’est d’ailleurs un sujet d’inquiétude, car les entreprises qui emploient le plus de salariés au salaire minimum se trouvent dans les secteurs qui sont actuellement le plus en difficulté. Cela va être dur.

Par ailleurs, l’aide prévue avec la hausse du salaire me semble être insuffisante. Il faut aussi une compensation pour les entreprises, les aider. Nous pourrions imaginer une exonération de cotisations pour deux ou trois mois pour les entreprises qui emploient beaucoup de personnes au salaire minimum. Ce qui représente environ 15% des entreprises. Cela s’inscrirait dans la philosophie du gouvernement et inviterait les gens à être rassurés.

ideDoit-on, dans ces circonstances, craindre une inflation importante à l’avenir?

«Il n’y a aucun signal inflationniste. Elle est même presque trop faible en ce moment. C’est notamment lié au fait que la BCE soutienne massivement et injecte des liquidités sur les marchés. La demande s’est contractée, on consomme moins cette année – parce qu’on n’en a pas le droit, tout simplement. Et même la hausse du salaire ne devrait pas avoir l’effet inflationniste qu’elle a eu par le passé. D’ailleurs, la faible inflation a des effets un peu pervers, redirigeant l’épargne vers la pierre et le logement, ce qui entretient la hausse des prix de l’immobilier. Les consommateurs ont besoin de signaux positifs, il y a plus d’un milliard d’euros d’épargne qu’ils ne parviennent pas à dépenser. Cependant, si l’inflation ne se verra pas dans la moyenne, elle devrait toutefois se faire sentir dans certains secteurs.»