Un handicap n’est pas forcément visible. Plus de 80% d’entre eux ne sont pas physiques, explique Andrea Di Ronco de l’asbl Info-Handicap. (Illustration: Marielle Voisin/Maison Moderne)

Un handicap n’est pas forcément visible. Plus de 80% d’entre eux ne sont pas physiques, explique Andrea Di Ronco de l’asbl Info-Handicap. (Illustration: Marielle Voisin/Maison Moderne)

Chacun de nous, au cours de sa vie, peut être limité par une affection ou un handicap divers. Le sujet du handicap concerne donc toutes les entreprises. Pourtant, la réglementation reste peu ambitieuse en la matière, contrairement aux initiatives lancées par des acteurs privés et publics.

Perdre un peu de mobilité, avoir des ­problèmes de vue ou d’audition importants, souffrir de troubles mentaux… qu’ils soient congénitaux ou qu’ils résultent d’accidents de la vie, ces handicaps rendent notre existence plus ­difficile au quotidien. C’est notamment le cas dans le cadre du travail, où ils ne sont pas toujours perçus par l’employeur… car ils ne sont ni visibles ni explicités par ­l’em­ployé(e). «Il faut savoir que plus de 80% des handi­caps ne sont pas des handicaps ­physiques», précise en effet Andrea Di ­Ronco, collaborateur au service Information ­juridique de l’asbl Info-­Handicap.

Pour permettre à une personne porteuse d’un handicap de s’épanouir dans sa fonction et de faire pleinement profiter de ses compétences à son employeur, il convient donc de structurer l’approche que l’on a du handicap en entreprise.

Une législation peu contraignante

Le premier impératif est de s’assurer que les personnes porteuses d’un handicap aient ­suffisamment accès au monde du travail. À ce niveau, la politique a un vrai rôle à jouer en légiférant pour faciliter la mise à l’emploi de ces personnes.

Aujourd’hui, la législation luxembourgeoise prévoit déjà des quotas: toute entreprise ­privée ou structure publique est tenue d’embaucher un certain nombre de personnes handicapées. Pour les établissements publics, 5% des effectifs totaux doivent être composés de salarié(e)s handicapé(e)s. Pour le ­privé, cela dépend de la taille de la structure: au moins un(e) salarié(e) handicapé(e) à temps plein pour une entreprise entre 25 et 49 personnes; au moins 2% de l’effectif total pour une entreprise de moins de 300 personnes; et au moins 4% de l’effectif total pour une entreprise de plus de 300 salariés.

Le problème, c’est que les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect des quotas ne s’appliquent jamais.

Andrea Di ­Roncoservice Information ­juridiqueasbl Info-­Handicap

Dans les faits, toutefois, cette législation ne tient pas ses promesses. «Le problème, c’est que les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect des quotas ne s’appliquent jamais, dans la mesure où les conditions pour qu’elles soient vraiment appliquées sont très floues», explique Andrea Di Ronco. «Il faudrait vraiment qu’un employeur dise ‘Je ne veux pas engager de personnes porteuses d’un handicap’ pour être sanctionné. Évidemment, cela n’arrive jamais.»

Ce caractère peu contraignant de la loi fait que les quotas théoriques que devraient atteindre les différentes entreprises et structures publiques ne sont, en pratique, jamais atteints. Pour Info-Handicap, il apparaît urgent de renforcer l’arsenal législatif en la matière. «Quel que soit le sujet, les grands changements qui interviennent dans nos ­sociétés le font toujours par le biais de lois plus contraignantes. Sans Code de la route, ce serait ­toujours le chaos!», illustre Andrea Di ­Ronco.

Le reclassement, ça marche

Là où la loi sur les quotas semble donc peu ­efficace, celle sur le reclassement paraît mieux suivie. Il arrive en effet souvent que des ­personnes, déjà employées par une entreprise, connaissent des problèmes de santé qui amoindrissent certaines de leurs capacités physiques ou mentales. Dans cette situation, les ­em­ployeurs doivent s’assurer de proposer un cadre de ­travail adapté à ces ­collaborateurs et collaboratrices. «Il peut notamment s’agir d’aménager le poste de travail. Des aides financières sont prévues pour permettre aux employeurs de ­financer ces adaptations, ainsi que l’éventuelle perte de rendement occasionnée», ajoute Andrea Di ­Ronco. «Il est toujours plus facile de mettre des choses en place dans le cas du ­reclassement, car on connaît déjà bien la personne, et il ­apparaît tout à fait normal de lui permettre de ­continuer à travailler dans la structure.»

Nous cherchons à ­trouver une solution personnalisée pour chaque employé(e) concerné(e).

Annemie Maquil responsable du département Prévention santé et diversitédirection des ­ressources humaines de la Ville de Luxembourg

Si la plupart des structures publiques comme privées, au Luxembourg, font le nécessaire pour assurer ce reclassement de leurs collaborateurs et collaboratrices, certaines y mettent un soin tout particulier. Ainsi, du côté de la Ville de Luxembourg, on a mis en place toute une organisation qui veille à gérer correctement l’adap­tation du cadre professionnel aux collaborateurs et collaboratrices affecté(e)s par un accident de la vie. «En collaboration avec la médecine du travail, nous cherchons à ­trouver une solution personnalisée pour chaque employé(e) concerné(e)», explique Annemie Maquil, responsable du département Prévention santé et diversité au niveau de la direction des ­ressources humaines de la Ville de Luxembourg. Nous discutons notamment avec la personne pour voir quelles sont les autres compétences dont elle dispose. Ensuite, si aucun poste spécifique n’est disponible ou adapté, nous confions, par exemple, certaines tâches ­ponctuelles à la personne, qui lui permettent de gagner en compétences. Au fil du temps, elle ­pourra rejoindre un service dans lequel elle sera en mesure de travailler avec tout le confort nécessaire et en délivrant une réelle plus-value.» Notons que tout employeur du secteur privé peut s’adresser à l’Adem pour obtenir l’aide d’un assistant à l’inclusion. Ce(tte) professionnel(le) formé(e) aidera le/la salarié(e) en situation de handicap ou en cours de ­reclassement à s’intégrer parfaitement à son environnement de travail.

Sensibiliser la personne concernée… et l’équipe

Le réel défi, toutefois, semble bien se situer au niveau du recrutement et de l’intégration de personnes porteuses d’un handicap au sein de l’équipe en place. Des barrières psychologiques existent parfois dans l’esprit de ces personnes, les empêchant de postuler. Pour les entreprises, la participation à des salons de l’emploi ­permet, par exemple, de les lever. «Une autre solution, dans des métiers comme les nôtres, est de passer par des stages», explique Ann De Jonghe, ­directrice des ressources hu­maines au sein de Sodexo Luxembourg. «Nous avons notamment ­accueilli un apprenti venant d’une structure spécialisée qui souhaitait devenir cuisinier. Il est désormais en stage au sein de la cuisine de la maison relais de Kehlen. Il est clair que, pour toutes ces ­personnes, le rêve est de travailler, comme tout le monde, au sein d’une entreprise normale, et pas ­forcément dans un atelier protégé.»

Il est essentiel de ­s’assurer de l’ouverture d’esprit de tous.

Ann De Jonghedirectrice des ressources humainesSodexo

Au-delà des adaptations techniques qui doivent parfois être réalisées pour permettre à ces travailleurs et travailleuses de rejoindre l’organisation, le plus délicat est certainement l’adaptation organisationnelle. Les tâches ou horaires doivent souvent être adaptés, et le ­personnel en place doit être préparé. «Chez Sodexo, une personne au sein des RH est désignée comme ‘personne de confiance’, et, avec notre collaboratrice Diversité, elle discute avec les personnes elles-mêmes, les managers, ainsi que l’équipe», poursuit Ann De Jonghe. «Il est essentiel de ­s’assurer de l’ouverture d’esprit de tous. Si nous sentons une réticence, nous trouvons une autre solution. Imposer la personne alors qu’on sent qu’elle ne sera pas forcément bien accueillie, c’est être sûr que les choses ne vont pas bien se passer…»

À la Ville de Luxembourg aussi, un service dédié s’assure de la bonne intégration de la ­personne handicapée au sein de l’équipe: le ­service Intégration et besoins spécifiques. ­Au-­delà des adaptations techniques au sein des bâtiments, il s’assure de préparer le terrain, de veiller à la sensibilisation des équipes, et de répondre aux questions que ses membres pourraient se poser.

Cet article a été rédigé pour  de l’édition magazine de  parue le 25 mai 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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