Le chipmunk, cet écureuil popularisé par le film de Disney, rêve de «graines», de revenus tirés du bitcoin. Un sport hautement à risque pour les non-initiés. (Photo: Shutterstock)

Le chipmunk, cet écureuil popularisé par le film de Disney, rêve de «graines», de revenus tirés du bitcoin. Un sport hautement à risque pour les non-initiés. (Photo: Shutterstock)

Lundi 11 mai, en fin d’après-midi, a eu lieu le Halving, comme tous les quatre ans ou tous les 210.000 blocs minés par la communauté. La division par deux des bitcoins-récompenses est toujours un moment d’extrême volatilité de la monnaie cryptée. Chipmunks, ou épargnants incités à miser sur le bitcoin, s’abstenir.

L’événement est la grand-messe des geeks, adeptes du bitcoin: lundi 11 mai dans l’après-midi, vers 17h, a eu lieu le Halving. Comme tous les quatre ans, la récompense donnée aux mineurs – ceux qui effectuent des calculs à partir d’ordinateurs puissants – a été divisée par deux, pour la troisième fois de son histoire.  Au lieu de 12,5 bitcoins par bloc, les mineurs ont vu la récompense passer à 6,25 bitcoins.

Comme tous les quatre ans, l’événement donne lieu à des centaines d’articles d’experts de tous bords, qui ont des analyses parfois tout aussi farfelues les unes que les autres sur la valeur future du bitcoin, mais qui déplacent des fortunes d’argent, soit de fonds d’investissement et autres institutions financières, soit de «Chipmunks», ces écureuils popularisés par plusieurs séries d’animation et qui stockent leurs graines dans leurs joues, attirés par un hypothétique gain spectaculaire dans un contexte de taux très bas et de crise économique qui peut vite ruiner des portefeuilles d’actions.

Alors que le début de la crise du coronavirus a débouché sur la liquidation du bitcoin dans les portefeuilles d’investissement à la recherche de liquidités pour compenser des pertes dans les actions et les obligations, le cours est remonté de 3.000 à plus de 6.000 dollars dans les jours précédents le Halving. Aux États-Unis, le cours a même brièvement dépassé les 10.000 dollars, jeudi dernier.

Les experts annoncent des niveaux de prix hors «normes» – jusqu’à 2.000 dollars d’augmentation par jour – et ces petits épargnants se ruent sur des plates-formes d’échange, qui désormais permettent de payer avec une carte de crédit pour acquérir des bitcoins. Seulement, comme la monnaie est très volatile et qu’une transaction de retour vers des euros est différée selon le rythme du réseau, aucun non-initié ne va récupérer la somme qu’il espérait récupérer, à moins que la hausse ne s’inscrive dans la durée.

Sur cette semaine, par exemple, le cours du bitcoin affiché par Bitflyer, un des acteurs principaux du marché dont le quartier général européen est basé au Luxembourg, a fait le yoyo entre 7.830 euros et 9.211 euros. Acheter à 8.000 euros parce que des articles annoncent des prix qui vont aller jusqu’à 13.000 euros (ou 90.000 euros dans le cas des prévisions de la banque allemande BayernLB), et risquer de vendre devant un cours qui plonge subitement en dessous, sans compter les frais de la transaction, suffit à refroidir les ardeurs de beaucoup d’amateurs.

«Comme pour les actions ou les obligations», explique un expert, «il ne faut pas avoir besoin de cet argent pendant une période de quatre ou cinq ans.» Autrement dit, si le cours dévisse durablement, il finira par remonter.

C’est ce que croient de nombreux analystes, selon lesquels chaque réduction de la récompense s’est traduite par une augmentation. «La deuxième réduction de moitié de bitcoin a eu lieu en juillet 2016. Le prix de cette réduction de moitié était d’environ 650 dollars et au 16 décembre 2017, le prix du bitcoin avait grimpé à près de 20.000 dollars. Le prix a ensuite chuté au cours d’une année, passant de ce pic à environ 3.200 dollars, un prix près de 400% supérieur à son prix d’avant la réduction de moitié», .

Mais il y a une autre mécanique derrière. Imaginez que le bitcoin soit comme l’or. Il faut que des mineurs aillent chercher de l’or et le remontent que pour des investisseurs gagnent de l’argent. Si le cours de l’or baisse alors que les mineurs ont investi dans du matériel coûteux, beaucoup d’entre eux vont faire faillite. C’est ce qui se passe avec les mineurs de bitcoin. L’engouement pour la monnaie «new age», toujours largement inutilisable dans la vie de tous les jours, a vu des mineurs investir massivement dans des ordinateurs de plus en plus puissants.

Sauf que comme la technologie évolue très vite, de nouveaux ordinateurs équipés de nouvelles puces de calcul beaucoup plus puissantes ont très vite permis aux nouveaux mineurs de faire plus de calculs et de rentabiliser leurs investissements. Aujourd’hui, le monde est séparé entre ceux qui ont des ordinateurs qui ne tournent pas assez vite et ceux qui ne peuvent pas rentabiliser leurs investissements si le cours du bitcoin n’atteint pas 13.000 dollars. Leur intérêt est donc d’agiter la perspective d’un bitcoin très cher pour espérer s’en sortir.

Sans oublier le coût de l’électricité, puisque les ordinateurs sont de gros consommateurs. Ce qui explique que les mineurs se retrouvent dans des pays où elle est moins chère, comme la Chine (avant la saison des pluies, le coût de l’électricité plonge) ou en Iran.

Jusqu’à 115.212 dollars le bitcoin l’an prochain

La raréfaction du bitcoin va doper son cours, assure le fondateur et CEO de Pantera Capital, Dan Morehead, «jusqu’à 115.212 dollars en 2021», . Enfin, c’est ce que la communauté retient. Parce que la phrase suivante dit que cela a… seulement 50% de chance de se produire!

Pourquoi y croient-ils tellement? Parce que la mise en circulation des bitcoins est à la fois plafonnée à 21 millions d’unités et prévue dans le temps. À la différence des systèmes monétaires traditionnels qui injectent tout à coup des dizaines de milliards de dollars ou d’euros dans le système financier sans que l’on sache d’où ils viennent. Autrement dit, l’argent de demain n’aura pas la même valeur que l’argent d’hier.

Et face à un pétrole qui dévisse, faute de demande mondiale puisque de nombreux pays sont encore en lockdown, et face à l’émergence d’un monde nouveau plus respectueux de l’environnement, le bitcoin rêve de devenir une valeur refuge. Comme Paul Tudor Jones, le patron du célèbre hedge fund, qui a annoncé détenir 2% de sa fortune en bitcoin.

Ce qui pourrait aussi ne pas se passer si un ou des États se lancent dans la création d’une monnaie de ce type… qui ne soit pas limitée dans le temps et dans la masse monétaire.

Une fois le Halving passé, les Chipmunks pourraient bien se réveiller avec la gueule de bois.