La glace, Håkan Grönlund, ça le connaît. L’ancien hockeyeur professionnel suédois a assez fréquenté celles des patinoires du championnat suédois, entre 1977 et 1992, puis luxembourgeoises au Tornado et à Beaufort, et de toute la planète en sa qualité d’entraîneur national du Luxembourg, pour mesurer l’importance d’évacuer les bulles d’air. Un procédé technique, il faut amener l’eau à 85 degrés exactement, ce moment où les bulles d’air s’évaporent, et la refroidir très vite. La glace devient alors parfaite pour patiner!
Un cauchemar environnemental et énergétique, pensait-il, jusqu’au jour où des ingénieurs suédois lui présentent une technologie révolutionnaire. L’objet qu’Alain Mestat, qui a rejoint l’aventure en 2014, nous montre ce jour-là, ressemble à un pied de chaise. Cette «tresse» comme l’appelle l’ancien banquier a été dessinée pour tirer profit des lois de la physique: l’eau y entre à sa pression classique (3 à 4 bars), est entraînée dans des cavités qui créent un tourbillon – le vortex – qui a plusieurs impacts et ressort.
Des franchises américaines de hockey déjà clientes
«Nous retirons les bulles d’air sans avoir besoin de chauffer l’eau, ce qui permet par exemple de réduire de 40% les coûts opérationnels d’une patinoire en améliorant la qualité de la glace», assure le cofondateur d’H2O Vortex. L’entreprise luxembourgeoise a déjà pris 17% du marché mondial, 1.700 des 10.000 patinoires recensées dans le monde, dont certaines des prestigieuses franchises de la NHL, la ligue professionnelle américaine de hockey sur glace. Équipée, la patinoire de Kockelscheuer ne l’a jamais utilisée, se privant d’une substantielle économie de 60.000 euros par an depuis dix ans.
Très vite, pourtant, les cofondateurs s’aperçoivent que leur technologie, la «Vortex Process Technology – VPT» pourrait avoir un intérêt dans d’autres secteurs économiques: les tours de refroidissement, les systèmes d’aération et de climatisation ou les systèmes d’irrigation dans l’agriculture ou dans la pisciculture… Elle permet de réduire de 50% l’utilisation de l’eau, de réduire la consommation d’énergie de 5 à 10%, de réduire de 100% la consommation de produits chimiques pour aseptiser l’eau… et de réutiliser 100% de l’eau pour autre chose. Le retour sur investissement varie de trois ans à un an et demi, selon les situations, ce qu’ont compris une série d’acteurs économiques.
«Pour le comprendre», explique Alain Mestat, «il faut s’arrêter cinq minutes sur quatre aspects. Notre technologie supprime donc les bulles d’air et rend l’eau moins “visqueuse”, elle peut recouvrir plus de surface. Ensuite, sa densité augmente d’environ 5% ce qui renforce les propriétés thermodynamiques de l’eau. Dans notre produit, le vide et la pression détruisent de manière continue toute bactérie, plus besoin de chimie. Enfin, changer la structure de l’eau permet de désagréger le calcium en molécules de calcite, ce qui évite le calcaire des installations d’eau.»
Des conteneurs prêts à l’usage
La liste des clients s’allonge chaque jour. «Même Marriott a choisi d’équiper un de ses hôtels de 300 chambres pour la climatisation et l’eau plus pure que celle qui entre dans notre système sert à la sortie pour arroser leur golf», explique M. Mestat. Déjà bénéficiaire, H2O Vortex entend doubler son chiffre d’affaires l’an prochain à 20 millions d’euros.
L’entreprise a entamé un virage stratégique, qui n’est pas sans rappeler le parti pris de deux autres sociétés luxembourgeoises, elles aussi engagées dans la défense de l’environnement, Apateq et son système de purification de l’eau, et et sa technologie de fabrication de panneaux solaires: l’utilisation de conteneurs.
Au lieu de devoir tout revoir dans les installations qu’elle vise, H2O Vortex pourrait déposer un conteneur tout équipé auquel il suffirait de brancher quatre tuyaux pour une technologie garantie à vie, intégrant de l’électronique pour pouvoir mesurer son fonctionnement en temps réel.
«À Bissen, nous pourrions aider à réduire la consommation d’eau du datacenter de Google de 75%, mais Google refuse d’entendre parler de notre technologie», indique M. Mestat.
Alors l’entreprise luxembourgeoise, forte de sa technologie brevetée, de sa structure de production en impression 3D à Malmö (16 ingénieurs) et de ses prix internationaux, a commencé à aller tâter le terrain auprès d’investisseurs en private equity: sur un marché à plusieurs milliers de milliards – il existe par exemple cinq millions de tours de refroidissement dans le monde – avoir du capital pour pouvoir non pas vendre ses conteneurs équipés, mais les louer et proposer un win-win aux différents types de clients ferait encore plus de sens.