L’Autorité française des marchés financiers a infligé 93 millions d’euros d’amende à H2O en décembre 2022, sanction que la société et ses cofondateurs contestent toujours aujourd’hui, tandis que les investisseurs veulent être indemnisés.. (Photo: Shutterstock)

L’Autorité française des marchés financiers a infligé 93 millions d’euros d’amende à H2O en décembre 2022, sanction que la société et ses cofondateurs contestent toujours aujourd’hui, tandis que les investisseurs veulent être indemnisés.. (Photo: Shutterstock)

Les avocats de l’association Collectif Porteurs H2O ont assigné ce mercredi 20 décembre cinq entités dont une luxembourgeoise (H2O AM Holding), devant le tribunal de commerce de Paris. Le préjudice des 6.077 investisseurs qu’ils représentent dans une affaire d’investissement de 2015 à 2020, est estimé, selon eux, à 717 millions d’euros.

(Cet article a été amendé à 16h avec les réactions de deux des cinq entreprises visées par l’assignation.)

L’alerte avait été donnée en juin 2019. Un article du Financial Times révèle que des fonds de H2O, qui atteignaient à ce moment-là un total de 1,9 milliard d’euros, ont des problèmes de liquidité. Un vent de panique souffle sur la société alors indirectement détenue à hauteur de 50,01% par la société Natixis Investment Managers, filiale du groupe BPCE, et à hauteur de 49,99% par 17 personnes physiques, dont Bruno Crastes et Vincent Chailley, co-fondateurs. Aussitôt, certains des investisseurs retirent massivement leurs avoirs. L’Autorité des marchés financiers, la CSSF française, et son homologue britannique déclenchent une enquête.

«Entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020», raconte l’AMF, , «H2O a effectué 1.262 opérations portant sur 14 titres émis par des entités appartenant au groupe Tennor, fondé par Lars Windhorst (ci-après, les “titres Tennor”), pour le compte de sept des huit OPCVM de droit français: les fonds Adagio, Allegro, Moderato, Multibonds, Multiequities, Multistrategies et Vivace (ci-après, les “Fonds H2O”). Sur ces 1.262 opérations, 389 portaient directement sur un de ces titres et 873 étaient des opérations de financement sur titres sous forme de Buy & Sell Back (ci-après, “B&S”) ayant pour sous-jacents un titre Tennor (ci-après, les “opérations de B & S ayant pour sous-jacents les titres Tennor”). Ces dernières consistaient pour les Fonds H2O à utiliser leurs liquidités disponibles en achetant immédiatement un titre Tennor à une contrepartie en convenant concomitamment avec celle-ci qu’elle le rachète à une date ultérieure, le titre acheté jouant le rôle de garantie pour le cas où la contrepartie n’honorerait pas son engagement de rachat.»

Des comportements que le régulateur financier français condamne, en décembre 2022, d’une amende de 75 millions d’euros contre H2O AM LLP au Royaume-Uni assorti d’un blâme, de 15 millions d’euros et d’une interdiction de gestion pour cinq ans contre Bruno Crastes et de trois millions d’euros et d’un blâme contre Vincent Chailley. La société et ses fondateurs contestent l’analyse de l’AMF et ont introduit un recours devant le Conseil d’État, recours dont l’urgence n’a pas été retenue par la haute cour française au printemps.

Premiers remboursements

Les actifs illiquides sont cantonnés dans des structures spécifiques, aujourd’hui toujours inaccessibles aux investisseurs. Un collectif de 6.077 investisseurs entend obtenir réparation du préjudice qu’ils ont subi. Leurs deux avocats, Mes Dominique Stucki et Clément Nicolaizeau, ont donc décidé d’assigner quatre entités luxembourgeoises: la holding luxembourgeoise d’H2O AM LLP, H2O AM, Natixis IM, KPMG et Caceis, devant le tribunal de commerce de Paris, qui devraient entendre les dirigeants ou leurs avocats à la fin du premier trimestre 2024.

«Le Collectif Porteurs H2O et ses membres sont plus que jamais déterminés à demander réparation. Cette assignation en justice vise à réparer le préjudice subi par nos membres et nous permet de mettre à la disposition des demandeurs et de la justice tous les éléments à charge que nous avons pu récolter au cours de 11 mois d’expertise, contre H2O AM, Natixis IM, KPMG et Caceis. Nous sommes confiants sur la suite de la procédure et espérons que les épargnants pourront récupérer leurs fonds, bloqués depuis maintenant plus de trois ans», indique le président de l’association des investisseurs, Gérard Maurin, dans un communiqué que ses conseils nous ont fait parvenir.

Cette décision se fonde sur des mois d’enquête approfondie, au cours desquels l’association Collectif Porteurs H2O, avec le soutien de ses avocats et de Deminor, a recueilli des éléments démontrant la responsabilité des sociétés concernées du groupe H2O, mais également les défaillances de contrôle des tiers de confiance, font savoir les avocats.

Si Caceis ni KPMG (France) n’ont pas souhaité faire de commentaire, Natixis IM considère ces plaintes «sans fondement» et les contestera «vigoureusement».

Fin août 2022, Lars Windhorst, autrefois entrepreneur adulé par le chancelier allemand Helmut Kohl, s’était engagé à rembourser rapidement 550 millions d’euros à H2O AM. Le 3 janvier dernier, H2O AM a indiqué un premier remboursement auprès des investisseurs de 250 millions d’euros.

Natixis IM a finalisé en mars 2022 une réorientation stratégique décidée en novembre 2020, en cédant sa participation dans H2O en deux étapes, «26,61% du capital intervenue ce jour [le 25 mars 2022, ndlr.], puis, d’ici quatre ans et au plus tard dans six ans, sous réserve des autorisations réglementaires requises, la cession des 23,4% résiduels», avaient annoncé les deux sociétés .