H2O AM considère la guerre en Ukraine comme une crise locale, ne causant pas de choc systémique. (Photo: Shutterstock)

H2O AM considère la guerre en Ukraine comme une crise locale, ne causant pas de choc systémique. (Photo: Shutterstock)

Dans un contexte de sanctions internationales, les stratégies d’allocation d’actifs se sont complexifiées pour les asset managers, évitant au maximum des valeurs liées à la Russie. H2O AM a pourtant opté pour une approche à contre-courant.

H2O AM, régulée en France et au Royaume-Uni, se présente avec «l’objectif d’offrir à ses clients la possibilité de réaliser des rendements élevés, ajustés au risque, avec une liquidité quotidienne». Pareille approche nécessite parfois de sortir des sentiers battus. Pour ce faire, H2O AM a récemment joué la carte de la Russie.

Le 4 mars, deux médias financiers internationaux, Bloomberg et le Financial Times (FT), rapportaient que l’un des fonds phares d’H2O AM, H2O Multibonds, avait une exposition de 48% de ses encours au rouble, via des dérivés, au 31 janvier. Entre mi-février et début mars, le FT notait que le fonds qui contient près de 1,4 milliard d’euros d’actifs avait connu une baisse de 28% en raison des sanctions sans précédent qui avaient alors fait chuter le rouble, dont 15% rien qu’au cours de la journée du 1er mars.

Dans une communication à l’intention de ses clients, datée du 3 mars, H2O AM déclarait en effet: «Nos fonds ont enregistré une contribution négative nette au cours des derniers jours.» Le gestionnaire d’actifs expliquait alors que l’un des principaux facteurs négatifs était lié à «nos stratégies Forex et obligations émergentes qui incluent une exposition directe au rouble russe». H2O AM précisait alors qu’au 3 mars, l’exposition longue de ses fonds au rouble ne dépassait pas 7,5% de leur exposition brute globale aux devises.

Par la même occasion, H2O AM expliquait à ses investisseurs son intention de maintenir son exposition au rouble. «Historiquement, les canaux du Forex n’ont jamais été altérés simultanément et nous ne l’anticipons pas.» De plus, l’asset manager soulignait que les entreprises exportatrices russes sont contraintes de rapatrier 80% de leurs bénéfices. Ce qui représenterait environ 45 milliards de dollars chaque mois, tandis que la population russe n’a plus accès aux devises étrangères, créant donc «un déséquilibre en faveur d’une appréciation du rouble».

En outre, H2O AM déclarait: «Nous considérons que la vente d’actifs russes ne devrait pas être réalisée à un prix fortement décoté, car cela profiterait davantage aux acheteurs, dont le gouvernement russe, qu’aux porteurs de parts.»

Une stratégie qui s’est finalement confirmée avec le rouble, qui a quasiment retrouvé son niveau pré-crise.

Le marché secondaire de la dette russe

Alors que, dans sa communication aux investisseurs du 3 mars, H2O AM indiquait avoir réduit son exposition aux titres de dette russe, «car les nouvelles sanctions nuisent à leur liquidité», la société de gestion a tout de même décidé d’acquérir à nouveau de la dette russe, selon une communication du 31 mars. «À l’heure actuelle, les sanctions continuent d’affecter la libre découverte des prix des actifs russes sur les marchés offshore auxquels les investisseurs internationaux ont accès. Toutefois, la liquidité de ces actifs s’améliore sur les marchés internationaux, car ces mêmes actifs se négocient à des prix beaucoup plus élevés sur le marché onshore, où opèrent les investisseurs locaux.»

Le gestionnaire d’actifs a ainsi mis la main sur de la dette locale «à des prix fortement décotés», mais souligne que l’exposition longue sur le rouble et la dette russe de ses fonds au 29 mars est inférieure au niveau précédant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Selon nos informations, H2O AM est exposée de longue date à un panier de devises émergentes, dont le rouble.

Dans un contexte de sanctions internationales contre la Russie, la stratégie d’H2O AM a de quoi surprendre. Pourtant, H2O AM reste dans les clous en se cantonnant à n’intervenir que sur le marché secondaire de la dette russe et non sur le marché primaire. La subtilité est de taille, car le marché secondaire n’échange que de la dette déjà émise. Le marché primaire concerne quant à lui le financement de l’émetteur lui-même. À savoir également que les sanctions européennes ne concernent pas la dette souveraine russe émise avant le 9 mars 2022.

Face au risque de se retrouver avec des actifs devenus illiquides, on apprend que le gestionnaire d’actifs entend maîtriser la liquidité du rouble sur le change, dans les circonstances actuelles. Pour ce qui est des acquisitions de dette russe, on observe que celles-ci représentent moins de 2% de valeur nette – «net asset value» (NAV) – de ses fonds communs de placement (FCP) Global Macro. Le fait que l’acquisition de dette russe s’est opérée à des prix décotés constitue également un facteur de mitigation du risque d’illiquidité. Dernier élément confortant le risque: la liquidité et les prix sont liés. Si la dette reste illiquide, les prix ne monteront alors pas, limitant du coup l’exposition au risque.

Pas de risque systémique, selon H2O AM

H2O AM justifie son approche sur les actifs russes en déclarant que «malgré la violence et l’intensité du conflit en Ukraine, ni la guerre ni les sanctions contre la Russie ne constituent un risque systémique pour les marchés financiers». L’asset manager compare l’impact pour les marchés à ce qui s’est passé au moment du Brexit et non à des événements tels que la faillite de la banque Lehman Brothers ou la pandémie de Covid-19.

Considérant la guerre en Ukraine comme «une crise localisée», «le choc est de nature symétrique». Le gestionnaire d’actifs explique que, dans un premier temps, le choc se matérialise par une forte baisse des actifs directement, provoquant notamment une hausse de la volatilité sur les marchés. Simultanément, «un effet de contagion limité» cause une baisse des autres actifs risqués périphériques à la crise.

«Les actifs touchés par la contagion reviennent mécaniquement à des niveaux normaux grâce à l’arrivée de nouveaux investisseurs opportunistes et sans contrainte», note H2O AM. Pour ce qui est des actifs directement impactés, «la normalisation peut prendre plus de temps si leurs fondamentaux se sont détériorés». Considérant qu’«il serait très prématuré à ce stade de parler d’une détérioration des fondamentaux» des actifs russes, ceux-ci devraient donc poursuivre leur normalisation.